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Carte de visite

Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Considérations personnelles : à la veille de ma retraite, il m'est possible de dresser un bilan o combien triste d'une université  française, si peu brillante au regard des classements internationaux, enfermée dans ses contradictions  entre recherche et enseignement, et ses cooptations déguisées sous forme de concours. C'est en bien des cas l'excellence des réseaux qui l'emporte sur l'excellence académique... Et la déception pour des nouvelles recrues...

Nous y reviendrons dans quelques mois... voyons pour commencer quelques extraits choisis de témoignages qui feront peut être avancer...  Ph.C.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 116 • Mars 2017

Recherche ou enseignement : faut-il choisir ?

Par Laure Endrizzi
Chargée d’étude et de recherche au service Veille et Analyses de l’Institut français de l’Éducation (IFÉ)

Depuis vingt ans, une littérature abondante alerte périodiquement l’opinion publique sur la crise que traverse l’université et signale notamment le déclin de la profession aca- démique. Du fait de la massification des effectifs étudiants et de l’essor de la société de la connaissance, les privilèges plus ou moins symboliques attachés aux activités des enseignants-chercheurs l seraient remis en cause. Ce déclin porterait à la fois sur le statut socio-économique et sur le travail académique : perte d’exclusivité dans la pro- duction du savoir et compétition croissante avec d’autres espaces scientifiques, publics ou privés, dans un marché internationalisé d’une part ; tensions nouvelles associées à l’enseignement, imposant des réflexions sur la manière dont les étudiants apprennent et des refontes curriculaires au bénéfice de sa- voirs plus utiles d’autre part (Enders, 1999). En France comme ailleurs en Europe, les universités ont considérablement évolué ces dernières années (Rey, 2005). Alors que depuis 2010, les politiques nationales en faveur de la recherche et de l’innovation ont connu un essor important, en particu- lier via les programmes d’investissements d’avenir (PIA), les universités, soumises à des injonctions contradictoires (devenir autonomes sans maitriser les recrutements de leurs personnels, ni de leurs étudiants, tout en se regroupant au niveau territorial pour peser dans la compétition interna- tionale), cherchent leur équilibre. Deux grandes lois adoptées respectivement en 2007 (loi n° 2007-1199 relative aux liber- tés et responsabilités des universités, dite LRU) et en 2013 (loi n° 2013-660 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite ESR) traduisent les enjeux qui pèsent actuellement sur les universités et les ten- sions entre deux référentiels : qualité de la recherche et qualité de l’enseigne- ment. Depuis 2007, avec le plan « Réussite en licence », des pressions pour un enga- gement pédagogique accru des universités et de leurs personnels s’exercent en effet à différents niveaux. L’amélioration des pro- cédures d’orientation, le continuum secon- daire-supérieur et la simplification de l’offre de formations, au cœur de la loi ESR, pré- figurent un nouveau rapport à l’enseignement et de nouvelles formes de rappro- chement entre lycée et universités. Pa- rallèlement, la recherche est devenue au fil des réformes la préoccupation domi- nante des présidences, au vu des gains de prestige et des financements qu’elle procure ou est susceptible de procurer. Le sentiment que le travail académique s’organise de plus en plus autour d’exi- gences plus bureaucratiques que scien- tifiques prévaut, alors que les regroupe- ments territoriaux semblent impuissants à faire émerger des universités fortes au niveau mondial et que les écarts entre les établissements ne paraissent plus pouvoir être ignorés. Dans quelle mesure ces évolutions af- fectent-elles les hiérarchies et les cor- poratismes professionnels ? Existe-t-il une culture professionnelle commune liée à la production et la transmission de connaissances, ou bien l’université est- elle désormais constituée d’une collec- tion d’individus entrepreneurs ? La figure privilégiée du mandarin a-t-elle laissé la place à d’autres figures idéales-typiques telles que celle du professionnel exer- çant en libéral ou bien celle de l’employé effectuant un travail de routine ? La pro- fession académique tend-elle à se dis- soudre dans une kyrielle de métiers aux contours flous ? Les liens à la fois symbolique et fonctionnel entre re- cherche et enseignement, revendiqués par toute la profession, sont-ils en réalité définitivement perdus ? Ce dossier propose d’aborder ces ques- tions à la lumière de quelques travaux de recherche récents sur la profession aca- démique. Une première partie s’intéresse à l’évolution des missions dévolues aux établissements d’enseignement supérieur et aux processus de différenciation qui revisitent le modèle de l’université hum- boldtienne du XIXe siècle. Une deuxième partie analyse la diversification des modes d’entrée dans la carrière académique et la structure française des emplois scienti- fiques et pédagogiques. La troisième par- tie porte sur le travail académique et les asymétries fonctionnelles liées aux tâches de recherche et d’enseignement, et exa- mine les facteurs influençant l’orientation différenciée des activités.

