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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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- L’ergonomie est arrivée en France depuis les États-Unis au début des années 1950, à la suite de la Seconde guerre mondialeLa médecine du travail est considérée comme l’ancêtre de l’ergonomie avec la psycho-technique, les tests de performance de Binet. La psychologie sociale américaine, l’expérience de Hawthorne et de général electric ont posé des premiers jalons de réflexion. L’ergonomie a toujours été une discipline composite et appliquée (économie, gestion, sociologie, psychosociologie). Pour l’ergonomie, il s’agit d’améliorer les conditions de vie de l’individu au travail. 

- L’analyse ergonomique des conditions de vie de l’individu au travail vise des perspectives d’amélioration. La psychologie du travail a développé des théories et outils pratiques pour œuvrer. On parle d’ergonomie cognitive ou psychologie cognitive ergonomique, d’ergonomie corrective, d’ergonomie organisationnelle, d’ergonomie matérielle. 

- Les pères fondateurs de l ‘ergonomie sont Ombredane, Faverge, Leplat. Selon Faverge, le travail c’est d’abord une conduite, on dirait aujourd’hui une activité. Travailler c’est toujours prendre de l’information sur l’objet du travail, c’est coder et traiter cette information et puis c’est agir en conséquence. C’est aussi s’ajuster à une situation de travail qui peut être variable. Ici la notion de schème prend toute sa valeur : prise de l’information à partir d’un invariant opératoire ou de représentation mentale, inférence ou calcul en situation pour un ajustement en action. Voir le modèle de Rasmussen. 

 

        Prendre de l’information ->   Perception 

                            /

                Faire un diagnostic 

                             /

                  Ajuster. Son action ->   Gestes ajustés

 

- Faverge a développé ses travaux dans le cadre du traitement de l’information selon les perspectives de la psychologie cognitive. La notion piagétienne d’équilibration affecte cette perspective. L’intérêt est de cerner l’intelligence du travail ou la conceptualisation des situations de travail qu’il soit manuel ou psychologique. 

- Faverge analyse le travail selon 4 points de vue :

- L’approche en termes de gestuelle

- l’approche en termes de prélèvement d’informations

- l’approche en termes de régulation, régulation rétroactive (régler son action en fonction des résultats - cible) ou régulation proactive (anticipation, repérage des difficultés, les réactions en fonction d’elles...). 

- l’approche en termes de processus de pensée (stratégies opératoires, adaptation singulière...).

- Pour Leplat, le travail prescrit est différent du travail réel, avec une première distinction entre tâche et activité. La tâche est un but dans des conditions déterminées (Définition de Leontiev).

- Ce qui définit bien la tâche de travail, c’est son but. Selon Leontiev, on peut analyser l’activité humaine selon 3 points de vue :

- le point de vue de l’activité : c’est la manière dont le sujet investit son travail, avec une dimension subjective. Elle est définie par un motif, un mobile, une intentionnalité. Comment une situation s’adapte à l’acteur ? L’ergonome effectue une analyse de l’activité. 

En termes d’action, l’activité est définie par son but dans une dimension objective. 

- le point de vue de la tâche renvoie à une dimension objective du travail à effectuer avec des buts et objectifs relatifs à une prescription de travail. Le but comprend des sous-buts ou objectifs structurant l’action du point de vue de la tâche. Comment un acteur s’adapte-t-il à la situation ?

- les opérations comprennent les modalités d’effectuation de la tâche. Comment la tâche est-elle organisée ?

Les tâches selon Leplat s’organisent en tâche prescrite : ce que l’opérateur doit faire. On peut interroger l’opérateur : que faites-vous et comparer avec la prescription. Il en fait moins ou plus que ce que dit la prescription. La tache redéfinie est ce que j’ai compris de ce que je dois faire, de ce que la prescription de travail me dit de faire. L’ergonome observe l’écart entre ce qu’il dit de ce qu’il fait à partir de ce qu’on lui demande faire et ce qu’il fait réellement. La tache effective est ce que l’acteur fait réellement. 

Notons qu’il existe toujours un écart entre la tâche prescrite et la tâche effective. Les écarts sont autant d’indicateurs pour comprendre l’organisation du travail. On ne peut faire une analyse de l’activité sans une analyse préalable de la tâche qui conduit ipso facto à l’analyse de l’activité. Car il faut identifier les intentionnalités du sujet qui travaille. 

Il convient de ne pas confondre l’activité réalisée et le réel de l’activité qui est ce que le travailleur aurait voulu faire (Yves Clot), c’est son rêve de l’activité de travail. 

L’analyse de la tâche prescrite et l’analyse de l’activité permet de comprendre comment le sujet adapte la situation à lui-même, comment il investit son travail prescrit.

Leplat définit la structure cognitive de la tâche comme des éléments essentiels à prendre en compte dans la situation pour atteindre le but que définit la tâche. Pierre Pastré parle de structure conceptuelle de la situation. Alain Savoyant a fait reconnaître en France les acquis de la psychologie russe avec des auteurs comme Leontiev, Galperine ou Ochanine. 

- Leontiev distingue les niveaux d’action, d’activité et d’opération.

- Ochanine est connu pour son concept d'image opérative. Son travail part d’une expérimentation sur la pathologie de la thyroïde, il s’aperçoit que la représentation des spécialistes experts est moins fidèle que celle des novices, car les experts ont une représentation déformée, une représentation fonctionnelle avec une hypertrophie des éléments ou indices pour l’action. Il en déduit ainsi qu’une image opérative est toujours finalisée, sélective, déformée par les indices d’action. C’est une reconstruction d’un savoir académique pour se créer des outils de diagnostic. Cette image est plastique. En revanche, l’image cognitive est une description de la réalité avec précision telle qu’elle est, c’est la réalité académique des choses. L’image opérative est bien une image d’une représentation pour l’action, pour effectuer un diagnostic et s’adapter à la situation de travail. D’une certaine manière, il y a une transformation des connaissances initiales qui sont devenues des outils de diagnostic. C’est de la science orientée en direction des diagnostics. La notion d’image constitue un intermédiaire entre la perception et le concept.

Plusieurs étapes : les novices prennent de l’information, accordage opératoire, fixation de l’image opérative, c’est-à-dire sélection d’éléments essentiels, mais que l’avenir peut réinterroger, mettre en question, besoin de plasticité.

Cela nous amène à concevoir l’existence de deux formes de connaissances, une connaissance opérative ou procédurale et une connaissance prédictive ou déclarative.

- L’intelligence de la situation est une capacité à tirer son épingle du jeu dans une dramaturgie de la situation. C’est la capacité à savoir jouer avec les circonstances, à s’adapter aux situations, car on y observe des propriétés, des objets, des relations, des possibilités d’ajustement. Il se joue la différence entre le schéma qui est structuré, rigide et le schème qui est une structure souple et adaptative définissant l’organisation en invariant d’une activité dans une classe de situation donnée. L’intelligence de l’action s’effectue entre invariance, conceptualisation, capacité à s’adapter aux situations. 

