Du désir d'apprendre et conceptualiser
Apprendre oui mais avant tout conceptualiser. Et comme cela exige des efforts, du désir d'apprendre est incontournable !
Étymologie: Apprendre vient du latin populaire apprendere, issu du latin classique apprehendere: prendre, saisir, attraper par l’esprit
Définition du Larousse : Acquérir par l'étude, par la pratique, par l'expérience une connaissance, un savoir-faire, quelque chose d'utile : Apprendre l'anglais. Un enfant qui apprend facilement.
Enseigner à quelqu'un quelque chose, lui faire acquérir une connaissance, un savoir-faire, une expérience : Il essayait de leur apprendre le dessin
Apprendre revient à saisir par l’esprit, acquérir des connaissances. C'est s'acculturer à un ensemble de savoirs partagés par une communauté de spécialistes ou la communauté humaine. Apprendre n’est pas recevoir, mais construire par soi- même des connaissances, des savoirs, savoir-faire, expériences qui vont se transformer et restructurer l’ensemble de l’individu. Outre, les définitions comme s’instruire, s’élever, s’initier, nous préférons celle de formation de concept. Apprendre c'est former des concepts, c'est généraliser et transférer. C'est comprendre, prendre avec soi selon les procédures piagétiennes d'assimilation et d'accommodation.
Apprendre renvoie aux notions de compréhension, de savoir, d’élaboration des concepts, de passage à l’abstraction.
Conceptualiser revient à élaborer un concept : on parle de conceptualiser une notion, de conceptualiser une théorie ou une action. La conceptualisation est l'action de former ou organiser des concepts.
Qu’est-ce qui distingue le concept de l’idée ? Pour certains, la spécificité du concept réside dans une certaine prétention à l’objectivité, à l’universalité. Cette dernière est déterminée par son efficacité, par la possibilité de son utilisation et par son utilité. Le concept exige la clarté pour être un concept, de même son utilité se doit d’être manifeste. Sa définition n'admet pas de nuances à l’infini. À l’instar d’une fonction mathématique, le concept doit permettre de résoudre un problème, il ne peut pas exister pour son propre intérêt. S’il ne peut faire l’économie de la précision, il ne peut, non plus, et surtout pas faire celle de l’application. Ainsi, aussi singulier le concept, son opérativité est déterminante et lui accordera un statut d’universalité. Pour émerger d’une pratique empirique, on tente de conceptualiser l’action ou la pensée particulière et ainsi faire émerger un concept défini. Il s'agit finalement d’abstraire ce qui est essentiel et commun aux divers cas de figure possibles pour définir le concept. Il s’agit ainsi de sortir de la narration, de l’opinion et du concret pour entrer dans l’analyse et la construction conceptuelle.
Le concept est un outil, un instrument de pensée, une invention, comme celle de l’ingénieur. On peut dire que si l’idée est une représentation, si la notion est une connaissance, le concept est donc un opérateur. Le concept permet de résoudre un problème, qu'il soit empirique ou théorique.
Le concept doit permettre de répondre à une question, et surtout de pouvoir établir des liens et ainsi obtenir des classifications ou des catégories opératoires. On peut répondre alors aux questions : qu'est-ce qui fait que ces deux ou trois choses sont semblables ou non ? qu'est-ce qui les différencie ? quelle est l'action qui relie ces deux objets ou ces deux idées ? À partir de cela, un certain nombre d’exercices favorisent le travail de pensée, le travail de conceptualisation : Qu’y a-t-il de commun entre... Quel rapport y a-t-il entre... Qu'est-ce qui donne du sens ?
Conceptualiser, c'est chercher à penser en réseaux, c'est penser comme une carte heuristique (carte mentale). C'est rechercher des points de jonction, de frottement, des "prises négatives ou positives". Interrogeons-nous dès lors sur : ce que le concept nie, ce qu’il refuse, ce qu’il prétend rectifier.
La clarification du concept est absolument nécessaire : on peut le travailler en faisant appel à ses contraires, en cherchant à l'expérimenter ou à l'illustrer. Dans tous les cas, c'est plus l'ouvrage de conceptualisation, l'exercice de la pensée qui est l'enjeu. Savoir articuler et développer une pensée singulière pour former un concept est une pratique qui mérite moins d'opacité et davantage d'ostentation, voire d'enseignement. Il s'agit de savoir mettre à l'épreuve le concept, de tester son universalité et son efficacité dans une ou plusieurs situations, de vérifier sa pertinence et ses limites, d'observer sa plasticité ou, au besoin, la nécessité de le changer car inadéquat ou inefficace pour résoudre un problème.
La conceptualisation est toujours abstraction et généralisation. C'est un processus d'élaboration d'une connaissance relativement stable d'un aspect du monde. Par exemple, un élève élabore le concept de force. Pour certains, il s'agit d'un processus très proche de la compréhension, mais alors que la compréhension est conjoncturelle et attachée à une situation, la conceptualisation est plus pérenne et générale, parce qu'elle est mobilisable dans différentes situations.
