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Carte de visite

Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Pour Paul-Louis Lopez-Marnet, étudiant en thèse : « Le monde connaît la recherche quand elle trouve ! Montrer, toucher ou entendre la recherche en action est bien différent, pouvoir le partager est très satisfaisant ! » Corine Enard/Inrae, Fourni par l'auteur
Marine Froissard, Inrae et Olivier Kahn, Université Paris-Saclay

La recherche, monde impénétrable et mystérieux pour la société ? Que se passe-t-il dans un centre de recherche ? Que font les chercheuses et les chercheurs ? Que manipulent-ils ? Toutes ces questions sont régulièrement posées par le grand public lors d’événements de médiation scientifique. Historiquement, ces événements permettaient aux scientifiques de fournir des éléments de compréhension de la science, majoritairement via des supports visuels, mais ne permettait en aucun cas un accès au quotidien de la vie de laboratoire et à sa dimension sensible.

La coopération avec des artistes permet d’apporter un regard neuf, d’adopter une approche différente du travail de recherche. Cet enrichissement des propositions permet d’illustrer d’autres composants du monde de la recherche que la seule production scientifique, via le ressenti d’un ou d’une artiste.

Les créations artistiques, pouvant solliciter les cinq sens, sont à la fois une surprise pour le visiteur grand public mais également un bouleversement pour le scientifique lui-même, qui redécouvre son quotidien sous l’angle du sensible et découvre une nouvelle façon de parler de son métier sans passer par les dispositifs habituels de la médiation scientifique.

L’originalité des dispositifs arts et sciences réside enfin dans leur capacité à pénétrer des lieux « tiers », espaces publics et culturels, qui permettent de sensibiliser aux sciences des publics éloignés de ces disciplines. L’art devient alors une porte d’entrée vers des concepts complexes, parfois intimidants.

Trois projets arts et sciences du végétal

Depuis 2015, l’Institut Jean-Pierre Bourgin (IJPB), un des plus grands centres de recherche européens dans le domaine de la biologie des plantes, est partenaire de La Diagonale Université Paris-Saclay pour la mise en place de projets arts sciences autour des sciences du végétal. Ces projets ont mobilisé les scientifiques de l’IJPB, du site INRAE de Versailles et des structures de recherche partenaires comme le synchrotron SOLEIL ou l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Le projet « Musique et lumière : une même histoire d’ondes » (2015-2016), a réuni des artistes, élèves et enseignants du conservatoire de Musique et de Danse de Trappes. « PerceptionS de la Recherche » (2019-2022), projet de découverte sensible du monde de la recherche, a fédéré un collectif d’acteurs territoriaux des services culturels de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, ainsi que Dan Ramaën, photographe et Olivier Dizet, artiste ingénieur du son.

Selon Olivier Dizet, artiste ingénieur du son : « Une immersion dans la recherche tellement riche qu’on ne peut en faire le tour. Les personnes que j’ai rencontrées à INRAE sont passionnées et passionnantes, toujours enclines à expliquer ce qui les fait vibrer. Une plongée dans un environnement mitigé : calme, car il faut du temps pour les expériences, la réflexion (et pour faire pousser les plantes), et bruyant, par les sons des machines et ventilateurs… Moi qui croyais que les fleurs s’embellissaient avec Mozart, je me suis trompé. « . Inrae/Corine Enard, Fourni par l'auteur

Ce premier partenariat fructueux avec la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines nous a permis de proposer en 2023 un nouveau projet dans le cadre du festival arts sciences Curiositas. « Danse avec les plantes » a été construit autour de propositions chorégraphiques sur la danse en nature (Armelle Devigon, CompagnieLLE) et les pratiques culturales (Sindou Cissé, Ivoire Dance Polyvalent).

Un partenariat hétéroclite

Lorsque l’on observe le panorama des acteurs impliqués dans ces projets, on remarque la grande diversité des profils. Il faut alors « mettre en musique » ces individualités contrastées.

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Comme souligné dans l’enquête nationale du réseau TRAS sur le champ arts sciences, l’existence de structures facilitatrices est indispensable pour l’accompagnement des projets arts sciences et pour favoriser les rencontres et le dialogue entre les différents acteurs. Inclure un public néophyte et non captif dans un processus de construction de projets arts sciences est un réel challenge. Il en est de même pour le maintien d’un équilibre entre artistes et scientifiques dans le processus de création.

C’est grâce à ce type de partenariat que les trois projets portés par l’IJPB ont pu aboutir : la rencontre artistes, scientifiques et grand public a été facilitée grâce à un ensemble d’acteurs culturels (conservatoire de musique, centre culturel, délégation académique à l’action culturelle) qui était en contact de manière indépendante avec les artistes dans le cadre de projets artistiques, avec les scientifiques pour des projets de médiation et le public usager des lieux culturels.

