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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Les neurosciences s'invitent de plus en plus dans les classes. Elles commencent à proposer des pistes pour aider les enseignants à trouver des méthodes d’apprentissage efficaces.

Les enseignants qui se sont emparés des connaissances apportées par cette discipline récente savent qu’il

Un postulat, fondé sur les expérimentations en laboratoire, formulé par Olivier Houdé, nous apprend qu'il faut apprendre aux enfants à inhiber certaines de leurs intuitions. Si certains enfants confondent le b et le d, le p et le q… c’est à cause des automatismes. Lesquels deviennent un vrai ennemi intérieur qui les induit en erreur. Pourtant l'intuition est souvent créatrice mais comme toute chose, il existe un envers et un endroit de la médaille.

Les automatismes doivent ainsi s'accorder avec des contre-automatismes (ou des opérations d'inhibitions cognitives). Le mot peut étonner dans le milieu scolaire qui recherche tant d'activations des potentiels des élèves en apprentissage. Et pourtant...

Le plus court chemin d'un automatisme n'est pas toujours le plus favorable pour réussir une action. Parfois l'automatisme est trop rapide et préconscient, il n'appelle pas la réflexion nécessaire à l'observation de son efficacité dans la situation donnée. Et l'arrêt sur image n'est pas toujours aisé. Nous savons la nécessité de réaménager des schèmes d'action dans une dialectique sujet/situation. Et l'inhibition est une stratégie parmi d'autres qui peut lutter contre des erreurs de raisonnement..

 Olivier Houdé est instituteur, psychologue et neuroscientifique de formation. Professeur de psychologie du développement à l’Université Paris-Descartes, il a fondé le Lapsydé (laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant), et est l’une des grandes figures des neurosciences en France.

Au croisement de la psychologie de l'enfant, de la pédagogie et de la biologie humaine (technologies d’imagerie cérébrale), en collaboration avec un large réseau d’écoles (depuis la maternelle), le laboratoire d’Olivier Houdé – connu pour sa théorie de l’inhibition cognitive dans le raisonnement – explore les mécanismes du développement et de l’apprentissage. Dans le cerveau de chaque enfant ou adulte, des heuristiques très rapides et intuitives, ou biais cognitifs (système 1, D. Kahneman) et des règles logiques ou algorithmes exacts (système 2, J. Piaget) peuvent entrer en compétition à tout moment. C’est ce qu’on appelle des « conflits cognitifs ».

Olivier Houdé

On en observe dans tous les apprentissages fondamentaux : lire, écrire, compter, penser (ou raisonner) et respecter autrui. Pour dépasser ces conflits, l’adaptation de l’ensemble du cerveau (c’est-à-dire l’intelligence ou la flexibilité), dépend de la capacité de contrôle exécutif du cortex préfrontal (système 3) – en lien avec des sentiments (feelings) – à inhiber le système 1 et à activer le système 2, où qu’ils soient dans le cerveau, au cas par cas, selon le but et le contexte de la tâche. Des entraînements métacognitifs au laboratoire ou à l’école peuvent y aider. C’est utile tant pour les enfants que pour les adultes car ces derniers restent encore de mauvais raisonneurs dans beaucoup de situations où leur système 1 domine, souvent inconsciemment.

Olivier Houdé

Un autre exemple, dans le domaine mathématique, permet de bien comprendre la généralité de ce phénomène. Il s’agit de la tâche de conservation du nombre jadis inventée par Piaget (Piaget & Szeminska, 1941). Devant deux rangées qui ont le même nombre de jetons (7 et 7 par exemple) mais qui sont de longueurs différentes (après l’écartement de l’une des deux rangées), jusqu’à 7 ans l’enfant considère qu’il y a plus là où c’est plus long ». Piaget croyait que l’enfant n’était pas logique, qu’il était dominé par son système 1. Or la difficulté est ici d’apprendre à inhiber l’heuristique « longueur égale nombre » alors même que l’enfant est déjà capable de compter (Houdé 2000).

