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Carte de visite

Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Pages

Page de textes documentaires et d'études, de liens choisis pour approfondir et de scripts d'activités sur les questions de genre et de sexisme...

Questionnaire Hommes/Femmes pour amorcer études de textes et débats

 

1- Les garçons ne réussissent pas mieux que les filles en mathématiques aux évaluations CM2. Vrai/Faux

2- On compte plus de filles que de garçons à l’université ; les garçons sont plus nombreux à obtenir un doctorat. Vrai/Faux

3- Une femme meurt tous les 3 jours du fait de violences conjugales. Vrai/Faux

4- Le travail des femmes est stimulant pour l’économie. Vrai/Faux

5- Les femmes occupent plus souvent des professions faiblement rémunérées. Vrai/Faux

6- L’activité professionnelle féminine change la société. Vrai/Faux

7- Tertiarisation et précarisation sont le lot des femmes françaises. Vrai/Faux

8- Le téléphone portable est un nouveau dispositif de protection des femmes en très grand danger. Vrai/Faux

9- La menace d’un stéréotype influe sur la performance des femmes. Vrai/Faux

10- L’égalité entre hommes et femmes ne peut pas se traiter dès la petite enfance, le sujet est trop sensible. Vrai/Faux

11- Il n’existe pas de supports pédagogiques, de manuels ou de littérature jeunesse qui abordent la thématique du sexisme. Vrai/Faux

12- Les albums ne conditionnent plus filles et garçons aux rôles que la société leur réserve. Vrai/Faux

13- Dans les albums, les protagonistes sont également des filles ou des garçons. Vrai/Faux Vrai/Faux

14- Des modèles de virilité servent aux garçons (et plus tard aux hommes) à s’autodéfinir supérieurs aux filles et aux femmes. Vrai/Faux

15- La catégorisation rigide des individus est néfaste : elle impacte réussite et estime de soi, en cas de remarques sexistes. Vrai/Faux

16- Les nouvelles technologies ne sont pas masculines, ni implicitement interdites aux femmes et aux filles. Vrai/Faux

17- L’unisexe est autorisation et injonction faites aux filles d’adopter la mode masculine violente, cruelle, machiste. Vrai/Faux

18- Masculin et féminin ne sont pas les seuls genres grammaticaux, certaines langues en comptent vingt. Vrai/Faux

19- Il n’existe pas de division sexuée de l’espace et des lieux dans les quartiers populaires. Il n’y a pas d’espaces réservés. L’espace public est mixte. Vrai/Faux

20- L’éducation apprend aux garçons et aux filles à construire leur vécu à partir de positions sociales inégales et hiérarchisées. Vrai/Faux

21- Les enseignants limitent la dominance des garçons. Vrai/Faux

22- Il n’existe pas de division socio-sexuée des savoirs. Chacun a sa place à prendre, son apprentissage à effectuer. Vrai/Faux

23- Les orientations professionnelles ne sont guère différentes entre hommes et femmes. Vrai/Faux Vrai/Faux

24- Les jouets n’influent pas les enfants dans leur développement socio-sexué, car il ne s’agit que de jeu. Vrai/Faux

25- Dans la famille se préfigure la division sexiste des tâches, des modèles d’identité sexuée renvoyant à des attributs/des assignations/des activités masculines et féminines. Vrai/Faux

La notion de genre, un outil conceptuel indispensable

Le « genre » c’est quoi ?

Les différences entre les hommes et les femmes sont de deux ordres :

 biologiques (par exemple le système reproductif)

 sociales (par exemple les rôles assignés au sein de la famille : la femme en charge des tâches domestiques, l’homme comme soutien financier de la famille et représentant de l’autorité)

La notion de « sexe » renvoie aux caractéristiques purement biologiques qui différentient hommes et femmes. Par opposition à « sexe », la notion de « genre » renvoie aux différences sociales entre hommes et femmes.

 L’articulation entre les différences sociales et biologiques est souvent très complexe. Nombreuses sont les personnes qui attribuent à des éléments sociaux une dimension « naturelle ». L’inverse est aussi vrai. Autrement dit, le genre révèle la construction « sociale, historique, sociologique et culturelle de ce qu’est (ou devrait être) une femme ou un homme, le féminin ou le masculin » (Borghino, 2003).

 Le « genre » recouvre « cet ensemble de règles implicites et explicites régissant les relations femmes/hommes et leur attribuant des travaux, des valeurs, des responsabilités et des obligations distinctes. Ces règles s’appliquent à trois niveaux : le substrat culturel (normes et valeurs de la société), les institutions (famille, système éducatif et de l’emploi… etc.) et les processus de socialisation, notamment au sein de la famille ».(cf. 100 mots pour l’égalité - Publication de la Commission Européenne – 1998, cité dans Béatrice Borghino, Genre et sexe, quelques éclaircissements : www.genreenaction.net/spip.p...)

 « Genre ≠ sexe biologique
 Genre = construction sociale acquise des identités de sexe
 Genre ≠ femmes
 Genre = interaction sociale entre hommes et femmes »

Extrait de la présentation de Genre en action pour la Journée « Genre et solidarité internationale » 12 décembre 2006

Une notion aux contours parfois incertains

Le concept de « genre » est à l’origine anglophone, il vient du mot « gender », mais, exporté en France dès les années 1980, il a aussi été conceptualisé par des féministes et sociologues françaises.

En France, on a longtemps parlé de « catégorie de sexe », de « rapport social de sexe », ou encore de « rôles sexuels ». Le terme « genre » s’est petit à petit fait sa place et est aujourd’hui intégré dans la recherche française. Cependant, il reste encore mal accepté par un certain nombre d’acteurs et d’institutions francophones, notamment dans le milieu de la solidarité internationale.

Au-delà de cette tension entre les différentes terminologies existantes, on remarque que le genre est une notion fluctuante, difficile à délimiter, qui évolue dans le temps et l’espace.

 Les représentations du « masculin » et du « féminin » peuvent en effet être différentes :

 entre les sociétés,

 au sein d’une même société,

 d’un individu à l’autre,

 chez un même individu (qui a des représentations mouvantes au cours de sa vie)

Un outil pour l’action

Malgré sa complexité, due notamment à sa dimension fluctuante, la notion de genre est un outil conceptuel indispensable pour penser et analyser une société donnée car les rapports hommes femmes y sont souvent déterminants. Elle s’ajoute à toute analyse en termes de classe sociale, origine ethnique, âge, etc. En somme, le genre est un concept qui permet de compléter l’analyse des différents rapports sociaux de pouvoir, un outil qui oblige à prendre en compte les rapports sociaux de sexe et à adapter les projets et les programmes à une réalité objective, mais aussi une dynamique qui permet d’agir sur les rapports sociaux de genre et de réduire les inégalités qui les caractérisent.

Jeu du "Diriez-vous cela à un homme ?"

 

Ces femmes de premier plan témoignent avoir déjà entendu des réflexions du simple fait qu’elles étaient du sexe féminin. Elles ont partagé leurs expériences sur Twitter avec le hashtag #IfIWasAMan. Athlètes, chirurgiennes, entrepreneuses technologiques, ministres, professeures de yoga et cadres supérieurs : ces femmes ont été des pionnières dans leur domaine. Toutes disent avoir subi des réflexions "choquantes" du fait de leur statut de femme. Elles sont convaincues qu’elles ne les auraient pas entendues si elles avaient été des hommes.

 Neema Kaseje :

Chirurgienne et directrice d’un groupe de recherche sur les systèmes chirurgicaux basé à Kisumu, au Kenya, et à Genève, en Suisse :

"Nous attendons le chirurgien", a dit un homme, à qui elle était obligée de répondre : "C’est moi le chirurgien."

 Soledad Núñez :

Ancienne ministre du Logement du Paraguay, femme politique et ingénieure :

"Vous êtes un petit mouton blanc, qu’allez-vous faire en politique ? Les loups vont vous manger". C’était lors de sa première entrevue avec les médias, après que Mme Núñeza été nommée ministre du Logement, à l’âge de 31 ans.

 Maoi Arroyo :

Leader internationale du Foreign and Commonwealth Office (FCO) britannique, entrepreneuse en série, investisseur à impact social et éducatrice à Manille, aux Philippines :

"C’est très ambitieux. Je suppose que tu n’as pas l’intention de fonder une famille."

 Lisa MacCallum :

Fondatrice d’Inspired Companies et ancienne cadre de Nike, basée en Australie :

"Pourriez-vous représenter l’entreprise lors d’un concours de beauté ?"

 Ayla Majid :

Experte financière pakistanaise et directrice générale des services consultatifs financiers chez Khalid Majid Rehman :

Pendant une interview télévisée : "Pourriez-vous rester un peu plus longtemps, s’il vous plaît ? Les audiences augmentent."

La Journée internationale des droits des femmes trouve son origine dans les manifestations de femmes au début du XXe siècle, en Europe et aux États-Unis, réclamant des meilleures conditions de travail et le droit de vote.

C’est en 1975, lors de l’Année internationale de la femme, que l’Organisation des Nations Unies a commencé à célébrer la Journée internationale des femmes le 8 mars.

Une journée d’action

Le 8 mars est une journée de rassemblements à travers le monde et l’occasion de faire un bilan sur la situation des femmes. Traditionnellement les groupes et associations de femmes militantes préparent des événements partout dans le monde pour :

 fêter les victoires et les acquis
 faire entendre leurs revendications
 améliorer la situation des femmes

C’est aussi l’occasion de mobiliser en faveur des droits des femmes et de leur participation à la vie politique et économique.

Les Nations Unies définissent chaque année une thématique différente.

Le thème du 8 mars 2019 est "Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement".

Retrouvez sur cette carte les événements et initiatives qui auront lieu en France à cette occasion, pour échanger, débattre et mobiliser autour de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Des actions pour promouvoir l’égalité

Le code de l’éducation rappelle que la transmission de la valeur d’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, se fait dès l’école primaire. Cette politique publique est une condition nécessaire pour que, progressivement, les stéréotypes s’estompent et que d’autres modèles de comportement se construisent sans discrimination sexiste ni violence. Elle a pour finalité la constitution d’une culture de l’égalité et du respect mutuel.

Les établissements sont invités à inscrire cette problématique dans leur règlement intérieur et à mettre en place, dans le cadre des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), des actions de sensibilisation et de formation dédiées. Les écoles, collèges et lycées sont également incités à nouer des partenariats, notamment avec des acteurs du monde économique et professionnel ou du secteur associatif, pour développer des projets éducatifs autour de l’égalité.

LES PETITS EGAUX

Répertoire d’activités pour la promotion de conduites non sexistes entre filles et garçons de grande section de maternelle au CM

Si les rapports sociaux entre les femmes et les hommes demeurent empreints d’inégalité, on s’accorde aujourd’hui sur la nécessité de les transformer en profondeur.

Bien que les filles soient davantage diplômées que les garçons, elles s’orientent moins vers les filières porteuses d’avenir telles que les sciences et les techniques. Dès lors, l’éventail de métiers auxquels elles peuvent prétendre s’en trouve limité. Les femmes se regroupent ainsi massivement dans des activités professionnelles qui relèvent de l’éducation, du soin aux personnes et de l’assistance.

Par ailleurs, elles sont plus souvent au chômage et bénéficient de conditions de travail plus défavorables tant au niveau des salaires, des temps partiels subis que des contrats de travail précaires. Enfin, elles accèdent moins facilement que leurs homologues masculins à des postes à responsabilités.

Les inégalités qui se font jour à l’encontre des femmes se manifestent aussi par des violences sexistes : une femme en couple sur dix est confrontée à des violences de la part de son conjoint, les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans étant deux fois plus concernées que leurs aînées. En outre, 50 000 femmes âgées de 20 à 59 ans ont été victimes de viol au cours de l’année 20001.

Des disparités subsistent également dans le partage des temps au sein du couple, les femmes assurant encore aujourd’hui presque deux tiers des tâches domestiques2.

Ces inégalités sont le fruit d’une socialisation encore trop stéréotypée, enjoignant chacun des sexes à occuper des places différenciées sur l’échiquier social.

Dès le plus jeune âge, les filles apprennent à être passives, dépendantes et à se soucier des autres, parfois au détriment de leur propre estime. Pour épouser les standards propres à leur sexe, les garçons sont, quant à eux, encouragés à des comportements d’indépendance et d’affirmation de soi.

Après tant d’avancées quant à l’égalité entre les femmes et les hommes, on pourrait penser que ces valeurs éducatives ne sont plus de mise et que les enfants ne se reconnaissent plus dans de telles injonctions relatives à leur rôle. Pourtant, l’environnement familial, social et scolaire contribue à maintenir de telles représentations. Si naître fille ou garçon est un fait biologique indéniable, la façon qu’aura un enfant de se construire une identité sexuée sera par contre largement influencée par les acteurs de son milieu. Or, ceux-ci ont une idée plus ou moins précise de ce que devrait être un garçon ou une fille, selon leur culture et leur expérience de vie.