- L’intelligence et la connaissance sont d’abord adaptation. L’intelligence est adaptative, d’où l’expression de Gérard Vergnaud, au fond de l’action, la Conceptualisation. Le développement professionnel s’effectue dans des champs conceptuels avec des classes de situation, au moyen de schème donnant la possibilité d’une capacité à s’adapter à une situation. 

- Cette théorie repose sur une approche piagétienne avec les notions de prise de conscience. Piaget avait remarqué que la réussite précède la compréhension en bien des cas. Le jeu de la fronde est un exemple : le projectile qu’on fait tourner et qu’on lâche. Il existe un invariant, lancer la boule au point de tangente. Or l’enfant pense lancer juste devant le « but ». Il se trouve que la compréhension de la réussite est très longue, c’est comme lié au développement cognitif de l’enfant. L’enfant ne dit pas ce qu’il a fait, il dit ce qu’il croit avoir fait. Souvent les opérateurs ne disent pas ce qu’ils font, mais ce qu’il croit avoir fait (Vermeersch). Il y a un écart important entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font. L’action est une connaissance autonome selon Piaget. Dès le stade de la réussite, même sans compréhension, il y a déjà de la conceptualisation. C’est parce qu’on agit, ajuste son action, que la connaissance se construit. C’est de la connaissance en acte. Il n’y a que la résolution de problèmes qui permette d’observer le fonctionnement de la conceptualisation, à partir des postulats théoriques de la psychologie cognitive. Le processus piagétien d’équilibration nous conduit à comprendre que pour atteindre le but, une personne doit tirer parti de ses erreurs et aussi tirer parti de ses réussites.

- La notion de schème est facilitatrice pour comprendre les enjeux au travail, car elle repose sur une recherche de régularités dans la conceptualisation de l’action. Le schème figure une organisation interne de l’action qui est efficace, reproductible, adaptable et analysable. Le fait qu’elle soit adaptable est l’indice même de la conceptualisation présente dans l’action.

- Le moment de la prise de conscience est un moment de conceptualisation entre coordination agie (la réussite) et coordination conceptuelle, c’est-à-dire la réussite plus la représentation de celle-ci, soit la compréhension qui donne un potentiel énorme au sujet.

Avec Galperine nous avons trois types d’opérations :

–les opérations d’exécution d’action : C’est l’ensemble des opérations observables qui tendent vers un but

–les opérations de contrôle de l’action : C’est s’assurer qu’une opération d’exécution a bien atteint son but, on modifie ou ajuste alors les opérations d’exécution en fonction de ce contrôle.

–les opérations d’orientation de l’action : ce sont les diagnostics de la situation qui vont permettre d’orienter l’action et de l’évaluer.

- Pour faire exécuter, on donne le mode opératoire, on contrôle le but de l’activité, on repère des indices de diagnostic, on ajuste les opérations d’exécution en fonction du diagnostic et du but à atteindre. Dans l’analyse du travail, les opérations d’exécution et de contrôle sont relativement accessibles. Le plus difficile est de repérer l’opération d’orientation avec la dimension cognitive de toutes les opérations, y compris manuelle. Par exemple lorsqu’on fait du calcul mental, il existe des opérations d’exécution mentales pour atteindre le but et des opérations d’orientation c’est-à-dire la manière de poser le problème, la manière stratégique d’opérer, c’est-à-dire la stratégie pour réussir son calcul mental.

L’élaboration de l’action renvoie à la base d’orientation utilisée pour orienter l’action, et il faut savoir ce qu’il faut faire et savoir le faire : c’est l’assimilation de l’action (Savoyant). 

- Lorsqu’on agit, il y a toujours une base d’orientation qui va permettre d’établir un diagnostic de situation, une prise de l’information sur la situation par le regard, par des questions… Le problème d’un acteur est qu’il faut qu’il s’ajuste finement ce qu’il a prévu de faire à la situation qu’il observe. Le sujet doit avoir un modèle mental de la situation comme base d’orientation ou une structure conceptuelle de la situation, c’est-à-dire des éléments essentiels qui vont permettre d’établir un bon diagnostic pour l’action et l’adaptation de l’action. 

- Parfois la base d’orientation se révèle incomplète, dans d’autres situations, elle est complètement conforme. L’exécution et le contrôle relèvent de l’assimilation de l’action. On apprend par l’action en répétant jusqu’au moment où l’on a assimilé l’action et qu’elle est automatisée. Mais le contrôle n’est pas pour autant automatisable. (Voir la conduite automobile). 

Le contrôle se déplace du centre de l’action vers la périphérie et devient ainsi expert, on contrôle toujours la périphérie pour maintenir des ajustements à l’action.

- Pour Piaget, l’action est une connaissance autonome. La réussite précède la compréhension. L’action possède sa construction interne. Les schèmes provoquent la coordination de perception et gestes ; c’est une certaine coordination interne de l’activité. La prise de conscience est une conceptualisation. Il existe deux types de coordination : la coordination agie qui renvoie aux compétences incorporées et la coordination conceptuelle qui distingue actions et opérations. Un élargissement au futur, au lointain, au virtuel, aux stratégies d’ensemble.

- Il y a toujours une forme de connaissance qui est un organisateur de l’action. Un certain nombre de connaissances s’élabore dans l’action, lorsque les acteurs reprennent confiance, ils perfectionnent leurs actions, et les conceptualiser leur donne un nouvel envol. La connaissance n’est pas seulement verbale, mais opératoire. Elle est dans l’action. La connaissance organise, adapte l’action. Le fait de comprendre comment on fait une action est un travail de conceptualisation. On passe de la coordination agie (les compétences incorporées) à la coordination conceptuelle par la prise de conscience. La coordination agie est matérielle et causale, les schèmes opératoires sont mobilisés dans l’action, un schème sensori-moteur organise l’action (c’est-à-dire une coordination perception et gestes), on observe une faible anticipation et une stratégie de proche en proche : c’est le mode du réussir. Avec le mode du comprendre, c’est-à-dire les coordinations conceptuelles selon Piaget, on procède par implications signifiantes, à partir de la prise de conscience apparaît le phénomène de la représentation. Les invariants opératoires sont présents dans l’action et dans la représentation de l’action en tant que schème et dans la représentation en tant que concept. On distingue les transformations dans le réel et les opérations dans la représentation. On va faire la différence entre les opérations matérielles et les opérations mentales qui sont des représentations, des opérations. Les stratégies sont globales avec de réelles anticipations.

Comment s’effectue la prise de conscience ? On passe de la périphérie vers le centre. L’invariant opératoire est un élément conceptuel qui va être un organisateur de l’action, d’une action, d’un ensemble d’actions. Régine Douady fait la différence entre concepts outils à partir de quoi je fais et concept objet à partir de ce que je pense. 

