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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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   Science ? Epistémologie ??

      Nom féminin singulier

La science est l'ensemble de connaissances sur un fait, un domaine ou un objet vérifiées par des méthodes expérimentales; c'est une habileté, un savoir faire que donnent les connaissances, un domaine organisé du savoir ; (au pluriel) il s'agit de discipline scolaire s'opposant aux sciences humaines
(familièrement, érudition, savoir).
sciences humaines : étude des comportements, de la pensée de l'homme, seul ou en groupe, dans le passé ou le présent;  sciences physiques, mathématiques, sciences naturelles...
 
L'épistémologie est l'étude critique des sciences et de la connaissance scientifique : elle est destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée (théorie de la connaissance). C'est une "science" sur la science pour dire les choses simplement. 

La science répond à une volonté de savoir "vraiment".

Cette première indication peut paraître simpliste, mais elle constitue un critère essentiel qui, d'emblée, départage la science d'activités qui ont des finalités différentes, telles que légiférer sur la société, enjoliver la réalité, donner de l'espoir, reproduire les traditions, prescrire des conduites, endoctriner les foules, véhiculer des opinions.

Le terme volonté de savoir "vraiment" note le fait que cette volonté est double : c'est celle d'aller vers un savoir vrai (en adéquation avec la réalité), mais aussi de ne pas se leurrer, de ne pas s'en tenir à des croyances. C'est la volonté de "vraiment" savoir qui fait franchir le portique de la connaissance scientifique. Vraiment savoir implique généralement de se confronter aux croyances en cours, ce qui n'est pas une attitude largement partagée.

« Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse a une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut pas y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit. » (Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1938)

"La science est peut-être la seule activité humaine dans laquelle les erreurs sont systématiquement critiquées et avec le temps, corrigées" - Karl Popper.

«Il est clair qu’il existe des zones de flou dans la recherche, et qu’elles sont parfois difficiles à communiquer auprès du grand public. Oui, la science se trompe parfois, car la connaissance s’acquiert progressivement. Mais certains faits sont largement établis, comme l’origine humaine des changements climatiques. Les nier, c’est remettre en cause le principe même d’une poursuite de la vérité. Et quand cela provient du dirigeant d’une des principales puissances mondiales, c’est grave» (Nouria Hernandez, Rectrice de l’Université de Lausanne à l'occasion des marches pour la science en avril 2017).

08 - Repères sur la science, le critère de scientificité

Le problème de la démarcation entre une démarche scientifique et une démarche spéculative (pseudoscience, idéologie) a été posé par Karl Popper en termes de méthode au sens large (c'est-à-dire associant la manière théorique et pratique de conduire la recherche).

Pour Popper, la science se doit de fonctionner de manière déductive, allant du général de la théorie au particulier du fait empirique. Ainsi, elle devrait procéder en trois temps : théorie, déduction de conséquences, expérience pouvant réfuter la théorie.

La vérification de la scientificité d'une démarche se prétendant scientifique comporte quatre étapes :

1 - L'évaluation de la cohérence du système théorique

2 - La mise en évidence de la forme logique de la théorie

3 - La comparaison à d'autres théories

4 - Les tests empiriques.

Popper propose un critère qu'il juge plus pertinent que la vérification pour juger de la validité d'une théorie, la réfutation. Selon ce critère, l'observation d'un seul fait expérimental ne corroborant pas la théorie réfute celle-ci.

Notons bien que cela sous-entend 1/ le caractère inductif de la science et 2/ une complétude et une universalité de la théorie en cause. Si on admet ces deux aspects, si un seul fait contrevient à la théorie, elle est nécessairement fausse. Une connaissance qui donne cette possibilité de réfutation peut être considérée comme scientifique, car elle donne la possibilité d'un contrôle de sa validité très puissant.

