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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Emmanuel Burguete, Université de Haute-Alsace (UHA) et Régis Forgione, Université de Strasbourg

En découpant les savoirs en petites unités de formation, ils deviendraient plus faciles à apprendre, notamment sur un smartphone. De quoi permettre à chacun de se former selon ses besoins partout où il le souhaite et à tout moment. Ainsi, de multiples entreprises ou structures de formation vantent les atouts du « microlearning ». Mais est-ce une démarche à adopter dans tous les cas ?


Si vous avez déjà suivi des formations en ligne, comme celles sur smartphone dédiées à l’apprentissage des langues, vous avez probablement déjà croisé le terme de « microlearning ». De nombreuses applications l’utilisent comme un argument commercial pour vanter les atouts pédagogiques de parcours conçus autour d’un ensemble de sessions courtes, rendant plus flexible l’apprentissage.

Cependant, au-delà de ces discours, les caractéristiques précises de ce qu’on appelle microlearning et ses effets réels sur les apprentissages restent flous.

Explorons ce concept, en nous appuyant sur des études scientifiques, afin de comprendre son intérêt, les promesses qu’il véhicule, mais aussi ses limites.

Le microlearning : un concept récent, encore difficile à définir

Selon le chercheur autrichien Theo Hug, le terme microlearning a émergé au début des années 2000, avec l’essor des technologies de l’information et de la communication. Progressivement, ce concept serait devenu « incontournable » pour les formateurs de l’industrie de la formation en ligne.

Malgré cette popularité, le microlearning ne suscite encore qu’un intérêt limité de la part des chercheurs. Cela se reflète principalement dans le faible nombre de publications répertoriées dans des bases de données internationales. Néanmoins, des analyse approfondies des articles de recherche existants soulignent une efficacité avérée du microlearning du point de vue de la compréhension, de l’engagement, de la motivation et de la performance d’apprentissage.

Les auteurs indiquent que le microlearning est souvent utilisé pour réduire la charge cognitive des apprenants avec une diffusion du contenu par petites touches ou « unités », « juste au bon moment » (« just in time ») ou encore « à la demande » (« on-demand resources »). Ils rajoutent que l’apprentissage sur des smartphones et des tablettes – encore appelé « mobile learning » – permet de se former à tout moment et en tout lieu. Et, enfin, que le « social learning » ou apprentissage social est aussi une façon de se former en microlearning à partir d’interactions souvent informelles entre pairs sur les réseaux sociaux.

Bien que la vidéo soit le média le plus largement utilisé dans le cadre du microlearning, les infographies ou d’autres documents visuels sont aussi reconnus comme de puissants moyens d’apprentissage. Parmi les formats possibles, on peut citer l’envoi d’un simple SMS, des jeux sérieux, un système de GPS interactif, des exercices basés sur des quiz, etc.

Par ailleurs, des activités en microlearning peuvent tout à fait s’intégrer et se rencontrer sans outil technologique, dans des situations scolaires quotidiennes d’enseignement, au primaire, dans le secondaire ou le supérieur.

Néanmoins, le microlearning n’est pas la panacée et il ne faut pas déduire de ces études qu’il est efficace en toutes circonstances. Les situations où les résultats sont mitigés existent mais elles ne figurent généralement pas en grand nombre dans la littérature. C’est ce que l’on appelle le « biais de publication » où ce sont plutôt les résultats favorables qui apparaissent plutôt que les défavorables.

Cet état de fait doit amener l’utilisateur à être vigilant quant aux arguments avancés par les concepteurs de formations. Pour cela, il est important de comprendre plus en détail ce que l’on entend par microlearning avec un point de vue éclairé par la recherche.

Des expériences éducatives perçues comme courtes

La promesse de gain de temps est un des premiers arguments rencontrés lorsque l’on parle de microlearning. Cependant, la brièveté censée le caractériser apparaît rapidement comme une difficulté majeure lorsqu’on tente de la définir. Pour exemple, si vous vous posez la question de savoir si une minute est une durée courte ou longue, il est très probable que vous choisissiez la première proposition. Cependant, ce choix aurait pris une tout autre dimension si vous aviez eu l’un de vos doigts coincés dans une porte pendant cette même durée.

De la sorte, dire qu’une formation en microlearning est courte parce qu’elle dure 1 minute, 2 minutes ou 5 minutes ne fait pas sens, puisque cela dépendra des besoins effectifs de l’apprenant et du contexte de la formation. Pour cette raison, Theo Hug faisait remarquer il y a déjà 20 ans que la durée d’une formation en microlearning pouvait largement varier de « moins d’une seconde à plus d’une heure ». Cela fait donc largement relativiser le « gain » de temps supposé du microlearning.

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En ce qui concerne une éventuelle garantie de meilleure acquisition de connaissances ou de compétences par le microlearning, un point de vigilance concerne la conception des formations. Pour cela, Carla Torgerson propose une nouvelle définition en excluant, comme le chercheur Theo Hug, toute notion précise de durée qui ne présente au final que peu de sens. Pour elle, le microlearning est avant tout une « expérience éducative qui est ciblée, courte et efficace ».

Ainsi, toute « expérience éducative », qu’elle soit d’ordre formel, non formel ou informel, serait utile à l’apprenant, à condition qu’il ait validé sur un temps adapté des objectifs pédagogiques (cible de l’apprentissage) et donc acquis des connaissances ou des compétences (efficacité de l’apprentissage).

Le microlearning : un bon argument commercial ?

Si le microlearning peut être considéré comme une stratégie efficace pour enseigner et pour apprendre, des précautions doivent être prises pour garantir son efficacité, notamment en ce qui concerne la conception des formations et la définition d’objectifs pédagogiques.

En effet, sans une solide ingénierie pédagogique par les concepteurs pour structurer et planifier les formations, il est difficile, comme le souligne Carla Torgerson, d’affirmer qu’elles seront suffisamment ciblées pour être pédagogiquement efficaces et perçues comme courtes par l’apprenant.

Face à toute formation se pose donc un certain nombre de questions pour l’apprenant : en quoi chaque unité de formation répond-elle à mes besoins ? Ai-je acquis de nouvelles compétences ou connaissances ? L’articulation des différentes unités m’a-t-elle aidé à progresser vers un objectif précis ou plus global ?

En fin de compte, le microlearning est certainement un outil puissant quand il est bien utilisé, mais il ne peut être résumé à un simple argument de vente. Que ce soit pour l’usager ou le concepteur de formation, une réflexion attentive et critique est essentielle pour en exploiter tout le potentiel, en gardant toujours à l’esprit que chaque situation éducative est unique.The Conversation

Emmanuel Burguete, Doctorant en sciences de l'éducation et de la formation, Université de Haute-Alsace (UHA) et Régis Forgione, Directeur Atelier Canopé de Nancy. Doctorant en sciences de l'éducation et de la formation, Université de Strasbourg

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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