- Les catégories selon Kant aident à structurer le réel et à agir sur le réel. La construction du réel chez l’enfant, le bébé à sa naissance ne dispose pas de concept de permanence de l’objet selon le temps d’attention, la fixation. À la naissance, le bébé ne cherche pas un objet qui a disparu, il faut attendre deux ans pour que les enfants croient que l’objet continue d’exister même s’il ne le voit plus. L’enjeu est de construire un invariant opératoire qui va exister même lorsqu’on ne le voit plus. C’est la théorie de la substance d’Aristote. Dès lors les enfants vont pouvoir construire une théorie du déplacement des objets. En même temps que la permanence se met en place un système de déplacement, de transformation. Un invariant n’est pas une constante, mais c’est une dimension qui permet de supporter les transformations. Un invariant permet de rendre calculables les transformations, permet d’anticiper. C’est un élément stable à partir duquel on pourra mettre en place un système de transformation. Le schème permet d’articuler invariance et adaptabilité. C’est un système d’organisation qui permet l’adaptation souple de l’action, qui permet la plasticité dans les actions professionnelles ou du quotidien. Les invariants sont les supports du système de transformation.

- L’invariant est un organisateur de l’action. Il est un support du système de transformation. On peut interroger sur quel invariant opératoire repose une profession selon diverses situations. Analyser un domaine professionnel en termes d’invariants opératoires ou en termes de concepts pragmatiques permet de mieux comprendre le métier et former les professionnels. La conceptualisation dans l’action organise l’adaptation du sujet aux transformations du réel. Les concepts pragmatiques sont des organisateurs de l’action. Nous avons donc un modèle opératif qui répond à la question comment je conduis et il y a un modèle cognitif qui répond à la question comment cela fonctionne, on regarde alors l’objet, les propriétés de l’objet, les relations entre les objets. Ce sont deux formes de la même connaissance, deux formes qui dialoguent entre elles. 

- L’opératif renouvelle le cognitif en lui posant des problèmes, en le ré interrogeant. Le cognitif interroge les automatismes qui font aller dans le mur parfois lorsque les situations changent trop et qu’il est difficile de s’adapter. Le concept de schème, c’est l’idée que l’action humaine est efficace, reproductive, adaptable, intelligible donc analysable. En conséquence, l’action humaine est organisée. Un schème n’est pas un stéréotype, c’est une possibilité d’adaptation. On définit le schème comme une organisation invariante de l’activité pour une classe de situation donnée. C’est l’organisation qui a une structure invariante, l’activité est adaptée. Il existe quatre éléments dans un schème dans un schème : un but, des étapes, des règles d’action, des invariants opératoires qui sont des concepts en acte ou des théorèmes en acte, des inférences en situation. Notons bien que si le schéma est une structure rigide, le schème est avant tout plasticité, structure plastique d’une organisation. Il articule la connaissance et l’action pour Piaget. Chaque situation, chaque action est singulière, alors nous sommes bien obligés de faire des inférences, de s’ajuster à des singularités de l’action en lien avec des variabilités de la situation. Il y a véritable couplage entre l’action et la situation. Les concepts en acte sont d’origine pragmatique les théorèmes en acte sont épistémiques, ils conduisent à l’exercice de la pensée des choses possibles et impossibles, à tenir pour vrai jusqu’à ce que la contradiction les tienne pour faux.

- Selon Pastré, il apparaît que l’apprentissage professionnel est beaucoup plus important dans le débriefing que dans la répétition de l’action. Le débriefing d’une action permet d’apprendre davantage par l’analyse après coup de l’action que par l’exercice même de l’action. Il est aussi possible de construire un récit, une intelligibilité temporelle, une sémantique de l’action dans l’après-coup. Ce qui permet d’essayer de comprendre ce qui s’est passé. On retrouve ici le concept de rétroduction d’après Paul Veynes. Puis on fine d’anticiper dans d’autres situations à venir plus ou moins identiques. 

- La structure conceptuelle de la situation est une notion ouverte, il peut être nécessaire d’élargir sa catégorisation dans une situation évolutive. La théorie évolue, de nouvelles données font évoluer la théorie. À compétences égales, il existe des gens qui ont des stratégies différentes qui aboutissent cependant à des buts comparables.

- Comment l'organisation du travail permet-elle aux individus de favoriser l'acquisition des compétences ? existe-t-il des facteurs organisationnels qui permettent d'entrer dans une logique de professionnalisation plus que de formation, qui permettent de passer du développement des compétences à la capacité à développer des compétences ? Qu'est-ce que les gens apprennent dans les groupes de travail ? Quel est le rôle de la métacognition dans les échanges sur le travail ? Comment prendre de la distance réflexive par rapport au travail vécu ? Cela porte-t-il une valeur ajoutée au développement des compétences ? Quelle est la place de l'analyse réflexive dans le développement de compétences des professionnels ? L'élargissement du contexte influe-t-il sur la manière de travailler ? Au travail quelle est la part de transmission sur le travail qui est formel et informel ? De quelle manière le compagnonnage avec les collègues de travail paraît-il de développer des savoir et savoir-faire ou savoir-être au travail ?

- Quelle est la différence entre apprendre le travail et apprendre du travail ? Apprendre le travail consiste-t-il à acquérir les bases ou les règles fondamentales sans lesquelles il n'est possible de travailler dans un secteur professionnel ? Apprendre un métier consiste-t-il à acquérir les schèmes professionnels basiques ? Notons que le schème est l'unité de base de l'action elle-même tandis que le concept est l'unité de base de la pensée. Le schėme est l'organisation de l'activité entre diagnostic et stratégie, ajustement de l'action. Le schėme articule la prise d'information permettant un diagnostic puis un ajustement de l'action.  Le schėme permet d'agir en fonction des informations retenues, il permet de réguler l'activité de travail en se référant à des indicateurs significatifs et des concepts organisateurs du travail comme autant d'éléments stables de la situation professionnelle. 

- De l'analyse de l'erreur pour comprendre le travail ou plutôt de l'analyse cognitive de l'erreur : vous vous dites, mais pourquoi s'intéresser à l'erreur ? Pour une interprétation en terme cognitif, est-elle le symptôme d'un dysfonctionnement ? L'erreur peut participer au contrôle de l'activité de travail, car l'erreur est souvent due à un écart à une règle. Elle offre des opportunités de régulation de l'activité.

- la construction de l'expérience professionnelle n'existe qu'en en parlant après de cette expérience, c'est le débriefing sur une activité professionnelle qui permet du développement de l'expérience, de l'apprentissage expérientiel.

- la régulation mentale se présente comme une simulation psychique à base d'images. Ochanine insiste beaucoup sur la dimension image, une image opérative qui constitue une représentation fonctionnelle, en termes de modèle. Le modèle se nourrit d'une théorie, mais c'est un outil pour interpréter, donner du sens. Modèle opératif, représentation, image forment un ensemble. Selon Ochanine, ce qui caractérise une image, c'est qu'elle a une double fonction : une fonction opérative, car elle fournit des informations pertinentes sur les actions et une fonction cognitive grâce à une catégorisation avec notamment des classes de situation.  Il existe une dimension perceptible, concrète, et en même temps une dimension abstraite dans la notion d'image. Cela permet d'articuler une dimension abstraite et concrète. Ce qui garantit une dimension scientifique. 