Certaines études révèlent ainsi que dès la naissance les enfants sont perçus selon des catégories stéréotypées. A 48 heures, une fille est jugée belle, petite et délicate tandis qu’un garçon est considéré comme robuste, fort et solide. Lorsqu’on fait écouter à des étudiant-e-s les cris enregistrés d’un bébé de 9 mois, on juge qu’il pleure parce qu’il est en colère s’il est identifié comme étant un garçon et parce qu’il a peur si l’on pense qu’il s’agit d’une fille.

Les fillettes reçoivent jusqu’à huit fois moins d’instruction de la part de leurs professeur-e-s que leurs homologues masculins et obtiennent, en âge préscolaire, moins d’informations explicites lorsque leur mère leur raconte une histoire. En outre, en cas d’échec à une tâche scolaire, on l’alloue à des aspects non intellectuels chez les garçons (turbulent,...) alors que pour les filles on évoque plus facilement des déficits intellectuels. Par conséquent, 

les filles associent leur échec à un manque d’habileté (attribution interne) et leur succès à la chance (attribution externe). Sur le plan ludique, les jouets des filles relèvent plus de l’espace domestique alors que ceux des garçons favorisent les expériences avec le monde physique3.

La socialisation des filles limite ainsi leurs possibilités, leurs désirs et leurs compétences à agir de manière diversifiée avec l’environnement. Elle n’entraîne pas seulement une contrainte externe comme empêchant d’agir mais aussi interne comme incapacité de le faire.

Cette socialisation différenciée amène donc les filles et les garçons à privilégier des voies d’orientation différentes, à convoiter des métiers différents et à établir des choix de vie différents. Si l’on parvient à agir sur cette éducation, on peut éviter l’émergence et l’aggravation des inégalités de sexe.

La promotion de l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, s’inscrit désormais dans le cadre de politiques tant européenne que nationale.

Ainsi, la convention interministérielle du 25 février 20004 établit une politique globale d’égalité des chances entre les filles et les garçons du préélémentaire à l’enseignement supérieur. Elle vise à améliorer l’orientation scolaire et professionnelle des filles ainsi qu’à promouvoir une éducation fondée sur le respect mutuel des filles et des garçons par une réflexion sur les stéréotypes concernant les rôles sexués.

Dans ce cadre, il nous est apparu important de développer une série d’activités qui contribuerait à promouvoir auprès des jeunes enfants des conduites non sexistes. Cet outil est l’adaptation d’un programme québécois qui invite les enfants, les parents et les enseignant-e-s à réfléchir aux représentations qu’ils se font des femmes et des hommes pour que les filles et les garçons ne soient plus assignés à des rôles dévolus mais puissent choisir librement leur parcours de vie.

 

Guide éducatif Les petits Egaux

Représentations filles-garçons en évolution

FILM POUR L'ETUDE : NUMERO UNE

"Numéro Une" a pour héroïne Emmanuelle Blachey, une femme d’une quarantaine d’années. C’est une ingénieure très douée et déterminée. Ambitieuse et travailleuse, elle a pu monter dans la hiérarchie de son entreprise, un gros groupe français spécialisé dans l’énergie. Elle a maintenant une place importante au comité exécutif. Du côté de sa vie privée, elle est mère de deux enfants. C’est alors qu’un réseau de femmes qui ont de l’influence dans le monde des affaires fait appel à elle pour conclure un deal. Le film est écrit et réalisé par Tonie Marshall, connue pour "Vénus beauté (institut)". Au casting, Emmanuelle Devos vue dans "Moka", Carole Bouquet ("Une heure de tranquillité") et Richard Berry ("Père fils thérapie !"). A leurs côtés, Sami Frey ("Marguerite et Julien") et Benjamin Biolay ("Fleur de tonnerre"). 

 

La critique TELERAMA par Pierre Murat : Emmanuelle ne croit pas à la mission que lui propose la femme qui lui fait face. Mais croire ou ne pas croire, quelle importance ! « Il ne s’agit pas de religion, mais de politique », lui assène la présidente d’un club féministe qui pèse secrètement sur la vie du pays. Son but : qu’Emmanuelle devienne la première pdg d’une entreprise du CAC 40. Ce serait un succès décisif pour la cause des femmes. Réticente, mais flattée, Emmanuelle accepte…On est entre L’Exercice de l’Etat (au cinéma) et Borgen (à la télé). Tonie Marshall se glisse dans ce scénario malin qui multiplie allègrement pièges, chausse-trapes et perfidies. Certes, on se passerait volontiers des tourments psychologiques de l’héroïne. Mais, sans forcer le trait ni sombrer dans la caricature, la réalisatrice parvient à dessiner un beau personnage romanesque, qu’interprète une Emmanuelle Devos parfaite, toujours entre fragilité et détermination. Elle prend aussi le temps, comme dans les films dont on a la nostalgie, aujourd’hui, de privilégier des seconds rôles (Suzanne Clément, Sami Frey), qu’elle sait rendre attachants en quelques plans. Sans oublier Benjamin Biolay. Tonie Marshall en fait un deus ex machina à la philosophie insolente : « Dans la vie, il y a trois moteurs essentiels, le pouvoir, le sexe et l’argent. Mais aucun homme ne parvient à ­assumer les trois. Deux, tout au plus… » C’est lui, le grain de sable qui fait basculer le destin de l’héroïne. Pour mieux la trahir bientôt, sûrement…

HARCELEMENT SEXISTE EN LIGNE

Insultes, menaces : une majorité de femmes ont déjà connu des formes de violences sur Internet. Le Haut Conseil à l’égalité dénonce l’impunité dont profitent les auteurs de ces actes.

« Saleté de catin sans cerveau », « j’ai envie de la voir brûler à la manière de Jeanne d’Arc », ou encore « t’es vraiment moche », « t’es une merde » et autres horreurs : ceci est un infime échantillon des centaines de commentaires reçus par la youtubeuse féministe Marion Seclin au début de l’été 2016, alors que la jeune femme venait de poster une vidéo sur le harcèlement de rue. Ce flot d’insultes et de menaces incessantes à l’égard d’une femme porte un nom : le cyberharcèlement sexiste. Relativement peu connues, souvent minimisées et difficilement quantifiables, ces violences font l’objet d’un vaste rapport rédigé par le Haut Conseil à l’égalité (HCE).

Remise ce mercredi au secrétaire d’Etat chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, cette enquête, fruit de dix mois de travaux, vise à endiguer « l’impunité » dont bénéficient ces violences, selon l’instance nationale consultative. Et ce alors que, note le HCE en préambule, selon l’ONU Femmes, en 2015, 73 % des femmes interrogées ont déclaré avoir déjà été la cible de ce type de violences. De quoi s’agit-il précisément ? Qui est pris pour cible ? Dans quel contexte ? Comment agir ? Autant de questions auxquelles le HCE tente de répondre au fil de ces 100 pages.

« Ces violences sont bien réelles et ont des conséquences parfois dramatiques » sur la « santé, la vie sociale ou intime des victimes », souligne le HCE. Et de citer l’exemple tragique de Marion Fraisse, adolescente de 13 ans qui a mis fin à ses jours en 2013 après des mois de harcèlement. Ainsi, le HCE préfère éviter d’employer le préfixe « cyber », qui sous-entend un aspect virtuel, au profit du terme « violences en ligne ». « Se faire insulter sur Internet, c’est se faire insulter quand même », abonde Marion Seclin, interrogée par Libération. La jeune femme a été victime de ce que l’on appelle un « raid » : des attaques ciblées, organisées, souvent menées contre des journalistes (à l’instar de Nadia Daam, harcelée pour avoir dénoncé le sabotage d’un numéro de téléphone « antirelous »), ou des militantes féministes. Marion Seclin, elle, a reçu plus de 40 000 messages d’injures, de menaces de mort ou de viol. « Tout cela s’est transposé dans le monde réel : je me suis déjà fait provoquer ou insulter dans la rue, j’ai aussi reçu des courriers anonymes dans ma boîte aux lettres », relate-t-elle. Et de poursuivre, un brin résignée : « En fait, c’est triste à dire, mais c’est le quotidien de toute fille qui s’exprime sur Internet, que ce soit pour parler de féminisme, d’astrologie, ou même de beauté. On finit toujours par se faire attaquer, souvent sur notre physique. »

Le HCE estime qu’il faudrait sans doute modifier légèrement la loi en précisant par exemple la définition du délit de harcèlement pour qu’il englobe ces « raids » : au lieu d’évoquer des propos ou comportements répétés d’une seule et même personne, la loi pourrait, suggère le HCE, mentionner des « actions concertées ».

« Par ces agressions en ligne un objectif est visé : le contrôle de la place des femmes », analyse le HCE. Cette « domination masculine » qui peut s’insinuer jusque dans le couple, par le biais des nouvelles technologies (surveiller son ou sa conjoint·e à son insu), constitue clairement une forme de cybercriminalité encore « largement méconnue en France », notent les rapporteurs du texte. Pour rendre visible l’ampleur du phénomène, le HCE préconise notamment que les violences faites aux femmes en ligne soient, par exemple, intégrées dans les enquêtes de victimation existantes, par exemple dans l’enquête annuelle « Cadre de vie et sécurité » conduite par l’Observatoire national de la délinquance et l’Insee.

Sexisme : Changer la langue pour changer le monde ?

 

Faire progresser l’égalité femmes / hommes par sa manière d’écrire, c’est l’objectif d’un « manuel d’écriture inclusive » disponible en ligne.

Les recommandations sont simples : accorder en genre les noms de fonctions et métiers (par exemple « la professeure », « la proviseure ») ; utiliser le féminin et le masculin (par exemple avec le point milieu « les enseignant•e•s ») ; ne plus mettre de majuscules à « Femme » et « Homme » (« les Droits Humains » plutôt que les « Droits de l’Homme »). Dans la continuité du « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe », il s’agit de faire des mots un outil d’émancipation. Y compris dans le lieu où on construit maitrise de la langue et représentation du monde : l’Ecole ? (source Le Café pédagogique)

Loi sur la parité dans les conseils d’administration, création du HCE, dispositions sur l’égalité salariale : de nombreuses initiatives ont vu le jour pour permettre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Si celles-ci ont permis d’observer certains progrès, des inégalités réelles subsistent. L’Observatoire des inégalités estime par exemple qu’en France, les hommes continuent de gagner en moyenne 23,5% de plus que les femmes, et que près de 11% de ces écarts de salaires relèvent de la "discrimination pure".

Nous croyons que pour faire véritablement changer les mentalités, il faut agir sur ce par quoi elles se construisent : le langage. C’est donc par un travail sur les mots que nous avons décidé d’agir en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Notre approche : l’écriture inclusive.

L’écriture inclusive désigne l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques qui permettent d’assurer une égalité de représentations des deux sexes. Trois conventions d’écriture ont été formalisées au sein du manuel d’écriture inclusive proposé gratuitement au téléchargement libre ici.

MANUEL D'ÉCRITURE INCLUSIVE

La répartition des tâches domestiques

En moyenne, les femmes consacrent près de 4h par jour aux tâches domestiques contre 2h30 pour les hommes...

L’état des lieux

En moyenne, les femmes consacrent 3h52 par jour aux tâches domestiques contre 2h24 pour les hommes, indique l’enquête Emploi du temps 2009-2010 de l’Insee. A la maison, les hommes s’adonnent volontiers au bricolage (25 minutes quotidiennes contre 4 pour les femmes), au jardinage et aux soins aux animaux (22 minutes et 14 pour madame). Mais les femmes passent trois fois plus de temps que les hommes à faire le ménage, la cuisine, les courses ou s’occuper du linge et deux fois plus à s’occuper des enfants ou d’un adulte à charge à la maison. Cette dernière tâche tendant à être essentiellement prise en charge par les femmes, qui travaillent ou non.

En schématisant, les femmes s’occupent, au quotidien, des tâches les moins valorisées et les hommes de ce qui se voit et ce qui dure. L’égalité dans la sphère domestique est beaucoup plus lointaine que dans l’univers professionnel. Les inégalités au sein du foyer ont des répercussions dans bien d’autres domaines pour les femmes, où elles sont freinées, de la vie professionnelle à l’engagement politique ou associatif notamment. C’est l’une des raisons qui explique l’essor du temps partiel féminin, mais aussi leur faible représentation en politique ou dans les instances dirigeantes d’associations. On retrouve ces écarts également dans les loisirs (temps consacré à la télévision, à la lecture, au sport...) : les femmes y consacrent en moyenne 3h46 par jour contre 4h24 pour les hommes.