Olivier Houdé

Dans le cerveau, une heuristique et une stratégie très rapide, très efficace – donc économique pour l’enfant ou pour nous-mêmes -, qui marche très bien, très souvent, mais pas toujours, à la différence de l’algorithme exact, stratégie plus lente et réfléchie, mais qui conduit toujours à la bonne solution (le syllogisme, de comptage, etc ;) P 78 : D’où vient l’heuristique « longueur égale nombre » ? Par exemple, sur les rayons des supermarchés, en général, il est vrai que la longueur et le nombre varient ensemble (covarient) : face à deux alignements de produits du même type, celui qui est plus long contient aussi le plus de produits. Le cerveau de l’enfant détecte très tôt ce type de régularité visuelle et spatiale. De même à l’école ou à la maison quand on apprend les additions ou les soustractions (ajouts/retraits) avec des objets sur une table, si on additionne, on ajoute un ou plusieurs objets (1+1+1+1…) et c’est plus long ; si on soustrait, c’est l’inverse. C’est encore vrai dans les livres de « maths pour petits » ou sur les murs des classes. On y découvre en général la suite des nombres de 1 à 10 illustrée par des alignements d’objets de longueur croissante (des alignements d’animaux ou de fruits). Donc quasiment partout, sauf dans la tâche de Piaget, la longueur est le nombre varient ensemble.

Le neuroscientifique Stanislas Dehaene,professeur au Collège de France et président du Conseil scientifique de l'Education nationale, résume son livre « La science au service de l’école », paru aux éditions Odile Jacob. Qu'est-ce qu'apprendre ? Qu'est-ce que la étacognition ? Qu'apporte les neurosciences et les sciences cognitives aux enseignants ? Quels gestes pédagogiques à conseillés ? Quels apprentissages avec l'erreur ? ...

Conférence de Stanislas Dehaene

Professeur au Collège de France en psychologie cognitive expérimentale

Que signifie vraiment « apprendre » ? Le neuroscientifique et spécialiste de la psychologie cognitive Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, vous éclaire sur les formidables capacités de notre cerveau : comment améliorer nos facultés d’apprentissage ? Stanislas Dehaene nous donne les clés et les méthodes pour mieux faire fonctionner notre cerveau. « Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines » est publié aux éditions Odile Jacob.

Texte d'étude pour les étudiants : 

Outre l’attention, deux facteurs jouent un rôle déterminant dans les apprentissages : l’engagement actif de l’enfant, et le retour rapide d’informations (feedback).

(...)

l’algorithme fondamental qui permet au cerveau d’ajuster ses représentations du monde extérieur consiste en trois étapes : 

  • - prédiction descendante, fondée sur le modèle interne actuel ; 
  • - comparaison de ces prédictions avec les entrées reçues du monde extérieur, ce qui engendre des signaux d’erreur ; 
  • - utilisation de ces signaux d’erreur afin d’ajuster le modèle interne.

Ce modèle du cerveau Bayésien suggère que deux ingrédients sont indispensables à l’apprentissage : la génération d’une anticipation sur le monde extérieur (engagement actif), et le retour d’information sous la forme de signaux d’erreur (en provenance de l’environnement ou de l’enseignant).

De nombreuses expériences, chez l’animal comme chez l’homme, au laboratoire ou à l’école, démontrent qu’un organisme passif n’apprend pas. En écho à ces travaux de neurosciences fondamentales, la recherche pédagogique indique que le cours magistral, où l’esprit des enfants peut vagabonder, est moins efficace que ne le sont les pédagogies actives, qui sollicitent l’engagement de l’enfant. Selon les expériences d’Henry Roediger et ses collaborateurs, à temps constant, l’apprentissage est optimal lorsqu’on alterne des périodes d’enseignement explicite et des périodes de test des connaissances. Les tests ne se contentent pas de mesurer les acquis, mais font partie intégrante de la pédagogie, car ils permettent à l’enfant de s’évaluer et de se corriger. L’étude de la métacognition montre que nous surestimons fréquemment nos apprentissages. De nombreux étudiants pratiquent la relecture du cours, mais cette stratégie n’a guère d’effet : c’est la mise à l’épreuve explicite des connaissances, doublée d’un retour rapide sur les éventuelles erreurs, qui constitue la meilleure stratégie.

L’idée que l’enfant doit être un acteur engagé de son propre apprentissage ne doit pas être confondue avec celle de « pédagogie de la découverte », qui voudrait que l’enfant s’empare seul d’un domaine, avec un minimum d’intervention de l’enseignant. Il ne s’agit pas de laisser l’enfant découvrir lui-même le contenu à apprendre, mais de lui proposer un environnement pédagogique structuré qui engage son attention, sa volonté et sa curiosité.

(...)

les enfants éprouvent les plus grandes difficultés à découvrir spontanément les règles qui gouvernent un domaine.