- Selon Piaget, il existe deux formes de la connaissance : une forme opératoire et une forme cognitive ; l'une permet une régulation par l'agir, l'autre une régulation conceptuelle. L'action est une connaissance autonome. C'est la forme opérative qui est première. Pour Vergnaud, il faut parler d'une connaissance comportant une forme opératoire et une à forme prédicative pour se démarquer de la connaissance déclarative et procédurale. On a donc 2 formes de la connaissance : procédural ou opératoire versus déclaratif ou prédicatif. On apprend sous forme déclarative et peu à peu, nos connaissances se procédurisent ou d'automatisent, le cognitif se retire progressivement de l'action. Il s'opère une conceptualisation. 

Le format déclaratif énonce ce que je peux dire, le format prépositionnel identifie des propriétés et relations concernant des objets du réel. Une proposition peut être caractérisée par le fait qu'elle est vraie ou fausse. C'est donc aussi un énoncé de jugement. 

Les savoirs s'expriment dans un langage énonçable, ils relèvent de la forme déclarative. Il est cohérent. C'est une représentation du réel en termes de propriété et de relations. Les savoir-faire ne sont pas énoncables, ils sont encapsulés dans l'action. Ils sont à l'action (savoir lire un plan pour se déplacer/circuler en ville)

La forme opérative de la connaissance aborde le réel dans un environnement, dans des situations donc il convient d'avoir l'intelligence de manière à pouvoir effectuer des ajustements, l'objectif est la réussite de l'action, la visée est clairement pragmatique.

Les invariants opératoires sont des théorèmes en actes et des concepts. Ce sont des organisateurs de l'action de travail. Si un énoncé est vrai ou faux, lorsqu'on parle de concept, il est pertinent ou pas.

Le concept renvoie à la notion de conceptualisation dans l'action, une forme opératoire avisée pragmatique pour s'ajuster, être à la fois souple et efficace. 

La connaissance n'est pas stabilisée, mais dynamique et appartient à l'ordre du privatif, le savoir est un énoncé posé et fini, de l'ordre du public avec un statut institutionnel et scientifique. Il existe une vraie différence entre les cognitivistes et les constructivistes. Pour un cognitiviste, la connaissance est une représentation, ou une procéduralisation d'une représentation avec la forme déclarative comme première. Pour les constructivistes, la connaissance est avant tout une adaptation et la forme opératoire et mise en premier.

Notons aussi qu'il existe deux faces dans l'activité. Une phase d'activité productive qui transforme le réel et une phase d'activité constructive qui transforme le sujet et ses compétences alors qu'il est en train même de transformer le réel. Il n'y a pas d'activités productives sans activité constructive. C'est en forgeant qu'on devient forgeron. Il s'agit d'un apprendre par le métier dès lors, le fait d'exercer son métier produit de l'apprentissage. L'expérience se construit à notre insu. Cette dimension constructive n'est pas contrôlée par le sujet. 

L'activité productive attend un résultat attendu à comparer avec un résultat obtenu. L'activité constructive produit des effets sur le sujet par le sujet. Se donner l'activité constructive comme objectif, l'activité productive est un moyen à partir de laquelle viser le résultat. À travers le constructif viser le productif, à travers la transformation du sujet, viser le résultat de transformation du réel. Ainsi on peut définir une activité scolaire pas seulement par son but, mais aussi par ses effets, par la transformation. On peut mettre en avant une activité constructive qui suppose une posture réflexive, un détour réflexif. Pastré a pour habitude de dire que le sujet apprenant n'est pas dans les étages, mais dans l'escalier. On est dans le développement, l'ordre des effets, il se produit sans être intentionnel. Le développement humain est multi intentionnel.

L'apprentissage par les organisations ou apprentissages organisationnels 

On peut considérer les organisations comme des systèmes de production de connaissances, des structures d'interprétation de l'information plutôt que du stockage, des réseaux de signification, du savoir collectif partagé, Gestion de l'expérience.  Accumulation, savoir durable :  ce sont les opérations. Quant au projet, il s'agit d'intelligence de l'expérimentation via la réflexivité et des compétences transitoires. Il existe une mémoire organisationnelle en tant qu'outil de maintien de la cohérence, accumulation d'expérience, compilation de procédure. C'est un support nécessaire de changement, les logiques de conception de mémoire organisationnelle sont les outils de gestion du projet, les outils de conception continue, les outils de réutilisation de savoir, les outils de construction de la connaissance. Autant d'outils qui conduisent à l'abstraction. On ne crée pas des outils du travail, mais des situations de travail parce que ses outils contraignent le travail et donnent lieu à une situation particulière du travail. Notons que l'ergonomie est une discipline scientifique qui s'intéresse aux interactions entre les êtres humains et les éléments du système formant le travail afin d'optimiser le bien-être des humains et la performance. Les buts sont liés à la personne, santé, stress, sécurité, confort, satisfaction, motivation et à la performance. Selon l'ergonomie, il est possible de se fonder sur deux principaux buts : performance des entreprises et bien-être des opérateurs. La santé peut être vue comme un processus en évolution, modification de capacité, stratégie adaptative. Une vision corrective et préventive est appelée, comme la promotion de la construction de la santé. Santé cognitive ? Être compétent, posséder des compétences permettant d'être employés, de réussir, de s'améliorer permet de penser le lien entre santé cognitive et compétences. Le travailleur idéal serait le travailleur au repos, limitant toute source de difficulté, minimisant les charges de travail. La charge de travail n'est pas la surcharge de travail. Le travailleur n'est pas en réalité au repos, le but est non de supprimer des difficultés, mais construire des difficultés auxquelles il peut se confronter en développant de nouvelles compétences. Comment concevoir des systèmes de travail encourageant un usage efficace de la pensée ? Encourageant le développement des compétences ? Développer des pratiques réflexives dans le travail de manière explicite, évaluer, formaliser, adapter le savoir opératif. Modifier la gestion et le management, donner du temps, concevoir des outils techniques et organisationnels, valoriser les pratiques réflexives.

La pratique réflexive passe par la confrontation à l'expérience de l'autre en collectif ou en solitaire. La confrontation à l'activité d'autrui oblige à se positionner (tiens ce qu'il fait c'est pas mal...) Voir l'auto confrontation croisée. 

- Pour Leplat, il convient d'effectuer l'analyse des compétences mobilisées par un sujet pour réaliser son activité, cela suppose que l'on relève ou que l'on infère des connaissances qui, organisée en système, composent la compétence.

- Les stratégies sont des activités par lesquelles le sujet choisit, organise et gère ses actions en vue d'accomplir une tâche ou d'atteindre un but, l'étude des stratégies explore l'activité du sujet face à des problèmes qu'on lui pose. 

