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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Stylos ou claviers : quels outils choisir pour prendre des notes ?
Thierry Olive, Université de Poitiers

La pandémie que nous vivons depuis maintenant presque deux années a bouleversé les pratiques pédagogiques. Les cours à distance se sont multipliés, de nombreux écoliers, lycéens et étudiants ont dû travailler davantage seuls, souvent sans accompagnement des enseignants ou de leur famille. Les inégalités éducatives ont ainsi été accentuées.

Dans ce contexte, les élèves qui réussissent le mieux sont ceux qui disposent d’un éventail de techniques et de compétences leur permettant de mobiliser toutes leurs connaissances pour suivre des cours d’une qualité souvent dégradée ou pour lire seuls les documents proposés.

La prise de notes est une de ces techniques indispensables aux apprentissages académiques : il est en effet impossible de mémoriser tout ce que nous entendons dès la première écoute ou de mémoriser tout ce que nous lisons. Les étudiants doivent donc, d’une part, sélectionner les informations les plus utiles et pertinentes dans leurs cours et, d’autre part, en garder une trace pérenne. Les notes sont, de fait, une mémoire externe qu’ils peuvent consulter à tout moment pour travailler et réviser leurs cours.

Des questions d’organisation

La plupart des étudiants estiment ainsi que prendre de notes contribue fortement à leur réussite. De nombreux travaux scientifiques ont montré que la prise de notes améliore effectivement les résultats académiques.

Bien entendu, plusieurs techniques de prise de notes existent (de la copie mot à mot aux notes organisées en matrices par exemple) et certaines sont plus efficaces que d’autres. Les plus efficaces permettent de mieux comprendre le contenu des cours. Elles contribuent aussi à une meilleure mémorisation, et à plus long terme, des nouvelles connaissances acquises.

En effet, la qualité du traitement qui est effectué par l’étudiant sur les informations données par les enseignants dépend directement de la technique de prise de notes : plus cette technique favorise un traitement profond, c’est-à-dire du sens des énoncés, meilleures sont la mémorisation et la compréhension du cours. Par conséquent, les techniques qui favorisent l’organisation, la hiérarchisation et la reformulation des contenus conduisent généralement à de meilleurs résultats.

Malheureusement pour les étudiants, prendre des notes, c’est-à-dire écouter, comprendre et noter simultanément, entraîne une charge mentale très élevée. Aussi, pris à la fois dans l’urgence de la prise de notes et dans une crainte d’oublier une partie du cours, ils privilégient souvent des techniques simples qui favorisent la quantité des notes plutôt que l’organisation et la hiérarchisation des contenus.

Progression des outils numériques

Au-delà des techniques de prise de notes, rarement enseignées, les outils d’écriture utilisés par les étudiants contribuent-ils à l’efficacité de la prise de notes ? Cela change-t-il quelque chose de prendre des notes avec un clavier plutôt qu’un stylo ? Un enseignant face à un amphithéâtre ne peut que constater la multitude d’écrans et de tablettes qui s’offrent à sa vue.

Une enquête réalisée auprès de 700 étudiants de l’université de Poitiers montre que 90 % des étudiants interrogés ont déclaré utiliser le papier et le stylo et environ 60 % utilisent aussi un ordinateur. Les tablettes sont, quant à elles, très peu utilisées (moins de 5 %) et moins que les smartphones (qui servent surtout à photographier les diaporamas projetés par les enseignants).

Dans une enquête plus récente réalisée pour sa thèse auprès de 240 étudiants de diverses disciplines, une de mes doctorantes, Marie Lebrisse, observe que près de 90 % des étudiants interrogés déclarent recourir à un ordinateur pour prendre des notes et autant déclarent également utiliser le stylo et le papier.

Ces enquêtes montrent aussi que l’utilisation d’un ordinateur dépend des disciplines : celles qui reposent essentiellement sur la transmission du discours de l’enseignant favorisent la prise de notes au clavier. Il est en effet difficile de faire des schémas, des diagrammes, de noter des équations avec un clavier et une souris ! Aussi, les enseignements dans les disciplines scientifiques ou techniques, par exemple, conduisent plutôt à des prises de notes manuscrites.