L’évolution

Si l’on ne considère que les actifs ayant un emploi, en dix ans, le temps journalier consacré par les femmes au travail domestique a baissé de 22 minutes et celle des hommes a augmenté... d’une petite minute. Au total, en 1999, elles prenaient en charge 66 % du temps imparti à ces tâches au sein du foyer, contre 63 % en 2010. Les femmes consacrent 3h26 en moyenne par jour à faire le ménage, les courses et s’occuper des enfants, contre 2h pour les hommes.

Les progrès sont donc bien lents. Au rythme actuel, il faudrait des décennies pour arriver à l’équilibre entre hommes et femmes au sein du couple.

Que se passe-t-il chez les jeunes ?

Pour l’instant, on ne dispose pas des données selon l’âge des couples. Les moyennes toutes générations confondues incluent des couples âgés et masquent sans doute une situation plus favorable chez les plus jeunes. Il s’agit en fait de savoir si les inégalités ne vont pas finir par se creuser avec le vieillissement de ces générations, notamment au moment de la naissance des enfants.

Qui a peur du grand méchant genre ?

 

Les récentes polémiques sur les déclarations du pape à propos de la « théorie du genre » dans nos manuels de SVT viennent alimenter un sujet dont nous venions justement de nous emparer au service de veille de l’IFÉ. Ces propos viennent renforcer nos interrogations sur le sujet à savoir : pourquoi a-t-on donc si peur des questions d’égalité entre les filles et les garçons ? Pourquoi, en parlant du genre comme d’une construction sociale, certaines personnes pensent qu’elles vont perdre leur identité et changer d’orientation sexuelle ? Cette façon de réagir est elle-même pleine de paradoxes puisque si la nature féminine et la nature masculine étaient inscrites en nous génétiquement, pourquoi avoir peur d’un débat sur ces questions ou de quelques lignes dans un manuel de SVT ?

Tout d’abord, le terme de « genre » ne désigne pas une théorie , c’est un concept construit à partir de recherches menées en sciences sociales qui renvoie à de multiples objets comme la sexualité, la famille, le travail, la culture, le droit. L’utilisation de ce concept est basée sur plus d’un demi-siècle de travaux scientifiques qui étudient la construction du féminin et du masculin et sur les représentations des rôles sexués qui leurs sont attribués, variables d’une société à l’autre, d’une époque à l’autre.

Si la recherche s’intéresse à ce concept c’est qu’il engendre des inégalités entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes. Il est à la source de stéréotypes et de discriminations à l’école comme dans la vie professionnelle et dans la société dans son ensemble.

Toutes ces problématiques, nous les abordons dans notre Dossier de veille n° 112 du mois d’octobre qui est consacré à l’éducation des filles et des garçons au prisme des identités de genre.

Journées du matrimoine 2016

 

Les 17 et 18 septembre ont lieu les Journées européennes du patrimoine, mettant en avant des oeuvres créées en très grande majorité par des hommes. Pour la deuxième année consécutive, l’association HF Île-de-France organise en parallèle des Journées du matrimoine pour mettre en lumière toutes ces créatrices, artistes et intellectuelles, qui ont forgé un héritage précieux et trop souvent oublié.

Ecrivaines, sculptrices, musiciennes, peintres, chanteuses, mais aussi intellectuelles, philosophes, scientifiques… Nombreuses sont celles qui ont contribué à l’héritage mondial de l’humanité. Les Journées du matrimoine les remettent sur le devant de la scène. Parcours urbains, expositions, conférences, visites de musées… de nombreuses initiatives gratuites se dérouleront dans toute la France, pendant tout le week-end. Le programme est accessible en ligne.

Analyser les pratiques professionnelles scolaires au prisme du genre, Nicole MOSCONI

 

COLLOQUE 2015 Centre Hubertine AuClert Centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes


Il existe dans les années 1960-1970 une polarisation sur la question des inégalités sociales. La variable sexe est alors négligée, ne constituant pas le problème fondamental. Un changement de perspective intervient dans les années 1980. L’on ne parlera plus de différences, comme auparavant, mais d’inégalités. En effet, à cette période, un pas important a été franchi, le mouvement féministe a mis en avant la variable sexe, facteur d’inégalité, pas seulement de différence. Par ailleurs, l’on se limitait à constater qu’à la sortie du système scolaire, les filles réussissaient mieux que les garçons, sans approfondir les questions autour de la socialisation scolaire des filles et des garçons.


Le passage à la notion d’inégalité est également lié au développement de l’activité de chercheuses, à un moment où certaines femmes ont entamé ou repris des études universitaires. Les sciences de l’éducation se sont intéressées au quotidien de l’école, pour examiner s’il était vrai que selon la formule de BAUDELOT et ESTABLET dans leur livre Allez, les filles !1, l’école est en avance sur la famille et l’entreprise. Ils ont raison sur le plan des réussites et des échecs scolaires des filles et des garçons. Mais on peut se demander si cette for- mule est juste du point de vue de la socialisation et des orientations. L’étude de la vie quotidienne de l’école fait apparaître que la situation n’est pas aussi bonne que cela. Cette analyse a été effectuée au prisme du genre, soit d’une double hypothèse. La première énonce que les différences psychologiques et de position sociale constatées entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, ne découlent pas du sexe biologique, mais d’un système social instituant un rapport de pouvoir entre les groupes de sexes. L’idée de ce rapport de pouvoir entre les sexes et l’ordre socio-sexué de domination d’un sexe sur l’autre constituent la notion essentielle du genre. Il faut considérer comment le sexe se combine avec le système social, ethnique, et tous les phénomènes de domination, dont sont victimes les minorités dans la société actuelle. Le concept de sexisme a été forgé sur la notion de racisme. Je voudrais à cet égard rendre hommage aux personnes qui ont travaillé sur le racisme, en particulier aux États-Unis ; et aux féministes américain-e-s qui ont souvent mené un combat à la fois contre le racisme et le sexisme. Dans l’un et l’autre cas, nous faisons face à un système de discrimination, de subordination, de dévalorisation de groupes minoritaires dominés par des groupes majoritaires dominants, en particulier des filles et des femmes par les garçons et les hommes et de même pour d’autres groupes minoritaires. J’utilise l’expression stéréotypes sexistes, car ils sont destinés à dévaloriser les femmes en tant que groupe dominé. Il s’agit toujours de schématisations par rapport à un groupe, ne prenant pas en compte les individus, et il s’agit surtout de la manière dont un groupe dominé est qualifié par un groupe dominant, qui en plus lui envoie des injonctions sur ce qu’il doit être, faire, etc. Les stéréotypes sexistes sont des croyances et des préjugés, et, dès lors qu’on évoque la différence des sexes, on les hiérarchise. J’insisterai surtout sur le fait que les stéréotypes de sexe orientent et altèrent le regard et le jugement que nous portons sur autrui, mais aussi les interprétations des conduites d’autrui, et peut-être les nôtres propres, nos attentes vis-à-vis des autres, et les conduites que nous avons à leur égard. La psychologie sociale utilise la notion de cognition sociale implicite. Cela signifie que ces mécanismes sont si bien incorporés en nous qu’ils fonctionnent de façon quasi automatique. Nous n’en avons pas conscience et n’avons pas réellement de prise sur eux, tant que nous ne les conscientisons pas.

Ces mécanismes influent sur la conduite des enseignantes et des enseignants envers les filles et les garçons. L’on compte deux tiers des interactions des enseignants et enseignantes avec les garçons et un tiers avec les filles. Nos attentes vis-à-vis des élèves et les jugements que nous portons sur eux sont stéréotypés, même si nous nous en défendons. En comparant ce que les enseignants ont prédit des résultats dans la classe supérieure des filles et des garçons avec les performances qu’ils ont évaluées, il est apparu qu’ils sont plus optimistes sur les garçons que sur les filles en ce qui concerne les mathématiques - en particulier, mais pas seulement. Le double standard induit des critères différents de jugement sur les comportements. Nous attendons des garçons une certaine indiscipline, et parfois nous la provoquons à force de l’attendre, et nous nous attendons à la docilité des filles, de sorte que notre regard est plus sévère sur l’indiscipline des filles que sur celle des garçons. Ces jugements sont surtout stéréotypés sur les performances scolaires. On escompte que les garçons ont des capacités au-delà de leurs réussites réelles. On estime que les filles réussissent par leur travail, et non par leurs capacités et qu’elles font « tout ce qu’elles peuvent ». La psychologie sociale étudie également un autre phénomène, l’effet Pygmalion ; on observe que les com- portements des personnes sont conformes aux attentes qu’ont vis-à-vis d’elles les enseignantes et les ensei- gnants ; ce que l’on appelle les prédictions auto-réalisatrices. Or, en espérant moins des lles que des garçons, on produit une certaine baisse de leur sentiment de compétence, vérifée dans des recherches sur les adolescent-e-s ; quand on compare leur autoévaluation avec leurs performances scolaires, on s’aperçoit que les filles ont tendance à se sous-estimer et les garçons à se sur-estimer. En observant des classes, une équipe de recherche a pu compter les différentes interactions. Dans l’une d’elles, l’on comptait plus de garçons que de filles. D’une certaine façon, il serait normal d’observer plus d’interactions avec les garçons qu’avec les filles. L’application d’une pondération a fait apparaître 59 % d’interaction de l’enseignante avec les garçons, et 41 % avec les filles. Les trois premiers garçons qui ont le plus d’interactions, en ont davantage que la première des filles. Les données sur les durées d’interaction sont encore plus déséquilibrées. Et quasiment toutes les interactions de gestion de la classe mettent en jeu le savoir, ce n’est donc pas l’indiscipline des garçons qui justifierait le surcroît d’interactions dont ils bénéficient. Ces déséquilibres se manifestent également dans une classe à double niveau, CP-CE1, et ce, dans les deux groupes. Dans cette classe, nous nous sommes intéressés à la façon dont l’enseignant positionnait chacun et chacune de ses élèves, en vue de déceler quel-le-s sont les élèves qu’il considérait comme bons et auxquel-le-s il pouvait poser des questions difficiles, celles-ceux qu’il faut aider, etc. Le premier enregistrement, réalisé en novembre, a fait apparaître que garçons et filles étaient réparti-e-s de manière relativement égale. En juin, l’enseignant, qui souhaitait aider les élèves les plus en difficulté, avait placé quasiment tous les garçons dans les premiers rangs. Il jugeait certains d’entre eux bons élèves, même s’ils étaient parfois quelque peu agités. En revanche, il ne s’est rendu compte que très tard que l’une des filles, calme et silencieuse, connaissait d’importantes dif cul- tés en lecture. Il a dû la faire redoubler. Même la position des élèves dans l’espace de la classe est significative du point de vue des stéréotypes. Dans la classe d’un professeur de mathématiques, homme, au collège, nous avons observé plus d’interactions avec les filles qu’avec les garçons. Au cours d’une leçon sur la simplification des fractions, il a interrogé le meilleur élève de la classe lors du passage à un calcul plus difficile, puis une fille, qu’il ne considère pas comme une bonne élève, et qu’il a semoncée plusieurs fois en raison de son attitude. Elle a donné un résultat juste, mais non simplifié, alors que l’enjeu était de parvenir au résultat simplifié. Comme elle déclarait ne pas comprendre, il lui a répondu qu’elle n’avait pas à comprendre, mais à résoudre cette multiplication de fractions. Lorsque le bon élève s’est trompé, l’enseignant, se tournant vers la classe a dit : « Vous voyez, Charles a un trou, c’est bizarre quand même ». Et il a renvoyé la fille à sa place : « Tu réviseras ta table de multiplication des 7. La honte, Mélanie ! ». Par ailleurs, l’enseignant, comme d’autres, se rapprochait des élèves dont il attendait beaucoup, et s’éloignait de ceux dont il n’attendait que peu de bonnes réponses. Cela a aussi été observé dans les rapports entre doctorant-e et directeur ou directrice de thèse. En tant qu’enseignant-e-s, nous devons réfléchir sur tous les biais sexistes des programmes, et pas unique- ment des manuels. D’autre part, on omet d’enseigner ce qu’est véritablement la société, avec ses inégalités de sexe, sociales, ou en fonction de l’origine ethnique etc. Ne pas enseigner ces savoirs, produits par les recherches universitaires, constitue une façon de reproduire de l’inégalité sexuée, sociale, ethnique, etc. Les conséquences pour les filles incluent leur faible motivation, pour certaines disciplines ou certaines filières par manque de modèles. Mais les garçons aussi à l’inverse sont écartés de certaines disciplines ou filières supposées moins valorisées et valorisantes. Par ailleurs, l’absence d’héroïnes culturelles et la surabondance de « grands hommes » les confortent dans l’idée que les femmes n’ont jamais rien accompli d’important et que les hommes ont toujours été supérieurs aux femmes dans l’histoire et les arts. Tous ces phénomènes conduisent à une bicatégorisation des disciplines et des filières, et aux effets mention- nés par Françoise VOUILLOT. Le système scolaire produit une division socio-sexuée des savoirs, des compétences et des filières. De fait, la réussite scolaire des filles, que nous saluons, s’avère en partie illusoire. Le retard des recherches sur les inégalités de sexe et les autres types d’inégalités par rapport à celles sur les inégalités sociales explique leur faible diffusion parmi les personnels de l’éducation nationale. Par ailleurs, on a cru que la mixité suffirait à réaliser l’égalité entre les sexes. Or, on constate qu’il s’agit en partie d’une illusion. Dans notre système mixte actuel, on observe un apprentissage égal par les deux sexes de leur position sociale inégale. Des textes existent qui invitent les personnels à éduquer les élèves à l’égalité entre les sexes, et pourtant de nombreux personnels résistent à l’idée que l’égalité ne se réalise pas d’elle-même. À laisser se dérouler les processus habituels dans la société et le système scolaire, on produit de l’inégalité, et non pas de l’égalité entre les sexes.