De plus, l’accompagnement proposé par la Diagonale a apporté le cadre adapté pour la formalisation des projets et un soutien financier pour leur réalisation et leur diffusion. Seuls les projets inscrits sur le temps long comme « Musique et Lumière : une même histoire d’ondes » sur une année scolaire et « PerceptionS de la recherche » sur quatre années couvrant la période Covid ont permis de se connaître et de mettre en place les conditions pour une cocréation des projets entre artistes, scientifiques, acteurs culturels et grand public.

Des supports et des créations innovants et inclusifs

Amorcer le processus vers des propositions plus inclusives a également été un moteur pour les participants aux projets. Les technologies innovantes, telles que le numérique, l’impression 3D et la découpe laser, fournies par les pépinières numériques permettent une fabrication facilitée de supports. Nous avons, grâce aux ordinateurs, transformé les couleurs en reliefs ou effectué des reconstitutions 3D de piles d’images 2D de microscopie, et imprimé les objets ainsi obtenus. Nous avons reproduit à plus grande échelle, les cellules l’épiderme des feuilles grâce à un puzzle obtenu par découpage laser.

Pour Bertrand Dubreucq, Directeur de recherche : « L’observation du vivant en microscopie permet la visualisation d’organes, de cellules, ou de contenu de cellules chez les plantes. Les outils informatiques permettent d’effectuer des reconstitution 3D sur un ordinateur à partir de ces images de microscopie. Mais chaque personne est différente et n’a pas la même facilité pour voir en 3D à partir d’images sur un écran, d’autant moins si la personne n’est pas familière du sujet observé. L’impression 3D aboutit à une représentation qui permet le toucher d’un objet et en facilite l’apprentissage et la compréhension. » Inrae/Marine Froissard, Fourni par l'auteur

Le projet « PerceptionS de la recherche » a également exploré le champ artistique de l’écoute et de l’olfaction. Ces supports originaux sollicitent les différents sens du public et permettent une offre de médiation plus riche et plus inclusive, accessibles aux personnes de tous âges, de toute culture ou porteuses de handicaps. Il en est de même pour la participation des collectifs aux créations artistiques (théâtre, danse…). Elles permettent aux participants de sortir du rôle passif dans lequel les placent les habituelles conférences et présentations affichées scientifiques. Le public devient acteur du projet avec un contact direct au sujet abordé sans intermédiaire et sans intellectualisation de la proposition.

Les étudiants du master Formulation, évaluation sensorielle et analyse des industries de la parfumerie, de la cosmétique et de l’aromatique alimentaire (FESAPCA) ont visité les installations du site : laboratoires, salles techniques, serres, espaces extérieurs. Chacun s’est imprégné des ambiances sensorielles des lieux. Les créations olfactives développées retranscrivent leurs expériences personnelles. Ce qui les a particulièrement marqué : une effluve métallique, une émanation d’herbe coupée… Plusieurs mois après, chacun a découvert les photographies de Dan Ramaën, ce qui a déclenché des évidences d’associations image/fragrance. Inrae/Marine Froissard, Fourni par l'auteur

Le « lieu tiers » pour bousculer, mélanger et renforcer les collectifs

Ces trois projets ont en commun d’avoir pris possession de « lieux tiers » pour aller à la rencontre du grand public, un conservatoire de musique et de danse pour le projet « Musique et lumière : une même histoire d’ondes », un centre culturel et des bibliothèques universitaires pour « PerceptionS de la recherche » et une médiathèque pour « Danse avec les plantes ».

Cette approche « hors les murs » du laboratoire ou des lieux classiques de diffusion du savoir scientifique permet de capter un public de passage qui n’aurait pas spontanément fait la démarche de se déplacer pour une exposition sur les sciences. Ainsi des ateliers participatifs, une initiation à la démarche expérimentale, des expériences scientifiques, ont pu se dérouler dans des espaces ouverts au public. À l’inverse, les lieux de recherche ont pu accueillir des événements artistiques. Les témoignages recueillis auprès des participantes et participants prouvent que les projets arts sciences, bien plus qu’une juxtaposition de disciplines, bousculent les communautés mais contribuent également à renforcer le lien au sein des différents collectifs.The Conversation

Marine Froissard, AgroParisTech – Université Paris-Saclay, Inrae et Olivier Kahn, Directeur de la Diagonale, direction arts, culture, sciences, société de l'université Paris-Saclay, Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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