La catégorisation des connaissances peut se comprendre de la manière suivante savoir théorique versus savoir pratique, savoir détenu versus savoir incorporé, savoir implicite versus savoir objectivé, concepts en actes... 

Le bilan de compétences 

Le bilan de compétences est plutôt en fait un bilan de capacité, car c'est toujours rapporté à l'histoire du salarié. C'est presque de l'orientation professionnelle. C'est plutôt un bilan de capacité avec la notion de savoir, savoir-faire et savoir-être. La compétence est finalisée et ne s'exerce qu'à l'intérieur d'un domaine. La compétence est toujours fonctionnelle pour répondre à un but et une mission. La compétence n'est pas définitive, elle évolue tout au long de la vie professionnelle. C'est aussi changer l'organisation de l'action, une réorganisation, une réadaptation. Il y a la compétence dite, les compétences attendues comme gérer son temps, la cadence, gagner du temps pour se reposer, gérer la file d'attente. Il existe des tâches que l'opérateur peut décrire et des tâches tacites, ils ne savent pas dire cette compétence qui se manifeste dans l'action, ce sont des compétences incorporées, des compétences en action (confection du nœud d'escaladeur ou de tisserand). Actions automatisées, routinisées, implicites.

Selon Piaget, la compétence se construit dans l'action par exposition à l'action ou aux obstacles de l'action. 

La compétence se construit dans une nouvelle situation plus ou moins facilement selon l'expérience précédente. La compétence n'est pas un kit prêt à l'emploi et transférable. Un transfert n'est pas un transport de compétence c'est une construction de compétences à partir de compétences antérieures. Parlons plutôt de compétences transférées. 

Avec l'expérience la manière de prendre de l'information sur la situation n'est pas la même. 

Développement à long terme des compétences avec l'expérience, 7 compétences selon Weill-Fassina 

1-L'émergence d'invariants caractéristiques des classes de situation, des indicateurs précis sur le mode opérationnel, des dimensions pertinentes, rétrécissement des indices significatifs qui vont donner une information sur la situation 2- Structuration des caractéristiques des représentations du perceptible au possible allant dans le sens d'une plus grande possibilité d'attraction, du figuratif à l'opératif, des états aux transformations, des traits de surface au fonctionnement. 

3- extension des champs concrets couverts par les représentations, d'une propriété de l'objet au contexte organisationnel de la situation, aux actions possibles et à leurs effets. Multiplication des dimensions, plans et domaines coordonnés, extension des sens donnés aux événements, intégration de caractéristiques plus nombreuses de la situation dans l'action. Prendre plus en plus d'éléments de la situation pour répondre à la demande du client, ensemble de compromis pour s'éloigner de la règle d'une action centrée outil pour gagner en efficacité, gagner en termes de gestion du temps par exemple. Compromis entre différentes exigences du travail...

4 - la prise de conscience des propriétés de l'objet et de sa propre activité, de la réussite à la compréhension des raisons et des moyens mis en œuvre, développement à tous les niveaux de représentation métacognitive, connaissance sur sa propre activité permettant de la gérer, de progresser. 

5 - augmentation du champ temporel pris en considération, de l'immédiateté à un champ temporel plus tourné vers le futur, on ne gère plus au coup par coup gestion par anticipation, gestion prévisionnelle. 

6 - une plus grande résistance aux perturbations allant d'une attitude passive à des compensations partielles puis globales et à la possibilité d'anticiper et de les éviter

 7 - l'extension des relations avec les collègues de travail et les modifications des relations mises en neuf dans le travail collectif.

Quelques questions à l'activité :

Dites-moi ce que vous faites, comment effectuez-vous votre activité ? c'est la parole au moment où l’activité se fait.  Qu'est-ce qui guide vos actions ? Qu'est-ce qui organise ? Quels sont les moments il faut faire un choix ? Quels sont les moments où se pose une question ? Selon Rasmussen et Janssen (1974), il existe trois types de stratégies : une recherche topographique, une recherche fonctionnelle, une recherche évaluative du dysfonctionnement. Le schéma de Rasmussen fait l'hypothèse que l'automatisation ne se fait pas à base de compétence (rechercher le schéma sur internet). 

Selon les stratégies observées, pour résoudre un problème, on peut voir avec deux mêmes éléments organisateurs d'une activité, selon les acteurs des stratégies différentes, car il est fait appel à une intentionnalité différente pour résoudre la problématique technique. Par exemple dans le dépannage d'une carte électronique, pour l'un des acteurs dépanner c'est mettre en état avec un raisonnement très pragmatique et pour un autre, dépanner c'est la recomposition du système, on est dans une explication de la panne avec un raisonnement très épistémique. Il est intéressant d'observer ainsi la manière dont le sujet s'adapte à une situation problématique qui est une adaptation à soi-même et à sa propre expérience.

On peut posséder la même structure conceptuelle d'une situation avec les mêmes organisateurs de la situation en tête pour résoudre le problème technique, mais convoquer des manières d'agir, un mode opératoire différent même s'appuyant sur des organisateurs différents. Ainsi nous avons une stratégie de remise en état versus une stratégie de reconception. Dans celle-ci la première règle d'action qui s'applique est un raisonnement en Si... Alors... Sinon, ce qui balise un mode de raisonnement technique.

La résolution de problème, c'est résoudre un problème, être confronté à une tâche, c'est-à-dire une situation avec les objets sur lesquels on n'agit, plus un dispositif avec des outils, plus un but à atteindre, plus des contraintes sur les actions, sur les interprétations. L'interprétation de ce qu'on a le droit de faire dépend du contexte. Dans la résolution du problème, il y a énormément d'aspects sémantiques outre les aspects techniques, parfois il existe des conflits, des possibilités d'activation. Il convient de gagner une cohérence cognitive entre ce qu'on fait et la représentation qu'on en a. Comment faire apparaître les représentations ? On a besoin de connaissances juste suffisantes pour mener une action efficace. La structure sémantique des procédures et des objets. Selon les objets, la représentation diffère. Les procédures expertes ont de  bonnes  représentations, une structure sémantique, une forme de conceptualisation implicite favorables.  Les experts convergent tous vers le même modèle. Il y a une structuration sémantique du dispositif. Le sujet ne fait que ce qu'il peut, que ce qu'il est contraint de faire, il y a une contrainte conceptuelle. Une représentation cognitive se développe pendant qu'il fait l'action. Cette représentation peut fonctionner hors action.