L’« idée d’université l » défendue par Humboldt en Allemagne au début du XIXe siècle, à laquelle la profession académique se réfère majoritairement encore aujourd’hui, privilégiait un lien fonctionnel entre recherche et enseignement, et proposait une vision ouverte du savoir, dépourvu d’utilité. L’argument consistait alors à remettre en cause une différenciation jugée infondée entre ceux qui produisent la recherche (dans les académies ou les sociétés savantes) et ceux qui l’enseignent ou la diffusent (dans les universités).

La cohabitation entre les grands organismes de recherche, les écoles et les universités est considérée comme une exception française, figurée par un système resté en
partie perméable aux idéaux humboldtiens, maintenant un clivage entre recherche et enseignement : la recherche d’excellence est conduite dans les grands organismes, l’enseignement d’excellence est dispensé dans les écoles, au détriment des universités considérées comme médiocres à la fois en recherche et en enseignement, tout en étant paradoxalement chargées de former à la recherche (Paradeise & Lichtenberger, 2009).

Au-delà de la LRU, le système évolue lentement vers une différenciation plus forte des universités, en contradiction avec ses principes fondateurs d’uniformité (garantie d’équivalence des diplômes) et d’égalité (garantie d’un traitement identique des établissements et des personnels)

La recherche, sans frontières, est plus prestigieuse que l’enseignement, confiné dans la relation enseignant-étudiants. Elle a une visibilité extérieure, elle peut être mesurée et produire de la notoriété, alors que l’enseignement est une action locale, invisible sur le plan institutionnel, non reconnue, non évaluée (Paivandi, 2010a).

Dossier IFE : Recherche ou enseignement : faut-il choisir ?

Contribution de recherche : 

La liberté conditionnelle des enseignants-chercheurs Retour sur une recherche de doctorat et ses résultats, par Anaïs LOIZON; Maître de conférence, Agrosup Dijon

Cette contribution a pour but de rendre compte et de soumettre à la discussion les résultats et la démarche d’analyse du travail menée dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur l’analyse du travail d’enseignement des enseignants-chercheurs dans l’enseignement supérieur agronomique français (Loizon, 2016). Cette recherche permet de nuancer la supposée « liberté académique » des enseignants-chercheurs en mettant en évidence le poids de l’environnement institutionnel, politique, organisationnel et matériel dans l’orientation de l’activité des enseignants. Cette communication sera aussi l’occasion de questionner le poids qu’a pu avoir ce même environnement sur la démarche d’analyse que nous avons menée et dont les variations méthodologiques mises en œuvre dans la thèse peuvent être l’expression.

Didactique Professionnelle – Quatrième Colloque International, juin 2017

Tribune de l'Obs : 

« Je ne publierai plus jamais dans une revue scientifique », novembre 2016

Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur et blogueur renommé, explique pourquoi le système des revues scientifiques – depuis l’évaluation par les pairs jusqu’aux abonnements exorbitants – va à l’encontre du travail scientifique et de sa diffusion au plus grand nombre. 

quiconque affirme aujourd’hui qu’en acceptant de publier dans des revues scientifiques sans systématiquement déposer son texte dans une archive ouverte et/ou avec une licence d’attribution non-commerciale, ignore, ou feint d’ignorer, sa part de responsabilité dans la situation catastrophique de privatisation de la connaissance que mettent en œuvre quelques grands groupes éditoriaux à l’échelle de la planète. Celui-là est à la fois un idiot, un menteur et surtout un irresponsable.

Enseignant-chercheur, je ne publie plus que vraiment très occasionnellement dans des revues scientifiques. Et ce pour plusieurs raisons. D’abord le modèle économique de l’oligopole (voire du quasi monopole dans le cas des SHS), qui gère aujourd’hui la diffusion des connaissances au travers de revues, est celui d’une prédation atteignant des niveaux de cynisme (et de rente) de plus en plus hallucinants. (...) Ensuite les « éditeurs » desdites revues ont arrêté depuis bien longtemps de produire le travail éditorial qui justifiait le coût et l’intérêt desdites revues : ils se contentent le plus souvent d’apposer leur « marque », toutes les vérifications scientifiques (sur le fond) sont effectuées gratuitement par d’autres chercheurs, et les auteurs eux-mêmes se coltinent l’application de feuilles de style la plupart du temps imbitables.(...) Alors bien sûr vous allez me dire que l’intérêt des publications scientifiques dans des revues c’est que des « pairs », d’autres universitaires, vérifient que l’on ne raconte pas de bêtises. (...) Bien sûr que l’évaluation par les pairs c’est important. Sauf que même à l’époque où je publiais encore régulièrement dans des revues soumises à l’évaluation par les pairs, (et en l’occurrence « soumises » n’est pas un vain mot), ladite évaluation de mes pairs se résumait neuf fois sur dix à m’indiquer que je n’avais pas, ou insuffisamment, cité les travaux de tel ou tel mandarin (ou de l’évaluateur lui-même...), que c’était très intéressant mais que le terme « jargon 1 » prenait insuffisamment en compte les travaux se rapportant au terme « Jargon 2 ». Jamais, je dis bien jamais aucun débat scientifique, aucune idée neuve, aucune confrontation d’idée, juste une relecture tiédasse. Que ce serait mieux si je changeais cette virgule par un point-virgule. (...) Mais nonobstant, c’est vrai que la vraie évaluation par les pairs c’est important. Sauf que JAMAIS AUCUN CHERCHEUR NE S’AMUSERA A PUBLIER DES CONNERIES juste pour voir si ses pairs s’en rendront compte ou pas. Parce que, d’abord, en général, les chercheurs sont plutôt des gens instruits, relativement compétents, et relativement soucieux de contribuer à l’avancée des connaissances. Et aussi parce que SI TU PUBLIES UN ARTICLE AVEC DES CONNERIES SCIENTIFIQUES OU DES METHODOLOGIES FOIREUSES ben tu te fais immédiatement aligner et ta carrière est finie. Sauf bien sûr si c’est pour faire une blague ; -)