Nicole MOSCONI Professeure émérite en sciences de l’éducation à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Séminaire Genre 2025

Lors du séminaire « Homophobie et sport » organisé par le Centre EPS & Société, Nicole Mosconi, enseignante-chercheuse à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, s’est proposé de traiter 3 points :
 définir ce qu’on entend par sexisme et homophobie,
 montrer le lien entre les deux par l’intermédiaire de la notion de genre
 montrer comment sexisme et homophobie se traduisent dans les rapports entre jeunes et les rapports adultes-jeunes.


1. Sexisme homophobie

Le sexisme est un terme qui a été créé dans les années 60, par analogie avec le terme racisme, pour montrer que le sexe constitue pour les femmes, exactement comme le « racisme » pour les groupes qui en sont victimes, un facteur de discrimination, de subordination et de dévalorisation. On pourrait en dire autant de l’homophobie, dans la mesure où l’orientation sexuelle peut constituer aussi un facteur de discrimination, de subordination et de dévalorisation. Le terme de « phobie » ajoute une nuance de crainte : « peur irraisonnée, angoissante, obsédante », dit le dictionnaire. Pour les femmes on parle plutôt de misogynie (haine des femmes) ; mais il y a aussi, chez certains hommes, une haine des homosexuels et, vis à vis des femmes, l’équivalent d’une « phobie », une peur irraisonnée, bien contraire, soit dit en passant, à la supposée « rationalité » de « l’homme ». On peut lier cette peur à l’ordre social dans lequel nous vivons qui repose sur un double rapport de pouvoir entre les sexes, d’une part, et entre les hétérosexuels et les homosexuels, d’autre part. C’est ce qu’on appelle le « genre », rapport de pouvoir qui organise un ordre social sexué où les dominants sont les hommes et les hétérosexuels et les dominés, les femmes et les gays et lesbiennes, ainsi que les transsexuels ou transgenre. Or, tout système de pouvoir est instable et la domination des dominants, les hommes ou les hétérosexuels, peut toujours être contestée et remise en question par ceux ou celles sur lesquel-le-s elle s’exerce ; d’où cette crainte que les dominants ont des dominé-e-s. Ce rapport de pouvoir se traduit à la fois dans les rapports individuels et collectifs mais aussi dans les institutions : pour les rapports hommes-femmes, la famille, l’école, l’économie, la politique, le droit, la culture. Et pour les rapports entre hétérosexuels et homosexuels, non seulement il y a domination mais aussi répression ; dans notre société, trois institutions principalement se sont chargées de réprimer les pratiques gays et lesbiennes : la religion chrétienne a fait de l’homosexualité un péché, la médecine, un trouble psychique, une « perversion », et le droit, un crime, un fléau social, supposé source de désordre social. C’est aussi parce qu’il y a domination qu’il y a risque de violence : violence verbale des injures sexistes ou homophobes et violence physique : violence conjugale et viol pour les femmes, violence homophobe. Une différence cependant à ce sujet : le sexisme repose sur la domination des femmes mais ne vise pas leur extermination (il faut assurer sa descendance !), tandis que l’homophobie à la limite viserait l’extermination des homosexuels (il faut rappeler qu’Hitler les a envoyés en camp de concentration, comme les juifs). De ce point de vue, l’homophobie se rapprocherait plus de l’antisémitisme que du sexisme.

2. Le système sexe/genre et le lien sexisme-homophobie

Pour les sexes, une anthropologue (Gayle Rubin) parle de « tabou sur la ressemblance », femmes et hommes « ne doivent pas » être semblables, ne pas être « mêmes » (que l’autre sexe) ; ce qui crée la norme de la différence des sexes ; les sexes masculin et féminin de l’état civil ne sont pas le sexe biologique mais une construction juridique : il faut que le masculin et le féminin soient radicalement distincts, afin qu’il soit possible et même qu’on doive les hiérarchiser ; le masculin l’emporte sur le féminin, ce qui ne vaut pas seulement en grammaire. C’est par là que se fait le lien entre sexisme et homophobie, dans nos sociétés occidentales ; car cet interdit quasi-sacré sur la ressemblance se double aussi d’une injonction d’aimer l’« autre » sexe et de ne jamais désirer le « même » sexe. Ce qui crée la norme du mariage hétérosexuel. En effet, de même que le masculin et le féminin sont des normes, l’hétérosexualité est aussi une norme (on parle d’hétéronormativité) qui entraîne la domination qui s’exerce sur les homosexuels, avec la dévalorisation, voire la répression qui s’ensuit. Cette norme implique une famille faite uniquement pour la procréation et l’éducation des enfants, la mère étant sous l’autorité du Père, ce qui implique la double idée de l’infériorité de la femme et des homosexuels ; les gays sont supposés ne pas être des « vrais » hommes et les lesbiennes de « vraies » femmes : on ne reproche pas seulement à certains hommes gays leur « orientation sexuelle » mais aussi leur absence d’agressivité et de goût pour la compétition et à certaines lesbiennes leur « absence de charme, de tendresse et de compassion »1 ; celles qui refusent la maternité commettent la pire faute et paradoxalement quand elles veulent l’être on leur refuse la PMA, car on refuse « l’enfant sans père » ; mais on refuse encore plus la paternité aux hommes sans mère. Autrement l’hétéronormativité, c’est la répression d’une sexualité qui ne vise pas à la consolidation de la famille patriarcale et à la procréation. L’homosexuel-le menace la natalité pour des sociétés qui ont besoin d’enfants pour l’économie. Il est aussi intéressant de comparer l’usage que l’idéologie dominante fait de la notion de « nature » dans le cas du sexisme et de l’homophobie. Pour le sexisme le masculin et le féminin sont naturels, ils viennent de la biologie. Ce qui permet de dénoncer comme « contre nature » une femme de pouvoir ou une intellectuelle, privilèges masculins que les femmes ne doivent pas « usurper », leur « nature » étant d’être séduisantes, de faire des enfants et de s’occuper de la maison. Mais on considère aussi qu’est « contre nature » un homme qui refuse de dominer les autres et surtout les femmes. C’est la même idéologie naturaliste qui fonctionne pour l’homosexualité que pour le sexisme. On transforme la norme de l’hétérosexualité en « loi naturelle » et l’homosexuel-le (gay et lesbienne) devient « contre-nature ». Mais de quelle nature parle-t-on ? Pas celle de la biologie : l’éthologie animale nous montre que l’homosexualité est pratiquée par beaucoup d’espèces animales entre mâles et entre femelles. Mais ce n’est pas le problème, car l’essentiel, c’est que, en parlant de « nature », on oublie que cette « nature », c’est, selon la formule de Canguilhem, une « normalisation sans normativité », c’est-à-dire une construction sociale de normes qui se dénient comme construites, dont les groupes sociaux qui en sont les auteurs ne veulent pas se reconnaître comme responsables. Toute création d’une norme, en effet, suppose un créateur de norme, individuel ou plus souvent collectif. Et les normes qui régissent les vies humaines sont des créations humaines des sociétés humaines, elles ne viennent ni de Dieu, mais pas non plus de la nature, qui est un avatar sécularisé de la divinité. L’idée de nature sert justement à masquer l’origine humaine, donc conventionnelle, donc historique, donc réformable des normes. La nature, est le masque de l’auteur humain de la norme. Il faut affirmer hautement que, si, dans toute société, la sexualité est toujours soumise à des règles et à des normes, celles-ci sont différentes selon les sociétés et les époques historiques. L’hétérosexualité n’est pas plus « naturelle » que l’homosexualité ; dans la Grèce antique et dans beaucoup d’autres sociétés, l’homosexualité elle-même était une institution, au même titre que le mariage hétérosexuel. Donc ces règles et ces normes ne sont pas éternelles et immuables et elles peuvent être transformées et elles le doivent quand elles sont source d’injustices, comme dans le sexisme et l’homophobie. Le sexisme et l’homophobie n’organisent pas seulement les rapports interindividuels, mais aussi les rapports dans les institutions. Qu’en est-il du sport comme institution que ce soit à l’école ou dans les clubs sportifs ?

3. Sexisme et homophobie dans les clubs et à l’école

Ni l’institution scolaire ni les institutions sportives ne sont en dehors de la société, or il existe une tradition sexiste et homophobe dans notre société. En matière de rapports des sexes et des sexualités, la morale laïque de la troisième République a eu tendance à reproduire les tabous de la morale religieuse chrétienne et bourgeoise. Aujourd’hui cet ordre social sexué et homophobe est remis en question. Il existe des textes au niveau international de l’ONU et du Conseil de l’Europe et au niveau national qui interdisent toute discrimination en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle. Il existe aussi une loi qui réprime des injures homophobes et sexistes. Et pour l’école, depuis une vingtaine d’années, il existe des conventions et des circulaires qui prescrivent de lutter contre le sexisme et l’homophobie. C’est pourquoi aujourd’hui l’ensemble de la société est traversée par des conflits : d’un côté elle affirme l’égalité des sexes et des sexualités, mais d’un autre côté le système du genre, comme rapports inégaux entre les sexes et les sexualités qui produit les normes du féminin et du masculin, existe toujours. C’est pourquoi on apprend toujours aux enfants à devenir des femmes et des hommes conformes. Et ceux qui ne le sont pas subissent des pressions et même éventuellement de la violence verbale ou physique. C’est pourquoi le sexisme et l’homophobie sont présents dans les institutions scolaire et sportive. Le sexisme et l’homophobie sont liés aux stéréotypes produits par le système du genre.

1) Les stéréotypes sexistes et homophobes

Les stéréotypes sont un ensemble de croyances rigides voire caricaturales, concernant les caractéristiques supposées des membres de groupes sociaux différents. Les stéréotypes se produisent principalement quand deux groupes sociaux inégaux sont en présence. Ils différencient alors les deux groupes pour les hiérarchiser, valoriser le groupe dominant et dévaloriser le groupe dominé. Les stéréotypes sexistes ou homophobes opposent selon ce schéma le féminin dévalorisé au masculin valorisé et de même l’hétérosexuel valorisé à l’homosexuel dévalorisé. Ces deux stéréotypes sont liés celui du gay est celui de l’homme « efféminé » et celui de la lesbienne de la femme « virilisée ». Et ces stéréotypes guident nos perceptions, nos attentes et nos comportements et par là joue un grand rôle dans le sexisme et l’homophobie. L’enfant s’en imprègne dès sa première année de vie, et va continuer à les intégrer tout au long de son enfance et de sa jeunesse, dans sa famille et par les media, d’une part, mais aussi par les institutions éducatives. D’abord dans les relations entre pairs.

2) Les relations entre pairs.

Dans les relations entre pairs, les garçons ont tendance à imposer leur dominance sur le groupe des filles mais aussi sur les garçons non conformes aussi bien dans la cour de récréation que dans la classe. Ce sont les moqueries, la dérision, les plaisanteries et injures sexistes, mais aussi homophobes (pédé, gouine, tapette, tante, travelo), voire les persécutions. Dans la cour de récréation en primaire, un garçon qui joue avec les filles à des jeux « de filles » se fera moquer de lui et sera vite traité de « pédé » par les autres garçons, voire deviendra leur souffre-douleur ; et une fille qui veut jouer au foot sera traitée de « garçon manqué ». À noter que la stigmatisation n’est pas de même nature : ce qu’on reproche au garçon, c’est de dévaloriser sa classe de sexe, en s’assimilant aux filles et de rompre la complicité de sexe pour s’opposer aux filles et affirmer la supériorité de groupe des garçons sur le groupe des filles ; tandis que ce qu’on reproche à la fille, c’est de prétendre égaler la classe de sexe opposée, et pour que l’inégalité se maintienne, on dit qu’elle n’en sera pas vraiment capable : une fille sera toujours « manquée », en tant que garçon. Des stéréotypes s’attachent aussi aux disciplines scolaires. L’EPS, c’est plutôt masculin. Il y a aussi des stéréotypes qui divisent les disciplines sportives elles-mêmes : le football, le rugby, c’est masculin, la gymnastique, la GRS, la danse, c’est féminin : chaque groupe de sexe a tendance à résister quand on lui propose de pratiquer des disciplines pour lesquelles elles et ils croient qu’elles et ils ne sont pas « faites pour ». Les garçons chahutent (pour imposer leur pouvoir), les filles se retirent, refusent de participer. Mais parfois les enfants et les jeunes rencontrent la complicité des adultes.