Le sujet qui est placé devant un traitement de texte ne fait pas n'importe quoi parce qu'il a une représentation préalable de ce qu'on se faire devant d'autres objets plus ou moins du même type. Dans une tâche à résoudre, la représentation initiale qu'on a ne correspond pas à celle d'arriver quand devrait avoir. La connaissance à partir d'analogie est parfois trompeuse, il peut exister des inédits inadéquation. Test de passe à longue, jeu du taquet la planification pour résoudre un problème et une construction de but intermédiaire, la déconstruction de but je suis en réactivation de sous but avec la prise en compte de prérequis. Le risque de s'écarter du but principal, pour accepter de s'éloigner du but global, il fera refuser les sous-buts. L'intelligence te faire un détour, c'est de te comporter le comportement du détour selon Jean-François Richard point on peut adopter un comportement d'exploration pour se rapprocher du but à atteindre. Il est nécessaire de savoir prendre les bonnes informations dans les impasses afin de repérer le dysfonctionnement. Rencontrer des impasses permet de trier des informations, c'est un bénéfice important. On apprend dans l'erreur, on apprend dans les impasses de nouveaux comportements ou de nouveau raisonnement. Voir les jeux d'échecs qui conduisent à construire des heuristiques, c'est-à-dire des solutions aux problèmes ou à des impasses qui peuvent se poser. Il faut savoir être réceptif à l'information qui arrive, ne pas être trop focalisé dans l'action. On ne peut pas faire les deux à la fois la question de savoir passer de la réceptivité à la focalisation. Le poids de la représentation aveugle se produit dans une focalisation excessive. 

Face à un problème à résoudre, il y a deux possibilités d'action pour un sujet : l'un agit en menant à des impasses ou bien, l'autre regarde agir pour comprendre ce qui se passe.

Les gens qui explorent sont ceux qui acceptent de se mettre dans des impasses, violer les impasses et les contraintes, tenter ce qui est interdit, faire des actions interdites pour obtenir de nouvelles informations pertinentes. Il convient de comprendre ce qu'on peut faire, de ce que l'on a le droit de faire, c'est-à-dire entrevoir la limitation de l'action possible. La notion de variable change le raisonnement et la procédure. La résolution du problème est un compromis entre des contraintes, il y a des contraintes qu'on est prêt à sacrifier, d'autres non. Selon les buts s'opère le compromis. Lorsqu'on fait un compromis, on ne sait pas nécessairement ce qu'on perd. Il y a toujours un retard de verbalisation sur l'action et sur ce que font les gens.

 La prise de conscience diffère de la conceptualisation qui conduit à penser le but lié à la situation, le but pour se remettre en régime normal, et le but pour corriger l'erreur. Il est nécessaire de construire un modèle conceptuel de la situation juste suffisant, avec une description des objets des actions en termes de fonctionnement. Et une grande richesse des heuristiques utilisées par le sujet en se laissant la plus grande marge de manœuvre possible. La résolution de problème est un apprentissage, c'est relier des connaissances au but. La récupération d'indices à partir de la situation forme une compétence experte. L'expertise qui favorise la vision de ce qu'on peut faire dans une situation.

L’identité professionnelle est un processus de conceptualisation déployée dans les situations de travail par le sujet. L’identité professionnelle s’enracine dans des jeux d'images produites dans les interactions de travail. Qui suis-je pour lui parler ainsi ? Qui est-il pour que je lui parle ainsi ? Que signifie l'échange en termes d'identité professionnelle ? Si l'identité professionnelle est en souffrance, il y a un besoin d'analyse du vécu, d'analyse de l'activité professionnelle. Il y a un besoin de se construire une identité professionnelle au sens d'une appartenance à un collectif de travail, cela pose la question de la satisfaction dans le travail.

Est-ce que la compétence critique est un compromis entre ce qu'il faut faire et ce qui interrompt le déroulement des choses ?

- L'expérience selon Astier se construit. L'expérience suppose un dégagement de l'action, un mouvement de dégagement et engagement dans l'action. Le travail ne se répète jamais à l'identique, dans toutes actions, il y a du déjà vu, du déjà là. Dans toutes actions, il y a aussi du hors déjà vu. Il y a du singulier dans la situation.

-  L'expérience s'accumule au fil des actions. Dès lors qu'on a dit, il y a une part d'expérience. Toute action est une expérience, car elle ne se répète pas à l'identique. Il y a du particulier, mais aussi du commun. La répétition est elle-même singulier, selon Yves Clot. Il y aura une expérience de la répétition. Du coup, il se pose une dialectique entre ce qui se répète et ce qui est singulier, entre l'invariance et la variabilité intraindividuelle.

Lorsque je fais une expérience, on valorise la part inédite dans une action, on focalise sur la part des inédits. Lorsque j'ai l'expérience de ceci ou cela... on éclaire une dimension d'un programme construit, on est éclaire une dimension déjà construite. Ces postures sont différentes. 

- Qu'est-ce que l'expérience au cœur de l'action ? C'est construire des éléments qui permettent d'agir en situation. Le schėme est une mobilisation du sujet dans l'action, c'est la part programmatique avec les invariants et la part d'adaptation avec les inférences en situation. Dès lors que nos schèmes sont mis en difficulté, nous sommes mis en demeure d'avoir à transformer au produire de nouveaux schèmes. 

- L'Expérience peut aussi se développer dans une autre situation, dans un détour temporel, par exemple au moyen du débriefing. Il y a alors une mise en intrigue de l'action, une fois que l'action est terminée, avec un dégagement de l'action pour comprendre ce qui s'est passé. Il existe des situations extrêmes où le sujet ne peut se dégager de l'action. Il convient pourtant de s'engager dans une autre action du type débriefing. Le temps que le schème structure permet de transformer l'expérience de chaque instant en quelque chose de nouveau, une nouvelle expérience. Il permet en outre des micro régulations entre le sujet et l'action et des macro régulations dans la construction de nouvelles structures permettant de créer des classes de situation nouvelles. Rendre l'expérience vivante, c'est-à-dire mobiliser l'activité, remettre le sujet dans le moment où l'action s'est nouée afin de prendre conscience de ce qui avait été développé. C'est développer l'expérience à contretemps (Pierre Vermersch). Il est toujours difficile de dire quelque chose sur ce qu'on a fait. La compréhension d'autrui n'est jamais acquise. Parler d'expérience ne donne pas à comprendre avec garantie, les vécus de l'écoutant et des communicants sont différents. - Le discours sur l'expérience dont on rend compte, n'est pas un discours de la singularité. La tendance est de glisser du cas singulier et un discours générique. Faire comprendre à autrui quelque chose dont il n'a pas la représentation, qu'il n'éprouve pas est une véritable épreuve pour le locuteur. C'est ce qui produit la mobilisation de véritables stratégies de compréhension. Le problème est d'avoir des mots pour dire quelque chose qui n'a pas nécessité d'être formalisé.  Comment faire comprendre quelque chose de personnel et subjectif, voire singuliers, avec une langue générique, une syntaxe générale que connaît l'interlocuteur ? Comment ne pas modifier les significations premières à l'écoute de ce que dit l'acteur ? 

- dans une formation à partir de l'expérience de travail, on peut distinguer :

- l'analyse de pratique qui est un discours qu'on tient sur ce qu'on a fait, c'est réfléchir sur des actions; 

- de la réflexivité qui est un cran au-dessus et qui consiste à revenir soi-même sur ce qu'on a évoqué sur ce qu'on a fait, c'est réfléchir sur sa réflexion. 