La conceptualisation est fondée sur un triple processus :
- le repérage de traits communs correspondant à la construction de la catégorie (ce sont des objets qui partagent une caractéristique que d'autres objets n'ont pas, formant ainsi une catégorie);
- l'élaboration d'une étiquette de la catégorie (les objets de cette catégorie se nomment x, ils ressemblent à x, ils correspondent à tel stéréotype, à tel exemple modèle);
- l'établissement de relations avec d'autres concepts (par exemple, le concept x est une sous-catégorie du concept y) à partir de critères de caractéristiques, de ressemblances...
"Brennifer prend l'exemple du concept de "verre" qui lie tous les verres entre eux, en dépit de leurs nombreuses différences. "Il doit aussi lier deux termes d’ordre différent entre eux. Ainsi le concept de verre relie le boire à l’eau, en tant que moyen par exemple. Cette idée de rapport correspond à un raisonnement tout à fait ordinaire. Mais une bonne part du travail de l’enseignement philosophique est de rendre l’élève conscient de l’ordinaire, le rendant spécial, lui donnant du sens au-delà de l’évidence. C’est ce qui caractérise le concept et la conceptualisation. Quel est le lien entre verre et eau ? Le verre contient l’eau. Au-delà de la réponse intuitive, il s’agit de réaliser que l’on a fait intervenir un nouveau concept : contenir". Entre les différents verres, il s’agit d’un autre rôle, d’un autre type de lien : la généralité, ou l’abstraction, la catégorisation qui regroupe les entités de qualités semblables, plutôt que l’opération de relation, causale ou autre. Peut-être avons-nous là une autre possibilité de distinction entre l’idée, plus proche de la catégorie, et le concept. Toutefois, il s’agit aussi d’une opération, mais plus qualitative que fonctionnelle".
" La question cruciale la plus immédiate à traiter nous semble donc la deuxième partie évoquée : reconnaître le concept que l’on utilise intuitivement, en son statut d’opérateur de pensée. Penser une chaise après l’autre rend impossible toute démarche scientifique, car un tel fonctionnement est négation de toute universalité, ou au moins de toute généralisation. Or cette universalité ou cette généralisation, qui nous permet d’appréhender l’univers, est un produit de l’esprit : une construction, une intuition, etc. Cette chaise-ci, spécifique, je peux la toucher, la voir, m’asseoir dessus, etc. Les sens servent de point de départ, d’outil de vérification de ce qui est exprimé. À l’extrême, je n’ai même pas besoin du terme pour m’exprimer : je peux montrer du doigt. Le concept (ou idée) de chaise, lui, privé de tels éléments, repose sur un accord tacite : l’autre est censé savoir de quoi je parle, sans possibilité immédiate de montrer et de vérifier empiriquement. Premier type de problème : le cas limite s’applique-t-il ou pas ? Le tronc d’arbre sur lequel je m’assieds est-il une chaise ou pas ? Et une caisse en bois ? Cette situation nous oblige à reconnaître que la chaise n’est pas un objet particulier, elle n’est pas une évidence : elle est un produit de l’esprit, qui comme tout produit de l’esprit connaît ses limites. Nous oscillons ici entre reconnaître et créer : me confronter aux cas limites oblige à préciser le concept, à le sortir de son statut de pure intuition, à le conceptualiser. Exemple : la chaise se définit-elle par sa forme ou par sa fonction ? Selon le cas, si une chaise est définie par son utilité : s’asseoir, alors le tronc est une chaise. Si elle est définie par sa forme : elle exige des pieds et un dossier, et le tronc n’est pas une chaise. L’opérativité est ici soit une fonction, soit une forme, ou les deux ensemble : cette précision est ce qui pourrait distinguer une idée d’un concept. En émettant le principe que l’idée est plus générale, ou plus subjective que le concept. Bien que l’exigence de définition, inhérente et nécessaire à l’idée, nous rapproche énormément du concept. Proposons l’hypothèse suivante, afin de distinguer concept et idée. L’idée se rapporte plutôt à une entité générale, elle se réfère plutôt à un en soi, alors que le concept est plutôt une fonction, ou un rapport. Si l’idée se cantonne à l’intuition et à la définition, le concept s’intéresse plutôt à l’utilisation." Oscar Brennifer
http://www.pratiques-philosophiques.fr/la-pratique/principes-de-la-pratique/competences/
Institut de Pratiques Philosophiques - Oscar Brenifier, philosophe praticien
Socrate le taon, Socrate le chien de chasse, Socrate la torpille. Comme son maitre, Oscar Brenifier questionne sans relâche son interlocuteur. Il pose des questions courtes et précises. Il exige des