Enfin, les étudiants déclarent préférer prendre des notes avec un ordinateur parce que leurs notes sont bien présentées et sont donc plus faciles à relire et réviser mais aussi pour la rapidité de la frappe au clavier. Ils sont ainsi (r)assurés de ne pas oublier de points importants du cours.

Des effets encore très discutés

Les effets des outils d’écriture sur la prise de notes sont multiples et difficiles à appréhender : la surface glissante des tablettes, la maniabilité des souris, les diverses options proposées par applications utilisées avec les ordinateurs, ou encore la taille des écrans, sont autant de facteurs qui interviennent dans la performance et autant d’obstacles (ou d’aides, selon les situations) pour les noteurs. Par exemple, une faible maitrise de la frappe au clavier se traduit par une mémorisation détériorée des informations retranscrites.

Depuis une décennie, plusieurs études ont tenté de mieux comprendre la prise de note sur ordinateur. Dans une étude de Mueller et Oppenheimer publiée en 2014, des étudiants à l’université devaient prendre des notes manuscrites ou avec un clavier, à partir de conférences vidéo de 30 minutes. Les auteurs ont testé l’hypothèse que la rapidité de la frappe au clavier – qui conduit les étudiants vers une prise de notes plus linéaire, visant à noter un maximum des mots du discours de l’enseignant, mais en le traitant moins du point de vue de sa signification – devrait conduire à une plus faible mémorisation.

Ils n’ont pas observé de différence selon l’outil sur le rappel d’informations précises qui sont présentes dans la vidéo. En revanche, ils ont observé un bénéfice de la prise de note manuscrite sur le rappel d’information traduisant la compréhension des étudiants.

D’autres travaux ont aussi observé des notes moins organisées et plus linéaires avec un clavier, mais, cette fois-ci, une meilleure mémorisation à la suite d’une prise de notes avec un ordinateur. Il est donc délicat de tirer des conclusions des études publiées à ce jour, tant certaines études diffèrent. Cependant, une méta-analyse (l’analyse simultanée des résultats de plusieurs études) récente ne semble pas montrer d’effet négatif de l’utilisation d’un ordinateur sur la mémorisation des informations notées.

Des usages à accompagner

D’autres technologies que le clavier et l’ordinateur existent pour prendre des notes : on peut citer les tablettes avec claviers extérieurs, virtuels ou encore avec stylets, et les smartpens, ces stylos numériques qui enregistrent et numérisent la trace écrite qu’ils produisent. Ces deux types d’outils reposent donc sur une prise de notes manuscrite et proposent des options d’outils numériques (par exemple, la reconnaissance de l’écriture).

Dans sa thèse, Marie Lebrisse a étudié la prise de notes sur tablette avec une application de prise de notes incluant un logiciel de reconnaissance de l’écriture tracée avec un stylet. Ses travaux indiquent que la prise de notes sur tablette se rapproche plus de celle sur papier. Les travaux qui ont analysé les tablettes eWriter, des tablettes spécifiquement dédiées à la prise de notes et à l’écriture, ont conduit à des résultats similaires.

L’utilisation des stylos numériques pour la prise de notes est aussi une piste à explorer. Ces stylos présentent l’avantage de pouvoir enregistrer non seulement l’écriture manuscrite mais aussi les enseignements dispensés en les synchronisant avec les notes écrites. Joseph Boyle, Temple University, Philadelphie, a conduit plusieurs recherches sur l’utilisation de ces outils pour les étudiants présentant des difficultés d’apprentissage. Il montre clairement comment l’utilisation de stylos électroniques peut aider ces élèves.

Pour conclure, si plusieurs études montrent les limites des outils numériques de prise de notes, de nombreuses soulignent aussi leur potentiel pour la réussite académique. Mais leur utilisation doit être accompagnée pour qu’ils apportent des bénéfices aux étudiants. Sans une formation adéquate et un soutien durable, ils peuvent finir par n’être guère plus que des gadgets…The Conversation

Thierry Olive, Directeur de recherche au CNRS, Université de Poitiers

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Estime de soi et difficultés scolaires, un cercle vicieux ?
Delphine Martinot, Université Clermont Auvergne (UCA)

La recherche montre que nous avons tous un fort et perpétuel besoin d’estime de soi, c’est-à-dire de penser que nous avons de la valeur, que nous sommes aimés et approuvés. Les élèves n’échappent pas à ce besoin. En raison de l’importance accordée par la société, les parents ou les enseignants à la réussite scolaire, les élèves qui font face à des difficultés et échecs scolaires, voient leur estime d’eux-mêmes menacée.