3) Les relations adultes-enfants

Les stéréotypes ont tendance aussi à orienter les adultes dans leurs regards sur les jeunes, dans leurs jugements, leurs attentes, leurs conduites aussi sans qu’ils s’en rendent toujours compte. Les adultes ont des conduites différentes vis-à-vis de chaque sexe. Ils n’attendent pas la même chose des filles et des garçons. Ils tolèrent plus l’indiscipline des garçons que celle des filles. Leurs conduites sont souvent empreintes d’une homophobie inconsciente quand ils sont mal à l’aise avec les garçons « qui ne savent pas se défendre » et avec les filles agressives. Il y a du sexisme aussi : les adultes ont tendance à accorder plus d’importance aux garçons qu’aux filles : on sait combien les équipes de filles en sport co ont du mal à avoir des terrains pour s’entraîner. Et entraîner une équipe féminine, c’est moins « glorieux » qu’entraîner une équipe masculine. On s’attend à ce que les garçons aiment les sports et soient bons en EPS, et les garçons qui ne correspondent pas à ce modèle déçoivent et on s’en moque facilement. Mais les filles, elles, sont plutôt supposées ne pas aimer les sports et ne pas réussir. Ils sont prêts à penser que les garçons sont doués et que les filles n’auront que de la bonne volonté et du sérieux. C’est la notion d’un « double standard » : des critères de jugement différents pour les filles et les garçons. Bien sûr ces différences de traitement sont aussi liées à l’origine sociale des élèves. On sait que le différentiel de résultats filles/garçons au bac est fortement corrélé à l’origine sociale. Quand un garçon aime et pratique la danse, il est vite traité d’« efféminé » ou de « pédé », sauf s’il fait du hip hop, et une fille qui aime le rugby ou qui pratique du karaté sera dite à nouveau être un « garçon manqué ». On peut penser que tous ces jugements produisent des effets de prédiction auto-réalisatrice (ce qu’on nomme « effet Pygmalion ») : les élèves ont tendance à se conforment à ce qu’on attend d’eux. Conclusion : Que faire ? Que faire devant des comportements sexistes ou homophobes ? Il est important d’abord de les repérer, car ce n’est pas toujours évident. Ensuite, s’ils veulent œuvrer pour l’égalité des sexes et des sexualités, les adultes se doivent de ne pas les laisser passer, ils doivent réagir ; la question est de savoir comment. Il faut enfoncer le clou : les garçons/hommes ne sont pas supérieurs aux filles/femmes. Les filles/femmes sont des êtres humains au même titre que les garçons/hommes et doivent être traitées en tant que telles. De même sur l’homophobie, il faut affirmer : « l’homosexualité est une façon ordinaire bien que minoritaire d’être un être humain » (Jean-Louis Bory). L’affirmation de principes généraux comme par exemple : « on ne se moque pas » est important. Sur le comment faire, ce sont les adultes en situation qui peuvent répondre à cette question. Je ferai juste une remarque. Une des difficultés me semble de trouver les moyens de réagir, de marquer son désaccord sans braquer ou humilier les jeunes. Des réactions après coup et non à chaud, dans une discussion collective, peuvent aussi avoir leur intérêt et leur vertu. En tous cas, si l’on veut être en accord avec ses convictions concernant l’égalité des sexes et des sexualités, il est important de prêter attention aux comportements qui les contredisent et de tâcher de les éliminer, que ce soit dans nos propres comportements ou dans ceux des jeunes.

Suite de l'article : https://epsetsociete.fr/Sexisme-et-homophobie-reproduction

Peut-on en finir avec le plafond de verre ?

Malgré leur place croissante dans le monde du travail, les femmes sont encore largement minoritaires aux postes de décision. Le « plafond de verre » qui entrave leur carrière constitue une réalité indéniable mais qui résiste à toute explication simpliste. ( Article de Catherine Halpern, revue Sciences Humaines)

 Le plafond de verre (glass ceiling) est une expression apparue aux États-Unis à la fin des années 1970 pour désigner l’ensemble des obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des postes élevés dans les hiérarchies professionnelles. La métaphore, si elle n’explique pas le phénomène, a au moins le mérite d’être parlante : tout se passe comme si un plafond invisible empêchait les femmes de grimper les échelons.

 Plus largement, l’expression « plafond de verre » est aussi pertinente pour tout emploi où ily a possibilité d’une évolution de carrière. La question est alors de comprendre ce qui, à compétences égales, contrarie la progression professionnelle des femmes par rapport à celle des hommes. Cette inégalité des chances est devenue depuis une quinzaine d’années un axe de réflexion important dans la recherche (en particulier en sociologie du travail et des organisations, et dans les études sur le genre), mais aussi dans le champ politique, national, européen ou international, dans le cadre de la lutte contre les discriminations.

 On ne compte plus les rapports publiés par les pouvoirs publics ou les entreprises sur les inégalités de carrière entre hommes et femmes. Parce que les obstacles sont de plus en plus visibles mais tout aussi lourds, la sociologue Catherine Marry préfère pour sa part parler de « ciel de plomb » pesant sur les carrières féminines. Les femmes sont de plus en plus diplômées mais aussi de plus en plus présentes dans les professions qualifiées.

 Néanmoins les statistiques mettent en évidence une forte prépondérance masculine aux postes de pouvoir et de décision. En France, les chefs des moyennes et grandes entreprises sont à 93 % des hommes. Début 2008, il n’y avait que 7,64 % de femmes dans les conseils d’ad­ministration des sociétés du Cac40. Si le nombre de femmes dans les postes d’enca­drement varie beaucoup d’un pays à l’autre, elles restent dans tous les cas très largement minoritaires dans les postes de direction. Aux États-Unis, par exemple, alors qu’elles représentent tout de même 45 % des cadres et managers, elles ne constituent que 5% des cadres dirigeants.

 Les Philip­pines sont le seul pays à compter autant de femmes que d’hommes dans les fonctions d’encadrement, mais elles restent minoritaires dans les postes de direction. Fin 2005, les femmes ne représentaient en France que 7% des préfets, 14% des recteurs et 6 % des dirigeants de juridictions nationa­les (Cour de cassation, Conseil d’État, Cour des comptes). Depuis 2007, l’Assemblée nationale compte 107 femmes pour 577 places.

 Malgré la loi sur la parité, en 2008, il y a 91,5% d’hommes maires dans les villes de plus de 3500 habitants..., et 86,9% d’hom­mes conseillers généraux. Un rapport de la Commission européenne (« Women and men in decision-making 2007 - Analysis of the situation and trends ») montre que la propor­tion des femmes parmi les parlementaires nationaux a augmenté : elle est passée de 16 % en 1997 à 24% en 2007. Mais aucune banque centrale des 27 pays membres de l’Union européenne n’est dirigée par une femme.

 En 2001-2002, l’université française compte environ 15% de femmes parmi les professeurs de l’enseignement supérieur et 38% parmi les maîtres de conférence, ce qui la place derrière le Portugal mais devant la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas (dans ce pays en 1998, 5% de professeurs et 7% dans ce qui correspond à nos maîtres de conférences). Un plafond de verre que l’on retrouve dans la recherche.

 D’après l’Insee, en 2005, alors qu’elles comp­tent pour 45% de la population salariée, les femmes représentent 25,4% des cadres dans le privé et semi-public et le salaire de leurs homologues masculins est en moyenne supérieur de 26,7%. Les femmes cadres ont souvent moins de responsabilités, gèrent habituellement des équipes plus restreintes et sont cantonnées dans certains types de poste, par exemple les ressources humaines ou la communication considérées comme valorisant des compétences relationnelles plus « féminines ». Et même quand leur car­rière est au début similaire aux hommes, elle tend à patiner, en particulier autour de l’âge de 35 ans

Article paru en Juillet 2008 dans Sciences humaines n° 195

Trouble dans le genre, conclusions de Judith Butler et critiques

 

BUTLER Judith
Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion
Préface d’Éric Fassin, traduction de Cynthia Kraus La Découverte, 
2005.


Extrait
Il ne faudrait pas concevoir le genre comme une identité stable ou lieu de la capacité d’agir à l’origine des différents actes ; le genre consiste davantage en une identité tissée avec le temps par des fils ténus, posée dans un espace extérieur par une répétition stylisée d’actes.

 L’effet du genre est produit par la stylisation du corps et doit donc être compris comme la façon banale dont toutes sortes de gestes, de mouvements et de styles corporels donnent l’illusion d’un soi genre durable. Cette façon de formuler les choses extrait la conception du genre d’un modèle substantiel de l’identité au profit d’une conception qui le voit comme une temporalité sociale constituée.

 De manière significative, si le genre est institué par des actes marqués par une discontinuité interne, alors l’ apparence de la substance consiste exactement en ceci : une identité construite, un acte performatif que le grand public, y compris les acteurs et actrices elles/eux-mêmes, vient à croire et à reprendre [perform] sur le mode de la croyance. Le genre est aussi une norme que l’on ne parvient jamais entièrement à intérioriser ; l’« intérieur » est une signification de surface et les normes de genre sont au bout du compte fantasmatiques, impossibles à incarner.

 Si le fondement de l’identité de genre est la répétition stylisée d’actes et non une identité qui fonctionne apparemment sans interruption, alors la métaphore spatiale du « fondement » sera évincée et se révélera être une configuration stylisée, même un mode genre sur lequel le temps prend corps. On verra alors que la permanence d’un soi genre est structurée par des actes répétés visant à s’approcher de l’idéal du fondement substantiel pour l’identité, mais qui, à l’occasion de discontinuités, révèlent l’absence, temporelle et contingente, d’un tel fondement. Il convient précisément de chercher les possibilités de transformer le genre dans le rapport arbitraire entre de tels actes, dans l’échec possible de la répétition, toute déformation ou toute répétition parodique montrant combien l’effet fantasmatique de l’identité durable est une construction politiquement vulnérable.

 Or si les attributs de genre ne sont pas « expressifs » mais performatifs, ils constituent en effet l’identité qu’ils sont censés exprimer ou révéler. La différence entre « expression » et performativité est cruciale. Si les attributs et les actes du genre, les différentes manières dont un corps montre ou produit sa signification culturelle sont performatifs, alors il n’y a pas d’identité préexistante à l’aune de laquelle jauger un acte ou un attribut ; tout acte du genre ne serait ni vrai ni faux, réel ou déformé, et le présupposé selon lequel il y aurait une vraie identité de genre se révélerait être une fiction régulatrice.

 Si la réalité du genre est créée par des performances sociales ininterrompues, cela veut dire que l’idée même d’un sexe essentiel, de masculinité ou de féminité — vraie ou éternelle —, relève de la même stratégie de dissimulation du caractère performatif du genre ri des possibilités performatives de faire proliférer les configura lions du genre en dehors des cadres restrictifs de la domination masculine et de l’hétérosexualité obligatoire.

 Les genres ne peuvent être ni vrai ni faux, ni réalités ni simples apparences, ni des originaux ni des imitations. Dans la mesure où l’on porte de manière crédible ces attributs de genre, on peut les rendre vraiment et absolument incroyables.