Témoignage : Des jurys tirés au sort pour mieux recruter les enseignants-chercheurs ?

Le recrutement des enseignants-chercheurs a été qualifié de concours par le Conseil d’État (CE, 25 février 2015, Université de Nice Sophia-Antipolis, Req n°374002). Dès lors, le principe d’égalité des candidats à un concours, découlant lui-même du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics, implique que les candidats doivent être traités de manière identique tout au long du processus de sélection. Par-delà des modalités dérogatoires encore embryonnaires, il s’agit de se demander si les procédures nationales permettent de garantir la qualité scientifique des recrutements d’enseignants-chercheurs mais aussi l’égalité des candidats devant des concours de la fonction publique et donc questionner l’endo-recrutement. (...) Des failles existent. Ainsi, pour créer un écran de respectabilité à des pratiques non éthiques, un des moyens le simple est d’utiliser la définition des besoins grâce à une fiche de poste correspondant à un seul candidat. La fiche de poste est alors tellement spécifique que seul un candidat local prédéfini pourra y satisfaire : les postes que le jargon universitaire appelle les « postes à moustache ». (...) La seconde faille tient aux moyens d’action importants des présidents de COS : la définition des membres du COS, composition généralement validée par une instance de l’université, pluridisciplinaire par définition, et donc éloignée des enjeux de pouvoir de la discipline. Le choix des membres du COS mais aussi le pouvoir d’attribution des rapports de chacun des candidats à deux rapporteurs, membres du COS deviennent alors des moyens opaques d’infléchir la décision finale du jury. (...) Selon le professeur Charles Fortier dans Recrutement universitaire : accélérer le changement (AJFP 2015) reste caractérisé par une « fermeture du marché » et une « domination des pratiques clientélistes, qui portent atteinte non seulement à l’égalité entre les candidats, mais à l’objectivité du recrutement (pour reprendre le critère wébérien du bon recrutement) ». Il indique que l’une des dysfonctions tient au fait que les membres extérieurs sont proposés, pour chaque concours, par les ressortissants locaux de la discipline considérée, et que dès lors « rien ne pouvait exclure qu’ils fussent choisis au gré des relations personnelles selon les enjeux en cause. » Le dispositif s’avère au mieux « insuffisant et au pire contre-productif » Son argumentaire résonne avec celui d’Olivier Beaud : avec une commission ad hoc, le fameux comité de sélection, rien ne peut empêcher que l’on compose un comité en fonction du résultat que l’on veut obtenir : après les profils de postes dits « à moustache », voici désormais les « comités de sélection à moustache ». Tout est donc calibré pour recruter la personne déjà identifiée que l’on veut recruter, sur un profil prédéterminé. Cette personne étant, comme par hasard, issue soit de l’université ou de l’établissement qui recrute… sans compter sur les réseaux et conflits de territoire de pouvoirs au sein des laboratoires.
Tirer au sort le jury de recrutement ? Face aux deux facteurs principaux d’opacité, que peut-on faire ? Le laboratoire BONHEURS-EA 7517 de CY PARIS Université a décidé une procédure expérimentale pour recruter un MCF. Tout d’abord, la définition de la fiche poste a été large, pour permettre à de nombreux candidats de postuler : ce qui était requis était d’enrichir par ses travaux le projet scientifique du laboratoire, ce qui permettait à des candidats de disciplines différentes, d’objets de recherche différents de poser sa candidature en argumentant sur ce qu’il pourrait apporter l’équipe de recherche. Aucun « profil à moustache », donc et de fait 68 candidats ont postulé pour ce poste. Ensuite le second levier était la constitution du COS. Nous avons donc : intégré plus de membres extérieurs qu’intérieurs dans le COS (en l’espèce 6 intérieurs et 10 extérieurs), tiré au sort les membres extérieurs du COS, attribué les dossiers aux rapporteurs selon une règle alphabétique. Ce tirage au sort avait pour enjeu d’éviter que le COS ne soit constitué de « proches » du président ou du laboratoire.
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