Ces élèves risquent de penser qu’ils ne sont pas « quelqu’un de bien ». Il leur sera alors impérativement nécessaire de retrouver de la valeur et, pour cela, ils disposent de mécanismes psychologiques autoprotecteurs. Le gros problème, c’est que chacun de ces mécanismes va nuire à leur motivation autodéterminée, c’est-à-dire venant d’eux-mêmes. Un élève est motivé de manière autodéterminée lorsqu’il choisit librement d’accomplir une tâche scolaire, estime que réaliser cette tâche est intéressant, important et valorisant.


Read more: Aider un enfant à prendre confiance en lui : les conseils de trois grands philosophes


Plus sa motivation est autodéterminée, plus l’élève développera et maintiendra les efforts indispensables aux franchissements des difficultés inhérentes à tout apprentissage. Cette motivation est en quelque sorte l’énergie indispensable au maintien des efforts de l’élève, au dépassement de ses difficultés. La présentation de trois des mécanismes psychologiques autoprotecteurs va mettre en évidence leur impact délétère sur les efforts des élèves.

Anticiper l’échec

Le premier de ces mécanismes d’autoprotection est la comparaison sociale descendante. Lorsque l’élève est en difficulté sur une tâche scolaire ou vient d’échouer à cette dernière, s’il en a l’occasion, il choisira de se comparer à des élèves qui réussissent moins bien ou peinent plus que lui. Qui n’a pas annoncé une mauvaise note en citant le nom de camarades qui avaient eu pire !

Cette comparaison vers le bas préserve l’estime de soi et permet de se sentir bien. Le problème est que l’élève choisissant régulièrement des cibles de comparaison au-dessous de lui, va progressivement accorder moins d’intérêt et d’importance à ses apprentissages. Autrement dit, sa motivation autodéterminée diminue : il va se sentir autorisé à faire moins bien que sa performance actuelle. Son estime de soi est protégée mais ses difficultés scolaires vont s’accentuer.

Le deuxième mécanisme autoprotecteur est l’autohandicap comportemental. Il se produit lorsque l’élève anticipe un échec. Ce dernier va alors placer des obstacles (procrastination, diminution des efforts, abus de drogue ou d’alcool…) sur le chemin de sa performance. L’absence d’effort est ainsi un exemple fréquent d’obstacle ou d’autohandicap : l’élève arrive à un examen en n’ayant rien révisé.

Si l’échec anticipé a bien lieu, l’élève pourra l’expliquer par son manque d’effort, sa paresse (l’obstacle). Il évite ainsi la pire des explications pour son estime de soi : le manque d’intelligence. S’il réussit l’examen en dépit de l’obstacle, il se percevra et sera perçu comme très doué (il aura réussi sans effort !). Le problème est qu’à préférer passer régulièrement pour une personne paresseuse plutôt que pour une personne qui manquerait de capacités intellectuelles, l’élève accumule des lacunes.

Même s’il se remettait à faire les efforts nécessaires pour apprendre, cela ne se traduirait pas immédiatement par une réussite scolaire, donc menacerait de nouveau son estime de soi. Il est donc pris dans cet engrenage l’empêchant (inconsciemment) de développer une motivation autodéterminée source des efforts indispensables pour surmonter ses difficultés scolaires.

Reconsidérer l’erreur

Le troisième mécanisme autoprotecteur est le désengagement psychologique qui consiste à déconsidérer durablement les domaines menaçants pour l’estime de soi. Un élève désengagé du domaine scolaire proclamera que l’école n’a pas d’importance pour lui, que faire des études ne l’a jamais intéressé. Or, l’élève qui se désengage psychologiquement de l’école (ou d’une matière en particulier) ne possède plus aucune motivation autodéterminée : il n’accorde ni intérêt, ni valeur, ni importance aux tâches scolaires, et n’a donc plus cette énergie nécessaire pour persévérer face aux difficultés. Ses difficultés scolaires ne font dès lors que s’accroître.

La terrible efficacité de ce mécanisme de désengagement est que la rupture psychologique avec l’école ou une matière particulière est souvent vécue comme un trait de personnalité, une caractéristique naturelle contre laquelle on ne peut pas lutter : « je n’aime pas l’école car je suis plutôt manuel » ; « je n’aime pas les maths, car je n’ai pas l’esprit logique ».