Dé-ranger le genre et ouvrir le champ des possibles

 Publié en 1990 aux États-Unis puis traduit en français en 2005, Trouble dans le genre, de Judith Butler, vient malheureusement conforter la vieille rumeur selon laquelle tout ce qui naît aux États-Unis (dans le domaine social, politique, culturel, économique...) finit par se réaliser en Europe dix ans après et par arriver en France cinq ans plus tard ! Les États-Unis seraient-ils une boule de cristal de nos destinées ? le « think-tank » philosophique qui éclaire par sa pensée et sa pratique notre nouvelle cartographie sociétale ? En tout cas, ce livre donne l’occasion de rappeler que la France a refusé, à un moment où émergeaient pourtant des problématiques articulant le sexe, le genre et le désir (à travers le Pacs, l’homoparentalité, etc.), d’entamer une réflexion philosophique approfondie sur les notions de genre et de sexe et de les extraire de leur carcan idéologique et institutionnel. Cela est d’autant plus paradoxal que la pensée de Judith Butler vient boire à la source de ce qu’on appelle la French theory. Même si ce mouvement est avant tout une construction américaine, il s’inspire abondamment des travaux de Claude Lévi-Srauss, Michel Foucault, Jacques Lacan, Julia Kristeva et Monique Wittig. Bien qu’il se focalise sur les traditions sociologique et anthropologique anglo-américaines des études de genre, ce livre offre un melting-pot conceptuel et intellectuel qui permet à des auteurs de correspondre subtilement et de faire l’objet d’une critique riche et novatrice. Il souffrirait donc d’un double handicap (trop américain pour les Européens, trop eurocentriste pour les Américains) qui pourtant fait sa force de conviction et d’intérêt. En effet, la pensée de Judith Butler se veut circulaire, omnidirectionnelle, opérant des allers et retours constants entre les différentes approches de réflexion sur le genre, l’auteure se plaçant elle-même au centre de ce jeu complexe et vertigineux de miroirs de pensées. L’ouvrage n’est pas tant déroutant par son style que par cet effort continuel qu’il demande au lecteur pour suivre ces confrontations conceptuelles aboutissant à une pensée déconstructrice. C’est au prix de cet effort que l’on perçoit l’émergence des mouvements de pensée qui parcourent le livre (queer theory, French feminism cultural studies, cultural left, post-structuralisme, théorie critique) et la démarche de Butler en tant qu’étude de « pensée comparée du genre » pour l’émergence d’une autre pensée, subversive.

 Elle peut se résumer en quelques idées phares qui tracent les grandes lignes du projet de Judith Butler :

 désolidariser la notion de genre du couple féminin/masculin ; mettre à nu le jeu des normes derrière l’apparence de la nature ;
 revisiter la notion de genre dans son rapport à la sexualité ;
 proposer des approches subversives dans les fragilités de la matrice hétérosexuelle, hégémonique et hiérarchisée ; montrer que le genre comme le sexe résultent du processus de construction ;
 prouver que le genre est performatif (il prend forme par le fait même d’être énoncé et mis en pratique, joué) ;
 s’appuyer sur la généalogie critique (propre à Michel Foucault) et la déconstruction (propre à Jacques Derrida) pour conceptualiser la démarche ;
 refuser toute identité stable et avancer l’idée que la notion de genre est trouble et génère un trouble dans le genre ;
 s’éloigner d’un communautarisme identitaire afin de remettre en cause la matrice hétérosexuelle en la dénaturalisant.

 Le tricot intellectuel est construit de mailles qui dépendent les unes des autres. En tirer une, c’est amener tout le livre à soi. L’approche de l’auteure est complexe car elle refuse de s’inscrire dans des normes de pensées construites et dominantes.

 On pourrait dire que Judith Butler cherche à faire vaciller le genre : créer un autre ordre qui bouleverse la structure, dé-ranger en créant du trouble, se refuser au pouvoir de l’ordre assigné, détourner le genre de son droit chemin. S’agit-il pour elle de créer les conditions nécessaires à une révolution du genre ? Le fondement du livre repose sur le fait que la cohabitation complexe du genre et de la sexualité est génératrice de trouble. À cela s’ajoute le fait que le sexe lui-même serait aussi une fabrique.
 La pensée de Judith Butler est politique, engagée (...) le genre est aussi une manière de signifier des rapports de pouvoir dont il faut se jouer pour mieux les démonter. La drag queen est significative de cette notion de jeu, de parodie et de performativité. Bien qu’elle ne reflète pas la féminité normative, elle se situe, par sa performance, sur un pied d’égalité avec toute femme, réduisant ainsi notre vision binaire des genres à des phénomènes de construction. Le corps « genré » est performatif dans le sens où il n’y a pas de statut ontologique indépendamment des différents actes qui constituent sa réalité. La « drag » trouble le modèle expressif du genre et remet en cause l’idée qu’il y aurait une vraie sexualité de genre. Elle joue sur la dissonance entre l’être et le paraître, le sexe et le genre de la performance, et parodie l’idée qu’il y aurait de « vraies femmes » et de « vrais hommes » : « Si la vérité intérieure du genre est une fabrication et si l’idée qu’il y aurait un vrai genre est un fantasme construit et inscrit à la surface des corps, alors il semble que les genres ne peuvent être ni vrais ni faux, mais produits comme les effets de vérité d’un discours de l’identité première et stable. »

Judith Butler s’ingénie donc à produire, à déconstruire, à dénaturaliser les identités sexuelles et de genre, et à perturber les mécanismes de production. À travers cette tentative d’ouvrir tous les champs du possible, elle oblige parfois le lecteur à abandonner des modes de pensée archaïques et névrotiques. Ainsi la force essentielle de ce livre repose-t-elle sur sa capacité à réévaluer notre propre perception du moi et la manière dont elle est construite.

 Les deux objectifs du livre consistent d’une part à s’interroger sur la critique d’une présomption d’hétérosexualité (elle s’attaque au dogme central de la pensée de la différence sexuelle qu’est à ses yeux l’hétérosexisme), et d’autre part à fragiliser les présupposés sur les limites et les bons usages du genre. (...) Sa devise est bien d’ouvrir le champ des possibles, ce qui « paraît tellement évident aux personnes qui ont fait l’expérience de vivre comme des êtres socialement "impossibles", illisibles, irréalisables, irréels et illégitimes » (Introduction, 1999, p. 26).

 Judith Butler, à travers de brefs passages sur les « transgenres » et les transsexuels(le)s avance l’idée que l’entre-deux, la transformation interrogent sur ce qu’est une identité « genrée » et qu’il est impossible d’établir une corrélation entre les pratiques drags ou transgenres et les pratiques sexuelles. Il est impossible ainsi de cartographier la sexualité avec les termes bi, homo et hétéro car les genres sont mouvants et changeants.

(...)

Judith Butler insiste pour dire que, derrière son livre, il y a une personne : engagée, militante, solidaire, curieuse, ouverte sur l’autre. C’est cette intellectuelle novatrice et modeste qui propose une vraie révolution de la pensée !

Extraits d’une critique de Jean-Luc Deschamps, professeur d’anglais, comédien , parue sur le site du sceren.

Que racontent les albums illustrés pour enfants ?

 

Sylvie Cromer et Adela Turin
Que racontent les albums illustrés pour enfants ?
Ou comment présente-t-on les rapports hommes-femmes aux plus jeunes ?


Les albums sont la première lecture de jeunesse et les enfants garderont longtemps en mémoire leurs images, qu’ils auront longuement regardées. C’est pourquoi il revient aux adultes de décrypter les représentations des rapports entre les sexes que véhiculent ces histoires. Ce qui suit consiste dans la présentation des résultats d’une vaste étude menée sur 537 albums. Dans les écoles maternelles et dans les bibliothèques et centres de documentation (BCD) du primaire, les albums illustrés, première littérature de jeunesse, jouent un rôle pédagogique de premier plan : l’omniprésence et le prestige des livres en font un support privilégié de l’apprentissage et notamment, pour les enfants de moins de dix ans, du processus d’acquisition des modèles sexués socialement acceptables. En effet, la littérature enfantine, se donnant comme une des fonctions de participer à la construction de l’identité de l’enfant, dans sa relation aux autres, à sa famille, au monde, parle inévitablement d’identité sexuée et de rapports sociaux de sexe. Le présent article a été publié dans Lunes. Réalités, parcours, représentations de femmes, n°3, avril 1998, p. 381-387.


Recherches féministes, vol. 11, rf 1, 1998 : 223-230

Document explicatif, relatif au sexisme dans les albums pour enfants

Les stéréotypes sur le genre ça commence tôt
Forte de ce constat, la Ligue de l’enseignement de Paris a réalisé des brochures pour réfléchir ensemble, enfants, enseignants et parents, aux clichés sexistes. Philippe Guez et Noella Germain présentent le 14 décembre cette opération importante lancée par la Ligue de l’enseignement vers les écoles parisiennes. "On ne fait pas de leçon de morale, on ne donne pas de ligne de conduite, on demande juste d’observer ce qui se passe."

L’approche par le dessin observé. Observons ce dessin. S’agit-il d’un ours ou d’une ourse ? C’est une des questions posées par la Ligue de l’enseignement de Paris aux écoliers de CP et CE1.

La Ligue, avec le soutien d’une chaîne de cafés, a fait imprimer près de 14 000 brochures destinées aux écoliers de CP et CE1 parisiens. Ces brochures sont téléchargeables en ligne et utilisables par les enseignants des écoles. S’y ajoutent d’intéressants documents pédagogiques pour les enseignants et un livret destiné aux parents car en la matière, il ne s’agit pas d’oublier que cette thématique est sensible et qu’il est préférable d’associer les familles si l’on souhaite des retombées positives des actions de réflexion engagées auprès des enfants. Les élèves sont invités à observer M et Mme Ours(e) dans différentes situations afin de faire émerger les stéréotypes et de les discuter. Ce personnage qui lit avec des lunettes, c’est bien sur M. Ours. Cet autre personnage qui repasse, c’est Madame...

L’approche par la lecture. L’histoire du petit Shou et "La robe de Rose" invitent les élèves à réfléchir en entrant dans la parité par la lecture. La brochure pédagogique jointe invite à découvrir d’autres histoires et à en écrire.

Nous savons que l’éducation nationale véhicule des stéréotypes. En 2008, une étude commandée par la Halde avait montré que les manuels scolaires n’étaient pas indemnes de discrimination sexiste. L’analyse de 29 manuels de collège et lycée montrait que le choix des métiers par exemple reflétait ces stéréotypes. Globalement si les manuels comptaient 3 fois plus d’images masculines que féminines, les premières mettaient dans un quart des cas l’homme en situation dominante. La Ligue de l’enseignement espère faire évoluer les mentalités rapporte le Café Pédagogique.

Livret 1 de la Ligue de l’enseignement

Livret 2 de la Ligue de l’enseignement

Livret 3 de la Ligue de l’enseignement

Recherches "Du côté des filles"

Les recherches de Belotti (Du côté des filles) ont montré que commence jeune la nécessité d’une éducation à l’égalité filles – garçons. Rapidement les enfants apprennent des clichés, adoptent des comportements stéréotypés. Les filles et les garçons s’installent dans des espaces différents en classe, chacun est dans son groupe et séparément. Dès le CP s’observe ce phénomène. L’égalité des places et l’égalité des chances sont une question du « vivre ensemble ». La problématique est sociétale ; l’école en hérite.
La question filles/garçons relève d’une transmission de stéréotypes, c’est une question d’égalité entre les sexes. La question des égalités entre les sexes a longtemps été occultée par la question des inégalités sociales. On parlait cependant de différences mais on ne spécifiait pas qu’il s’agissait d’inégalités. Les femmes et les hommes ne sont pas égaux car ils sont différents, ils sont non identiques dans un registre ontologique (l’essence). Au niveau d’un registre juridique : on a un rapport différence/identité et égalité/inégalité. La différence d’identité sexuelle engendre de l’inégalité.
Le genre est un système social, un ordre social qui organise les rapports de pouvoir entre le groupe des hommes et le groupe des femmes. Cela se traduit par un système de normes de sexe interdépendantes (le masculin et le féminin) hiérarchisantes, définissant des attributs physiques, psychologiques et des rôles, des conduites et des comportements (y compris dans les relations entre les sexes). Le genre n’est pas déterminé par le sexe biologique, c’est le social qui détermine. Le genre est une construction. Le sexe dont on parle de manière générale est le sexe d’état civil : h ou f. Le masculin et le féminin ne définissent pas des
identités mais des normes. Il convient de casser la hiérarchisation des sexes, déjà posée par le langage. (cf. le masculin l’emporte sur le féminin en grammaire). Le fond de l’affaire : c’est la domination masculine. On parle de femme masculine, les hommes féminins sont mal vus. La théorie du genre a fondé la théorie du sexisme (en lien avec le racisme) en tant que facteur de dévalorisation, de discrimination…

Argumentaire de Nicole Mosconi

À quoi jouent les petits garçons et les petites filles ?

À quoi jouent les petits garçons et les petites filles ? Stéphanie Barbu et Gaïd Le Maner-Idrissi,

D’APRÈS L’OUVRAGE HOMMES. FEMMES. LA CONSTRUCTION DE LA DIFFÉRENCE, EDS DU POMMIER ET CITÉ DES SCIENCES ET DE L’INDUSTRIE

Qui observe de jeunes enfants dans une cour de récréation ou un jardin public constate bien vite que leurs jeux s’organisent au sein de groupes le plus souvent unisexués et autour d’activités différentes selon qu’il s’agit de filles ou de garçons. On peut alors se demander à partir de quel âge et comment se manifestent les
conduites sexuées des enfants, notamment dans le choix des partenaires, du matériel et des activités de jeu. Pourquoi observe—t—on ces différences entre filles et garçons ? Quel est le rôle de l’entourage social ? Et quel est celui de l’enfant dans sa propre construction en tant que fille ou garçon ?