-L'analyse consiste à tirer le fil, à construire une cohérence sur la réflexivité. 

-Dans une activité de parole comment aider, comment guider une analyse, une introspection, une auto confrontation sur son activité professionnelle ?

- Nous sommes dans une problématique du sujet en action dans l'hier et maintenant qui ouvre à la conception de formation à fort potentiel d'apprentissage. On apprend le métier en le faisant, puis en revenant par la réflexion sur ce que l'on a fait et en discutant avec des collègues ; on apprend ainsi par l'expérience confrontée à l'expérience des autres.

- L'expérience permet de développer une autre façon de voir le monde professionnel, de traiter des problèmes. La notion de monde professionnel (Beguin) renvoie à manière de concevoir le travail et de le faire pour un certain nombre d'opérateurs.

- Apprendre avec l'expérience consiste à déplacer ce que l'opérateur a l'habitude d'effectuer vers des situations qu'il n'a pas l'habitude de rencontrer. C'est appuyer sur son expérience professionnelle, mais en la déstabilisant. De manière à provoquer du développement par la nécessité de réflexion et d'invention. On peut ainsi apprendre le métier de façon très académique ou bien apprendre par le métier c'est-à-dire par l'exercice de l'activité qui va constituer un apprentissage permanent grâce au recours au débriefing ou bien un apprentissage ponctuel au moyen d'une situation problématique déstabilisante qu'il convient de résoudre seul ou en groupe. Cela permet d'élargir un répertoire de connaissances, un repérage des éléments profonds d'une situation de travail, une extension du champ pris en compte, une capacité d'anticipation, la sollicitation de la métacognition. 

- Comment peut-on s'appuyer sur l'expérience ?  Les formateurs choisissent un scénario correspondant à une situation avec des scénarios correspondant à un certain nombre d'incidents. Il s'agit d'une mise en situation. Le choix du scénario est extrêmement important, car il s'agit de mobiliser le schème de conduite et de le déstabiliser. L'apprentissage consiste alors à surmonter la déstabilisation en procédant une accommodation des schèmes. Il s'agit donc de déstabiliser sans déstructurer pendant la mise en situation. Les formateurs n'apportent aucune aide. Il s'agit ainsi d'un apprentissage par les situations critiques du travail. Pendant la séance, il sera possible d'analyser les stratégies mises en place par les acteurs pour résoudre la problématique de la situation et après la séance, un débriefing permettra de dialoguer sur la manière adoptée pour résoudre le problème. C'est une dimension de métacognitive mise à l'œuvre. Cela étant il s'agit bien de déstabiliser sans démolir un modèle opératif, mais de permettre au modèle opératif de s'élargir. Donc la déstabilisation ne doit pas être trop forte. L'expérience sert toujours d'appui et en même temps, elle est déstabilisée. Il y a donc un moment de déstabilisation et de stabilisation dans une zone de proche développement grâce à la construction de nouveaux outils, grâce à une genèse instrumentale.

L'ergonomie consiste à connaître et comprendre le travail pour le transformer, pour agir sur le travail, pour améliorer les conditions de travail physiquement et cognitivement. On va donc chercher à voir pour savoir autre chose (quelle est leur activité), savoir pour voir (de nouveau et autrement), savoir voir pour prévoir l'action et pour prévenir les risques. Ces étapes s'enchaînent. 

L'inventivité est une marque essentielle de l'activité de travail. Par exemple, le mécanicien est son propre agent, son propre dirigeant qui fait appel à son intelligence. Il existe une inventivité des opérateurs dans les actions de travail. Une action n'est pas réduite à des stimulus reçus ou à des processus par lesquels les acteurs appliquent ou transforment leur environnement de travail. Il y a nécessairement de la réflexion dans le travail à effectuer. Le travail n'est jamais automatique, le travail exige une réflexion plus ou moins importante. Il y a de la conceptualisation dans l'action comme l'explique Gérard Vergnaud. Même l'emploi d'un outil pourtant spécialement conçu par des ingénieurs peut nécessiter un travail d'inventivité dans son utilisation parce que le concepteur n'a pas pu anticiper tous les besoins de l'usager dans son activité qui est toujours particulière. L'action est toujours située entre des invariants de la situation (un contexte), des invariants du sujet (une expertise, une personnalité avec la manière d'agir) et des éléments de contingence rarement prévisibles. L'action n'est jamais la simple exécution d'un plan stablement préétabli. L'inventivité est une dimension ontologique de l'action. Il n'existe pas de vide technique.  L'appropriation de l'innovation ou d'un instrument de travail est nécessaire, cela appartient à une activité constructive. L'opérateur apprend à se servir d'un instrument. Il existe un processus d'instrumentalisation c'est-à-dire la transformation de l'outil ou artefact en fonction du besoin de l'opérateur.  C'est un processus d'appropriation d'un objet dans le développement d'une action de l'opérateur qui met l'outil à sa main. À cela s'ajoute un processus d'instrumentation, c'est-à-dire l'enrichissement des formes de l'action, une évolution des pratiques et une évolution des schèmes grâce à un accroissement des mises à sa main. C'est la Genèse instrumentale selon la théorie de Pierre Rabardel qui correspond à une dimension constructive de l'activité avec un développement des ressources de l'action, un développement de la conceptualisation au travail, au côté d'une dimension productive qui est l'activité orientée vers les buts à atteindre, affirmé par la prescription de travail.

Pour Vergnaud, l'action professionnelle est une action organisée et il est intéressant d'observer la manière dont cette action est organisée. Une réussite d'activité professionnelle peut être due à une routine, à des essais erreurs, des souvenirs, une mauvaise compréhension, une théorie ou une conceptualisation. 

La théorie de l'activité selon Yves Clôt amène à considérer l'activité sous 4 dimensions:

-l'activité est personnelle et tous les jours variable, singulière

- L'activité est impersonnelle, car la tâche qui mène à l'activité est une abstraction, pour que n'importe qui puisse la faire. 

-l'activité est interpersonnelle, car elle est toujours adressée, il y a un destinataire et des échanges...

-l'activité est transpersonnelle, car elle est partagée, c'est le genre professionnel de l'activité qui traverse chacun, qui sert comme moyen d'agir. 

Ainsi pour Yves Clot, toute activité de travail est simultanément personnelle, impersonnelle, interpersonnelle et transpersonnelle.

La clinique de l'activité n'a pas pour objet de chercher à identifier les organisateurs de l'activité, mais plutôt les organisateurs de la transformation de l'activité et de l'action. La clinique de l'activité cherche à provoquer le développement de l'action pour l'étudier. On provoque donc la transformation des invariants et on repère ce qui organise la transformation. Dans le commentaire d'une action en auto-confrontation, il y a le "on" collectif qui apparaît, un invariant apparaît. Qu'est-ce que c'est qui transforme cet invariant ? On cherche à transformer pour comprendre.

Yves Clot parle aussi du Réel de l'activité, c'est ce qui aurait pu être fait et qui ne l'a pas été, c'est l'inaccompli, c'est l'impossible. 