"Si ce sont des confirmations que l'on recherche, il n'est pas difficile de trouver, pour la grande majorité des théories, des confirmations ou des vérifications" et donc "une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique". Mettre à l'épreuve une théorie est "une tentative pour en démontrer la fausseté (to falsify) ou pour la réfuter". On doit constater que "certaines théories se prêtent plus aux tests, s'exposent davantage à la réfutation que les autres, elles prennent, en quelque sorte, de plus grands risques". Au total, le critère de la scientificité d'une théorie "réside dans la possibilité de l'invalider, de la réfuter ou encore de la tester" (Conjectures et réfutations, La croissance du savoir scientifique, pp. 64-65)

Karl Popper

La possibilité de réfutation est pour Popper un critère de scientificité essentiel : il faut que la théorie offre la possibilité d'expériences cruciales qui permettent de la réfuter pour qu'elle soit qualifiée de scientifique. Cela sous-entend que la théorie soit rigoureuse et permette des prévisions précises. Si elle est floue et fait des prévisions vagues ou interprétables, elle n'est pas réfutable et ne peut pas être considérée comme scientifique. La conception de Popper est aussi de bon sens, car une connaissance qui prétendrait à la vérité sans pouvoir être testée par la communauté savante est a priori suspecte et ne peut faire partie du corpus scientifique acceptable. On ne peut prétendre à une connaissance vraie sur le monde sans qu'elle soit testable empiriquement par la communauté.

La déduction dans les sciences consiste à prévoir, à partir d'un état connu de la réalité, ce qui va arriver en s'appuyant sur une théorie. On « déduit » de la théorie qu'il se produira tel fait ou tel événement. Toutes les sciences utilisent la déduction. Mais, Popper lui donne une place centrale, car il se réfère à la physique théorique et à la cosmologie dans lesquelles l'autonomie du théorique est forte et donc l'aspect déductif est prépondérant. (...) En biologie, l'observation et l'expérimentation sont primordiales pour que naissent les conceptions abstraites et générales. Ainsi, l'idée que les organismes vivants sont composés de cellules limitées par une membrane comportant des organites et des chromosomes (généralement dans un noyau) n'a jamais été formulée a priori et de manière déductive. C'est pourtant une connaissance scientifique. Elle a été produite "à partir des énoncés d'observation", pour reprendre la formule de Karl Popper, par une abstraction et une généralisation de ceux-ci. Cette théorie cellulaire n'est pas explicative, mais plutôt modélisante, et elle ne prétend pas à l'universalité (il peut exister d'autres types de vie). Cela n'empêche pas de faire des déductions en biologie, mais la forme générale de la connaissance ne peut être qualifiée de "déductive"

Toutes les sciences ne sont pas constituées sur le même modèle. Il y a une variabilité de la part respective de l'induction et de la déduction selon le domaine scientifique (et même au sein d'un domaine particulier). Certaines sciences sont très abstraites, à vocation universelle explicative comme la physique théorique. Elles sont globalement plutôt "déductives". D'autres, comme la biologie, sont plutôt modélisantes, leurs théories se forment par des synthèses abstraites issues des observations. Elles sont globalement plutôt "inductives".

La démarche de type hypothético-déductif est toujours présente, mais à des degrés divers et n'intervient pas au même moment dans ces deux types de sciences. Elle suppose d’avoir une théorie constituée à partir de laquelle on va faire des hypothèses que l’on va soumettre à l’épreuve des faits (par des expérimentations ou des observations). Or, la constitution de cette théorie et sa forme varient d'une science à l'autre. On ne peut donc pas faire de la déduction un critère de démarcation de la science, car il exclurait une grande partie des connaissances dont, par ailleurs, on est certain qu'elles méritent le qualificatif de scientifique.

Brève bibliographie :

Bachelard G., La formation de l'esprit scientifique, Paris, Vrin, 1986.

Chalmers A.F., Qu'est-ce que la science ?, Paris, La découverte, 1987.

Elias N., La Dynamique sociale de la science. Sociologie de la connaissance et des sciences, Paris, La découverte, 2016.

Elisa N., J'ai suivi mon propre chemin, Paris, Edition sociales, 2016.

Kuhn Th., La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1983.

Popper K., La logique de la découverte scientifique, Paris, Payot, 1995.

Popper K., Conjectures et réfutations, Paris, Payot.1985.

Raynaud D., Sociologie des controverses scientifiques, Paris, Éditions Matériologiques, 2018.

Feynman R., "Qu'est-ce que la science ?", in : La Nature de la physique, Paris, Seuil, 1989.

Rossi, P., Aux origines de la science moderne, Paris, Seuil, 1999.
 

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