Manifestations des conduites sexuées

De nombreuses observations d’enfants âgés de un à six ans en situation de jeu libre, à la crèche ou à l’école maternelle, ont montré que la préférence pour des partenaires de jeu de même sexe apparaît vers la fin de la deuxième année chez les filles et vers la fin de la troisième année chez les garçons. Cette préférence devient de plus en plus marquée au cours de la période préscolaire, particulièrement chez les garçons à partir de cinq ans. Avec l’âge, les enfants passent de plus en plus de temps en groupes de jeu unisexués.

Si les enfants connaissent et valorisent leur propre sexe, ce qui les amène progressivement à rechercher des partenaires de jeu de même sexe, ces connaissances se trouvent renforcées par leurs expériences sociales avec leurs pairs. Avec un partenaire de même sexe, les interactions sociales sont plus fréquentes, les propositions, les échanges obtiennent plus de réponses et le jeu est plus coopératif. À l’inverse, jouer avec des partenaires du sexe opposé entraîne des relations plus passives, davantage de compromis dans les choix d’objets et plus de conflits.

Les groupes de jeu unisexes s’avèrent donc plus stimulants pour les jeunes enfants, ce qui les conduit à privilégier ce contexte. Un tel niveau de coordination sociale semble notamment être favorisé par une plus grande compatibilité comportementale entre enfants de même sexe, compatibilité qui faciliterait les échanges entre jeunes enfants dont les habiletés sociales sont encore peu élaborées. En effet, dès la fin de la deuxième année, les filles et les garçons manifestent des préférences nettes pour des jouets appropriés à leur sexe et présentent des conduites sociales différentes avec leurs
pairs. Ces tendances s’affirment considérablement au cours de la troisième année. Ainsi, la préférence des enfants pour des enfants de même sexe est largement orientée par la
recherche active de partenaires dont les activités de jeu et les conduites sociales sont similaires aux leurs, ce qui permet l’engagement dans des interactions plus soutenues et attrayantes.

Le développement de la ségrégation sexuelle contribue ainsi à la mise en place de
contextes de socialisation différents pour les filles et les garçons, qui ont un impact important sur la construction de leurs compétences sociales et l’élaboration des rôles sexués. Plus les enfants passent de temps avec des partenaires de même sexe, plus leurs comportements sont différenciés. Ainsi, au cours de la période préscolaire, les filles manifestent entre elles davantage de conduites sociales positives que les garçons ; elles privilégient les interactions à deux et sont plus souvent qu’eux observées dans des activités de jeu associatives et structurées, notamment grâce à l’élaboration de règles et au langage, auquel elles ont plus fréquemment recours. Au contraire, les agressions physiques, qui sont cependant rares, sont plus fréquemment observées entre garçons ; ils sont plus souvent engagés dans des activités de jeu solitaires ou parallèles ; ils privilégient les interactions en larges groupes et sont aussi davantage concernés par la compétition et la dominance.

Si ces différences comportementales ont bel et bien été mises en évidence par de nombreuses recherches chez le jeune enfant, nous sommes dans un domaine où il est particulièrement important d’apporter des nuances. La compétition et la dominance apparaissent aussi dans les groupes de filles, tout comme la coopération se manifeste entre garçons, mais les enjeux et les stratégies déployées sont différents. Par exemple, les garçons manifestent plus d’agressions physiques, tandis que les agressions verbales sont plus fréquentes entre filles. Il faut en outre toujours garder présent à l’esprit le fait
que 1’on considère un comportement moyen dans une population donnée, alors que la
variabilité au sein d’un même sexe est bien souvent plus grande que la variabilité entre les
deux sexes. Il faut également souligner qu’à tout âge les individus adhèrent à des degrés divers aux rôles sexués, c’est-à-dire aux attributs, attitudes et activités qui sont jugés, dans une culture donnée, comme étant appropriés à l’un ou l’autre sexe.

Rôle de l’entourage social

La compréhension de ces différences sexuées précoces est l’un des thèmes qui ont suscité le plus de travaux dans le domaine de la construction de l’identité sexuée. Il ressort de ces recherches que les attentes, les représentations et les attitudes adoptées par l’entourage social, notamment par les adultes parents et non parents, à l’égard des filles et des garçons sont très différenciées. Le simple fait de connaître le
sexe d’un enfant, qu’il soit fille ou garçon, oriente les représentations que les adultes ont de lu.i.
Dès la naissance, la perception et l’interprétation des conduites de l’enfant par les adultes
dépendent du sexe annoncé, plus encore que de son comportement. Les garçons sont considérés a priori comme robustes, forts et bien bâtis, les filles comme fines, délicates et douces, même lorsque ces avis sont prononcés à propos d’un même bébé. Avant la naissance, les représentations que les futurs parents se font de l’enfant à venir varient selon le sexe de ce dernier. Le sexe est également un organisateur puissant des
conduites, en particulier chez les parents dont les comportements révèlent une nette
différenciation, que ce soit dans la mise en place de l’environnement physique, dans le fait de privilégier des interactions avec tel ou tel type d’objets ou encore d’encourager ou de censurer certaines conduites.

En dépit de ’évolution des mentalités, les univers dans lesquels évoluent les garçons et les
filles sont très largement différenciés dès la naissance (jeux, aménagement de la chambre et habillement), avant même que les enfants soient en mesure d’avoir eux-mêmes des préférences.
Les différences observées se rapportent directement aux stéréotypes traditionnels liés au genre. Mais c’est peut-être dans le cadre des relations entre parents et enfants que les
différences d’attitude se font le plus sentir.

Lorsqu’on observe des parents et leur enfant en situation de jeu avec des jouets masculins, féminins et neutres à leur disposition, il ressort que les parents choisissent préférentiellement les jouets correspondant au sexe de l’enfant pour médiatiser leurs interactions. Ils favorisent également les jeux physiques et moteurs chez les garçons, et sollicitent davantage les filles au niveau interactionnel, en passant par exemple plus de temps à susciter chez elles sourires, vocalisations et interactions sociales. Enfin, dans leurs pratiques éducatives, les parents ont tendance à encourager les activités et conduites traditionnellement considérées comme adaptées au sexe de leur enfant, et à décourager, voire à réprimander celles qu’ils jugent inappropriées.
Dans la plupart des études, les parents apparaissent donc comme fortement différenciateurs, en particulier au cours de la deuxième année, même si certains résultats de ces études divergent. Le père se montre souvent plus attaché que la mère au respect des normes culturelles relatives aux rôles sexués, et ce d’autant plus que l’enfant est un garçon. Là encore, ces résultats doivent être nuancés : de nombreuses variables sont à prendre en compte dans le comportement différenciateur des adultes, comme leur adhésion plus ou moins forte aux stéréotypes sexués, et il faut également tenir compte de la pluralité des influences qui s’exercent sur l’enfant dans Environnement familial (présence de frères et sœurs, exposition aux médias...)

Rôle de l’enfant

Si les adultes orientent les conduites des enfants, ils agissent aussi en réponse à des différences comportementales qui se manifestent entre les garçons et les flles dès leur plus jeune âge. Ainsi, si les garçons sont plus souvent portés et manipulés par les parents durant les trois premiers mois, ils pleurent davantage, dorment moins et sont plus irritables et difficiles à consoler que les filles, cet exemple témoignant de différences dans la réactivité et la régulation émotionnelle des enfants des deux sexes. Malgré une grande variabilité interindividuelle, des différences ont pu être également repérées : au niveau de l’activité motrice, les garçons sont plus toniques et ont un développement postural et locomoteur plus rapide ; au niveau des comportements sociaux, les filles manifestent
très tôt un intérêt pour leur entourage social, qui s’exprime d’abord dans leur communication non verbale (regards, sourires, vocalisations), puis dans leur communication verbale, plus précoce que chez les garçons.

Devenir un garçon ou une fille suppose que l’enfant adopte les conduites appropriées à son sexe dans une culture donnée, mais également qu’il soit capable d’acquérir et d’articuler différentes connaissances relatives à la catégorie sexe : différencier et identifier les personnes des deux sexes, se reconnaître en tant que fille ou garçon et connaître les rôles attribués à chaque sexe. La connaissance fine de ces traits et rôles masculins et féminins n’est guère achevée avant la préadolescence, un premier niveau semblant
néanmoins être atteint entre deux et trois ans : à cet âge, les enfants sont capables d’identifier verbalement ou de classer les personnes — eux- mêmes y compris —, ou encore de distinguer les attributs et les activités selon le sexe.

Ces connaissances semblent en outre être plus précoces encore quand des indices non verbaux sont utilisés pour les repérer : avant un an, les enfants manifestent une attention plus soutenue pour des visages ou des voix de personnes de même sexe qu’eux, ce qui indique qu’ils sont capables de les distinguer. Dès vingt-quatre mois, ils regardent plus longuement des photographies représentant des saynètes qui ne sont pas en adéquation avec les rôles sexués habituels. Ainsi l’enfant traite-t-il et organise-t-il les informations de son environnement, y compris concernant la catégorie sexe, qui est particulièrement saillante.

Dans ce domaine, il est donc essentiel de considérer la construction de l’identité sexuée de l’enfant dans une perspective interactive où il est partie prenante de son propre développement.

Les jouets ont-ils un sexe ?

L’industrie du jouet propose aux plus jeunes un monde fait de rose et de bleu. Elle semble ainsi faire le lit de stéréotypes éculés. 
Problème : les enfants en redemandent. Des petits garçons jouant à la poupée ou à la dînette, des petites filles avec une grue ou une voiture télécommandée…

À l’approche de Noël 2012, le catalogue de jouets édité par les supermarchés Super U détonnait : il était « non sexué ». Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux et les médias s’embrasent : d’un côté, on se félicitait qu’une enseigne rompe enfin avec les stéréotypes. De l’autre, on dénonçait une « propagande » en faveur de la « théorie du genre ».

Les initiatives comme celle de Super U (renouvelée en 2013) restent marginales dans le monde du jouet, ou les clivages filles/garçons continuent de jouer à plein. Et à ceux qui penseraient que ce n’est là que le reflet de la réalité, la sociologue Mona Zegaï (1), qui mène des enquêtes sur les catalogues et leur histoire, rappelle qu’ils n’ont pas toujours été déclinés en pages roses et bleues. Il y aurait même, dans cette catégorisation, une forme de retour en arrière, puisqu’à l’issue des événements de mai 1968, la plupart des catalogues de jouets pour enfants étaient relativement neutres dans un contexte social de promotion de l’égalité des sexes. Le recours massif aux couleurs rose et bleu, indiquant « aux enfants à quel sexe s’adresse tel jouet avant même qu’ils aient appris à lire », n’est apparu qu’au début des années 1990. Les catalogues d’aujourd’hui ressemblent ainsi davantage à ceux des années 1950 qu’à ceux des années 1980 ! 
(...) les jouets, intègrent des stéréotypes qui « dépassent bien souvent la réalité sociale, elle-même déjà inégalitaire », selon M. Zegaï. Ce phénomène est inhérent à l’objectif premier des vendeurs de jouets qui est, par définition, de vendre le plus possible. Les enjeux économiques liés aux jouets sont à l’origine de cet accroissement de la distinction des sexes particulièrement lisible dans les catalogues.

 (...) Tout d’abord, la complexification et la transformation des catalogues à la fin du XXe siècle ont permis, sous l’essor de la photographie, de mettre en scène les jouets. Les industriels ont alors eu recours à des représentations stéréotypées basées sur l’idée d’un certain mimétisme de l’enfant envers le monde des adultes. Les jouets deviennent des objets « pour faire comme maman » ou « comme papa ». Les modèles féminin et masculin, tels qu’ils dominaient alors, ont alors commencé à s’imposer dans l’univers ludique : aux filles le balai, aux garçons le pistolet. 
 (...) La segmentation marketing, qui vise à découper la clientèle en sous-ensembles homogènes, a essentiellement consisté en deux points : distinguer d’un côté des tranches d’âges, de l’autre les filles et les garçons. Elle a ainsi contribué à diffuser les stéréotypes filles/garçons à l’échelle planétaire.


Selon M. Zegaï, la segmentation marketing a entraîné également une polarisation du monde des jouets vers le masculin. En effet, la catégorie des jouets mixtes comme les jeux éducatifs scientifiques, ou d’éveil et développement, mettent en scène systématiquement un garçon lorsqu’un seul personnage est représenté sur la boîte du jouet. Du point de vue marketing, il existe ainsi trois genres : féminin, masculin et « masculin-neutre ».