(...)

Chez tous les êtres humains, comme chez l’animal, la surprise, c’est-à-dire le décalage entre les attentes et la réalité, joue un rôle déterminant dans l’apprentissage. Des expériences de « blocage » (blocking) chez le rat battent en brèche la notion d’apprentissage purement associatif. En effet, il n’existe aucun apprentissage de l’association répétée de deux signaux lorsque cette association est déjà prédite par un troisième signal : pas de surprise, pas d’apprentissage. À l’inverse, chez l’enfant, les travaux récents de Lisa Feigenson montrent que, dès qu’un événement visuel inattendu suscite une réponse de surprise chez l’enfant, cette surprise s’accompagne d’un apprentissage accru.

L’enfant n’attend pas seulement la nouveauté de façon passive, mais il la recherche activement : c’est ce qu’on appelle la curiosité. Selon Hunt (1965) et Berlyne (1960), la curiosité serait un signal spécifique de motivation à l’exploration des situations inconnues. Selon Loewenstein (1994), elle résulterait de l’identification d’un décalage entre ce que l’on connaît et que l’on aimerait connaître, décalage que l’on tente de réduire.

(...)

Les neurosciences et l’imagerie cérébrale chez l’homme suggèrent que la curiosité passe par l’activation endogène du circuit dopaminergique de la récompense. Ainsi, en l’absence de tout renforcement explicite, le simple fait de parvenir à apprendre constitue une récompense en soi. L’information nouvelle possède une valeur intrinsèque pour le système nerveux. Ce que nous appelons la curiosité n’est rien d’autre que l’exploitation de cette valeur.

(...)

Les expériences de Bonawitz et coll. (2011) fournissent une piste de recherche. Elles montrent que l’enfant à qui on fournit un enseignement trop explicite finit par accorder une confiance plus grande à l’enseignant qu’à ses propres capacités d’exploration. Plus précisément, lorsqu’un expérimentateur, de façon répétée, dévoile la totalité des fonctions d’un jouet, les enfants, confrontés à un jouet nouveau, n’ont plus la curiosité d’en explorer toutes les facettes. On peut donc tuer la curiosité lorsque l’enseignement ne laisse aucun élément à découvrir.

(...)

La punition répétée entraîne un syndrome d’impuissance acquise (learned helplessness), associé au stress et à l’anxiété, dont la recherche animale démontre qu’ils inhibent les apprentissages.

(...)

 Le rôle clé de l’engagement actif souligne à quel point il importe que l’enfant soit maximalement attentif, actif, prédictif : plus sa curiosité est grande, plus son apprentissage augmente.

Pour maximiser la curiosité, il faut veiller à présenter à l’enfant des situations d’apprentissage qui ne soient ni trop faciles, ni trop difficiles : c’est le principe d’adaptation de l’enseignement au niveau de l’enfant. Afin de préserver l’engagement et la curiosité, l’enseignant doit éviter d’asséner un long cours magistral, mais faire intervenir les enfants, les tester fréquemment, les guider tout en leur laissant découvrir certains aspects par eux-mêmes, et récompenser systématiquement leur curiosité plutôt que de la décourager.

L’importance du retour d’information, quant à lui, souligne le statut pédagogique de l’erreur. Enfants et enseignants devraient prendre conscience que du point de vue des neurosciences cognitives, loin de constituer une faute ou une faiblesse, l’erreur est normale, inévitable même, en tout cas indispensable à l’apprentissage.

Mieux vaut un enfant actif qui se trompe et apprend de ses erreurs, qu’un enfant passif et qui n’apprend rien.

Ne confondons pas l’erreur (signal informatif) avec la sanction qui ne fait qu’augmenter la peur, le stress, et le sentiment d’impuissance. Les motivations positives et les récompenses modulent l’apprentissage. Notons enfin que le mot « récompense » n’implique aucun retour à un béhaviorisme naïf : chez notre espèce, éminemment sociale, le regard des autres et la conscience de progresser constituent des récompenses en soi.

Source et texte complet : 

Stanislas DehaeneCollège de France
03 février 2015 09:30 11:00 CoursAmphithéâtre Marguerite de Navarre - Marcelin Berthelot
 

A l'occasion de la Rentrée Solennelle de l'université de Poitiers, Stanislas Dehaene a proposé une conférence intitulée "Apprendre : les talents du cerveau, le défi des machines."

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