Le réalisé, c'est la forme faite du réel à un moment donné qui est le développement du possible.

-1re dimension du réel : ce qui est impossible et qui pousse à trouver des solutions 

-2e dimension du réel : le réel est ce qu'on pousse devant nous et nous échappe aussi, dans l'inaccompli, ce qu'on voudrait faire et ne peut pas faire, ce qui vient devant et sur lequel on n'a pas prise. C'est une source potentielle de découverte. 

Ces réels ne sont pas intentionnels. Il se déroule à notre insu. Il y a des sources d'intention qui se génèrent en cours de route. Le réel est ce qui peut devenir, ce que le sujet peut devenir. L'objectif de la clinique de l'activité est de permettre au professionnel d'entrer dans la zone potentielle de développement. Le développement du Réel, la construction du réel, la provocation ou l'incitation au réel amène à conduire d'un état réalisé un autre à réaliser. On peut voir le Réel comme un développement avec la réalisation ou transformation de la forme du réel. Le réel est ce qui pourrait être, le réalisé est ce qui est. Le réel tend vers la zone de développement potentiel.

La clinique de l'activité distingue le genre professionnel du style. Le genre professionnel est un stock de pré-travaillé collectivement disponible. L'activité est toujours unique et en même temps il y a toujours une réitération des activités antécédentes. Le genre est le patrimoine personnel mobilisable pour arriver à faire ce que l'on a à faire dans des situations plus ou moins inédites avec des attendus génériques. Le genre professionnel est une ressource de l'activité individuelle, c'est le métier. Les professionnels expliquent l'activité, car chaque jour elle est singulière et inattendue. C'est le côté unique de la situation, l'inattendu, le caractère singulier qui expliquent l'activité. Le stock professionnel est la ressource pour l'activité. Ce n'est pas le collectif qui explique l'activité individuelle, c'est l'activité individuelle qui s'explique avec le collectif. On ne peut pas la comprendre sans les ressources collectives, mais chaque fois le collectif doit faire la preuve, et se prouver comme ressource pour agir pour l'activité individuelle. Dans l'analyse de l'activité, on voit que deux sujets n'ont jamais la même activité, et l'activité du sujet n'est pas itérable à l'identique complet. L’activité est toujours unique. Ce qui tient ensemble le sujet dans le collectif, une forme d'épine dorsale, c'est une histoire qui traverse chacun et dont chacun est comptable. Les instruments génériques suivent le mouvement, il y a un développement des instruments de l'action. Dans l'activité individuelle, il y a stylisation du genre ou une création instrumentale qui utilise le genre en vigueur. Il y a du style lorsque la retouche personnelle, la transformation des habitudes du métier rentrent dans le stock du genre, sinon cela reste une transgression. Il y a risque de blocage qui ramène vers la transgression lorsqu'il manque du développement du genre professionnel. L'activité est médiatisée par le genre professionnel, le genre qui est aussi une ressource pour l'activité. L'activité est médiatisante, car elle produit de la transformation potentiellement stylistique. Si on veut développer le métier, mettre en place des activités qui soit des sources de nouvelles relations, si on veut créer de l'étonnement par exemple pour mobiliser de la création et non de la ressource sur ce qui est déjà.

Rappel : Analyse de l'activité selon la théorie de Galperine : Base d'orientation ; une représentation de l'action (savoirs disciplinaires, savoirs d'expérience du métier qui sont et enonçables...), opération d'orientation : représentation de l'objet à atteindre, du but, opération de contrôle sur le produit final et nécessité de réajustements d'éventuels.

Rappel : Pour Piaget, le développement précède l'apprentissage, ce qui intéresse Piaget est le développement structural, le développement des structures de l'intelligence qui doit précéder tout apprentissage. Si l'enfant n'atteint pas un certain degré du stade de développement, il n'est pas en mesure d'apprendre certaines choses. Pour Vygotski, c'est l'apprentissage qui provoque du développement, pour lui c'est en apprenant qu'on développe des outils conceptuels. Il y a une relation dialectique entre apprentissage et développement. Il n'y a pas de développement sans apprentissage, sans la médiation du social. Le langage est aussi un support du développement. Le développement résulte pour Vygotsky d'une discordance, les situations de discordance sont propices au développement. Il a théorisé les concepts quotidiens et les concepts scientifiques ou académiques qui sont acquis à l'école avec leur définition. C'est un apport de l'extérieur pour l'apprenant. Les concepts quotidiens sont appris par leur usage sans qu'on en ait une définition. C'est un apport de l'intérieur. Or il y a une germination par le bas pour les concepts académiques appris par cœur de façon scolaire dont on va avoir à quoi ils servent dans l'expérience, en pratique et il y a aussi une germination par le haut pour les concepts quotidiens, des trucs observés en situation auxquels on va donner un sens, que l'on va théoriser.

Rappel : La zone de proche développement ou zone potentielle de développement correspond à l'écart entre la performance actuelle, et la performance atteinte devant une résolution de problème. C'est l'espace ou un sujet est capable d'utiliser pleinement l'aide qu'on lui apporte, c'est la zone propice à l'apprentissage. Nous avons d'un côté la zone où on ne sait faire, puis de l'autre côté la zone où on ne sait pas faire même si on nous aide et au milieu nous avons la zone intermédiaire où les personnes ont l'intelligence d'utiliser l'aide qu'on leur accorde. C'est une zone d'instabilité où on n'est pas encore apte à résoudre le problème seul, mais que l'on peut résoudre avec l'aide d'un expert ou d'un pair.

Théorie de la compétence : 

À plus compétent que B lorsque A  sait résoudre certains problèmes que B ne sait pas résoudre. A peut avoir une meilleure méthode pour traiter le même type de problème que B. À est plus compétent que B quand A possède toute une palette de méthode ou stratégies et en outre sait choisir la stratégie la plus adaptée à la situation avec un ajustement efficient.

 Gérard Vergnaud précise que dans un schème est une organisation invariante de l'activité dans une classe de situation donnée, ce n'est pas l'action qui est invariante, c'est l'organisation ou structuration de l'action qui est invariante, c'est son squelette qui est stable. Un schème offre une articulation fine entre la part d'invariance et la part d'adaptation de l'activité. L'invariance est une organisation de l'action bien structurée et cette organisation de l'action va permettre des adaptations. En outre, la capacité à catégoriser, à classer ou construire des classes de situation favorise l'adaptation, l'ajustement des opérations et des actions selon les différentes classes de catégorie. Cela est une véritable compétence. 

Précisons enfin qu'un concept n'est pas pensable indépendamment des situations dans lesquelles il va être appliqué. Un concept est un outil permettant de résoudre une classe de situations problèmes. Un champ conceptuel selon Gérard Vergnaud est l'association d'un ensemble de concepts et d'un ensemble de situations permettant de résoudre une classe de problèmes. Le développement va se faire à l'intérieur de certains champs conceptuels, avec un ensemble d'invariants et un ensemble de situations.

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