Cette dernière catégorie, universelle, s’expliquerait, selon M. Zegaï, par l’idée courante chez les spécialistes du jouet d’une « impossibilité pour les garçons de s’investir dans des jouets qui pourraient être perçus comme “féminins” alors que les filles auraient moins de difficulté à franchir cette frontière symbolique ». Cette conception marketing a pour conséquence un manque de modèles auxquels les filles peuvent s’identifier « puisque tout ce que la culture dominante valorise (l’art, la science, la technique, la créativité…) est présenté avec des traits masculins et implicitement réservé aux garçons (2) ». La segmentation marketing ne consisterait pas tant « à diviser un même univers en deux, selon le sexe des destinataires, mais plutôt en la création de deux univers distincts ».

Par Lucien Fauvernier ; Revue Sciences Humaines (extraits).      
Publié le 13/06/2014


NOTES
1. Mona Zegaï, « Stéréotypes et inégalités filles-garçons dans les industries de l’enfance », in Jean Pisani-Ferry, rapport « Lutter contre les stéréotypes filles-garçons », ministère des Droits des femmes, 2014.

2. Philippe Clauzard, Stéréotypes sexistes dans les albums (histoire et décryptage : ce que voient les enfants dans les livres d’images), PEMF, 2010.
3. Collectif, Contre les jouets sexistes, L’Échappée, 2007.
4. Anne Dafflon Novelle, « Pourquoi les garçons n’aiment pas le rose ? Pourquoi les filles préfèrent Barbie à Batman ? », in Véronique Rouyer, Sandrine Croity-Belz et Yves Prêteur (dir.), Genre et socialisation de l’enfance à l’âge adulte, Érès, 2010.
5. Jean-François Bouvet, Le Camion et la Poupée. L’homme et la femme ont-ils un cerveau différent ?, Flammarion, 2012.
6. Simon Baron-Cohen, The Essential Difference. Male and femal brains and the truth about autism, Basic Books, 2003.

7. Voir Marie Duru-Bellat, recension de l’ouvrage de Jean-François Bouvet. http://lectures.revues.org/10098

Leçon-type : Prévention du sexisme, pour conclure

Egalité filles/garçons, cours de prévention du sexisme...

 

 TEMOIGNAGE :

 Quand les enfants contredisent les stéréotypes des marchands : Les jouets ont-ils un sexe ?

 Un matin de décembre, Isabelle Cabat, jeune prof dans une école primaire parisienne, et militante anti-sexiste (1), propose à ses CM2 un exercice passionnant : analyser un catalogue de jouets. Vous savez, ces pages désespérément roses pour les filles, bleues pour les garçons, où l’on offre aux unes des tenues de princesse, aux autres des garages et des jeux « pour sauver le monde ». « Celui qui a fait le catalogue croit peut-être que les garçons aiment sauver le monde » remarque un élève.

 De tâtonnements en confrontations, chacun affine son analyse, tandis que la prof note des mots au tableau : poupées, maquillage, château fort, figurine de guerrier, voiture. En une heure et demie, ces enfants de 10 ans font voler en éclats les univers stéréotypés où l’on prétend les enfermer. Quid des garçons qui aiment jouer au papa avec des poupées ? Et ces filles qui n’aiment pas les jeux calmes et jouent aux sorcières », comme dit Lina ? Certains appuient le stéréotype : « Ce sont les hommes qui partent à la guerre et les femmes pleurent en agitant leur mouchoir tandis que d’autres pensent que les filles peuvent aussi « aimer la bataille ». Celles-là, dit Hervé, tu les tapes, elles te tapent aussi. Une fois reconnues par tous les capacités guerrières des femmes, un garçon insiste : « Sur un champ de bataille, si une fille reçoit une balle, elle va se plaindre parce qu’elle est plus sensible... »

 Pas du tout, lui rétorque une élève, « quand une fille reçoit une balle, elle la renvoie ». La récré-champ de bataille a interrompu le débat.

 Dominique Louise Pélegrin (1) Elle est porte-parole de l’association Mix-Cité (www.mix-cite.org), Télérama Décembre 2003

 SCRIPT DE L’ACTIVITÉ :

 1-Donner à découper aux élèves des catalogues de jouets, la consigne : découper les jouets pour enfants, coller sur une feuille les jouets pour les filles et sur une autre les jouets pour les garçons. Travail par petits groupes de 4 élèves.

 2-Mettre en commun les productions de chaque groupe d’élève, inscrire au tableau dans deux colonnes distinctes les noms de jouets "classés" dans la catégorie "filles" et dans la catégorie "garçons", demander aux élèves de justifier leur classement dans une catégorie, autoriser les réactions des autres élèves, on peut contester une classification à condition de lever la main pour obtenir la parole, pour éviter la cacophonie...

 3-Catégoriser les jouets par genre, ainsi les jeux d’opposition, les jeux créatifs, les jeux déductifs, les jeux sportifs et attribuer en regard leur fréquentation par sexe... demander aux élèves, "est-ce que seuls les garçons peuvent jouer avec des soldats, seules les filles avec une dinette ?", reprendre les premières réactions du point 2, lancer une discussion sur l’attribution sexuelle des jeux.

 4-Demander à partir des observations des élèves de "refaire" des affiches qui conviennent mieux à ce qui a été débattu, donner d’autres catalogues à découper...

 5-Selon les productions obtenues affichées, demander aux enfants des commentaires, "est-ce que ce jeu ne peut vraiment pas concerné les garçons ? et celui ci ne peut-il intéresser les filles ?", existe t-il un jeu qui plairait également aux garçons et aux filles sans aucun doute ? Introduite la notion d’ "unisexe", de jeu unisexe, de mode unisexe, ouvrir la discussion sur la différence fille/garçon, l’inégalité fille/garçon, la suprématie masculine sur le féminin en bien des domaines

Eléments de recherche sur les relations Filles / Garçons

 

- LE CONTRÔLE DE LA CLASSE “La différence de comportement des enseignant[e]s doit être comprise avant tout dans le contexte des contraintes que nécessite le contrôle de la classe. On a suggéré que les filles réagissaient aux activités qu’elles n’aimaient pas par des formes individuelles et souvent invisibles de résistance. Quand les garçons s’ennuient ou trouvent qu’on ne s’occupe pas assez d’eux, ils réagiront vraisemblablement en troublant le rythme régulier du cours. Ainsi, les professeurs sont entraîné[e]s inévitablement à se consacrer surtout aux garçons pour maintenir un semblant d’ordre dans la classe à moins qu’ils n’aient élaboré une stratégie pour résoudre ce problème”. (M. Stanworth, Le sexisme caché à l’école, Université des femmes, 1986)

- RÉUSSITE ET CONFIANCE EN SOI S’intéressant au phénomène de la moindre confiance des filles de classes primaires confrontées à des tâches intellectuelles, deux chercheuses américaines ont constaté que celles-ci, recevant moins d’évaluations négatives, étaient plus réceptives à des commentaires négatifs alors que les garçons rôdés aux critiques se montraient plus sensibles aux louanges. Il est apparu en outre que les filles sous-estimaient leurs chances de succès, avaient tendance à expliquer leur réussite par la chance et interprétaient l’échec comme le résultat de leur incompétence personnelle. Les garçons, par contre, surestimaient leurs chances de réussite, attribuaient leur réussite à leurs compétences et leur échec au professeur ou à leur manque de travail. (C.S. Dweck et B.G. Light, Sex Differences in Achievement Orientations, in Sex differenciation and Schooling, M. Marland ed., London, 1983).

- LES JEUX Selon Claude Zaïdman, les garçons et les filles reproduisent dans la cour la séparation sexuellement codée entre l’espace public et l’espace privé et rejouent des scénarios appris ailleurs. Les garçons apprennent là à explorer et investir physiquement l’espace et à se situer face aux autres grâce au conflit tandis que les filles restent en marge, s’excluent de la confrontation et leur proximité physique est déjà empreinte de comportements d’aide et de soutien. C’est ainsi, conclut l’auteure, que les jeux sexuellement différenciés tendent à préparer les enfants à des comportements de domination et de sujétion. (C. Zaïdman, 1996, L’école primaire en France, L’Harmattan, Paris)

- LA GYM “Avec la gymnastique par exemple, on peut développer la prise de risque ou l’esthétique, l’idée est de permettre à chacun[e] de s’approprier l’activité dans toute sa dimension, c’est-à-dire faire accéder les garçons à de plus en plus d’esthétisme et les filles à de plus en plus de prise de risque pour permettre rencontre, compréhension et construction identitaire en dehors des normes culturelles dominantes. La vigilance de l’enseignant[e] est nécessaire pour obliger les élèves à travailler tous les rôles dans l’activité mais aussi autour de l’activité : arbitrer, installer le matériel, tenir les secrétariats, les feuilles de matchs.” (Claire Pontais, 2002, Hebdomadaire du Syndicat National Unitaire des instituteurs, n°230, Octobre 2002).


Bibliographie sur le thème : égalité et mixité en France :

º Baudelot C. et Establet R., 1992, Allez les filles !, Paris, Le Seuil. º Commission française pour l’UNESCO, La formation scientifique des filles : un enseignement au-dessus de tout soupçon ?, Ed. Liris. º Duru-Bellat M., 1990, L’école des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux ?, L’Harmattan. º Mosconi N., 1989, La mixité dans l’enseignement secondaire : un faux-semblant ?, PUF, Paris. º Mosconi N., 1998, Egalité des sexes en éducation et formation, PUF, Paris. º Zaïdman C., 1996, L’école primaire en France, L’Harmattan, Paris.

Quand la littérature enfantine tend le balai aux filles


Mais comment les rôles sexués se construisent-ils ? Carole BRUGEILLES, Isabelle CROMER et Sylvie CROMER ont étudié un des instruments possibles de cette construction : les albums illustrés pour enfants. Les personnages qui les peuplent sont principalement des enfants – garçons et filles – et des parents – pères et mères – que l’on voit dans leurs activités quotidiennes, avec des attributs et des qualités éventuellement bien différenciés selon le sexe. Même les animaux, réels ou imaginaires, humanisés ou non, ont souvent un sexe… Enfin, les auteurs des albums sont, eux aussi, des hommes et des femmes, ce qui peut influencer le choix des personnages et de leurs caractéristiques.

Les albums illustrés bombardent les enfants de stéréotypes. En France, 60% des pédiatres sont des femmes. Pourtant, sur 21 livres d’enfants présentant des médecins, 20 ne montrent que des hommes. 75% des mères travaillent, mais, dans ces mêmes livres, leur activité professionnelle n’est évoquée que dans 5% des cas. Voilà quelques chiffres de l’enquête réalisée par l’association Du côté des filles. Pour s’assurer que le sexisme dans la littérature enfantine n’était pas une vue de leur esprit féministe, AdelaTurin et Sylvie Cromer ont passé au crible 537 albums illustrés édités en 1994 par 46 éditeurs différents. Le résultat est sans appel : les personnages masculins dominent en raflant plus des trois quarts des titres. Les personnages féminins sont toujours accompagnés d’enfants ou de symboles ménagers. 28,5% seulement des hommes sont papas. Et c’est un beau rôle : intelligents, ils instruisent leurs enfants. Pendant ce temps, maman marne. Disponible, elle est à la maison, occupée aux soins des enfants et au ménage. La deuxième partie de l’étude prouve que les enfants intériorisent ce qu’ils lisent. Du côté des filles leur a soumis des images d’ours dans différentes situations. Pour eux, l’ours affalé dans un fauteuil ou assis sur une chaise en train de lire un journal est un papa. « On a beau lui mettre un bébé sur les genoux ou un collier de perles autour du cou, certains enfants n’en démordent pas ! », remarque AdelaTurin. En revanche, l’ours portant un tablier simple, sans fanfreluches, même affublé de traits masculins, est forcément une maman. Autre symbole : l’attachécase. Au bras d’un homme, c’est celui d’un homme d’affaires ou d’un PDG. Lorsqu’une femme le porte, elle est institutrice ou secrétaire. Si elle est accompagnée de ses enfants, le cartable devient sac à main ou cabas. Que font l’homme et la femme après avoir posé leur attaché-case ? « Lui, il regarde la télé. Elle fait le ménage. Parce que les femmes ont horreur de rentrer dans une maison sale », dit Emilie. « Et si la maman est fatiguée ? », tente l’enquêtri-ce. « Il faut bien qu’elle fasse la cuisine ; sans ça, elle, son mari et ses enfants resteraient sans manger », objecte Marisa.

Article de recherche sur les représentations du masculin et du féminin dans les albums, Cromer

Texte support sur le sexisme

Vers le mec déconstruit ?
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