Read more: Trois clés de philosophes pour apprendre à surmonter un échec


La description de ces trois exemples de mécanismes d’autoprotection permet de comprendre que l’élève en échec, pour protéger son estime de soi, adopte des conduites qui ne feront qu’accentuer ses difficultés. Il est toutefois possible d’éviter que les élèves recourent à ses mécanismes d’autoprotection. Il faut pour cela les aider à considérer les difficultés, les erreurs et les échecs comme des étapes normales de tout apprentissage, afin qu’elles ne remettent pas en cause leur valeur.

Les travaux de Carol S.Dweck ont permis de montrer qu’il faut aider les élèves à réaliser que l’objectif à l’école est d’apprendre et non de réussir avant tout. Apprendre signifie se tromper. Dès lors, les situations d’échec sont dignes d’intérêt car les erreurs qu’elles contiennent peuvent aider à trouver une piste pour aboutir à la solution.

Developing a Growth Mindset with Carol Dweck (Stanford Alumni, 2014).

Si les erreurs sont perçues par les élèves comme faisant partie des processus d’apprentissage, ils comprendront que l’intelligence n’est pas une donnée fixée à l’avance et pour la vie, mais qu’elle est un potentiel à développer. Afin de favoriser cet état d’esprit de développement, il faut encourager la comparaison de l’élève avec lui-même, c’est-à-dire la comparaison temporelle, de soi aujourd’hui avec soi dans le passé.

Les comparaisons temporelles permettent aux élèves de prendre conscience des progrès (ou non) dans leurs apprentissages en comparant ce qu’ils savaient faire avant à ce qu’ils savent faire maintenant, progrès que les notes ne traduisent pas toujours. Par exemple, un élève peut avoir fait beaucoup d’effort pour améliorer son orthographe et faire moins de fautes, mais continuer d’avoir de mauvaises notes en dictée. Si l’élève constate qu’il n’a pas progressé, il faudra le guider pour qu’il comprenne pourquoi ses efforts ou stratégies d’apprentissage sont insuffisants ou mal adaptés.

En conclusion, si les élèves sont convaincus que leur intelligence est malléable, leurs erreurs inhérentes à l’apprentissage, ils auront moins peur d’échouer. Ils auront dès lors moins besoin de recourir aux mécanismes psychologiques de protection de l’estime de soi, tous délétères pour leur motivation autodéterminée, leurs efforts et leur persévérance.The Conversation

Delphine Martinot, Professeure des Universités en Psychologie Sociale, Université Clermont Auvergne (UCA)

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Tenir un journal : un moyen de mieux apprendre une langue étrangère ?
Avec la tenue d'un journal, l'apprentissage des règles de grammaire prend plus de sens aux yeux des étudiants. Ketut Subiyantot/ Pexels, CC BY
Argyro Kanaki, University of Dundee et Susana Carvajal, University of Dundee

Nous sommes nombreux à éprouver des difficultés à apprendre une langue étrangère. Assimiler le vocabulaire et les règles de grammaire exige des compétences précises ; il faut, en outre, être capable de converser couramment avec un locuteur natif. Alors, comment apprend-on réellement une autre langue ? Quelle est la meilleure méthode ? Et comment les enseignants peuvent-ils aider leurs élèves à en mémoriser les aspects les plus complexes ?

Les adultes ont besoin de s’appuyer sur des bases explicites pour apprendre : il leur faut des explications claires sur les points qui leur posent problème, et lever les incertitudes. Ils analysent les éléments de la nouvelle langue et établissent des liens à partir de leurs propres connaissances linguistiques. Nous avons tous recours à ces processus d’apprentissage explicite hautement développés, souvent acquis au prix de beaucoup de temps et d’effort.

Néanmoins, les étudiants ont besoin de techniques à même de les aider à surmonter les défis d’apprentissage, y compris ceux engendrés par la pandémie de Covid-19, qui a mis fin à l’enseignement en classe.

Lors de nos recherches, nous avons constaté que la tenue d’un journal transformait une bonne méthode pédagogique en expérience plus concrète, plus immédiate, en permettant aux élèves de revoir les étapes d’apprentissage au fil de leurs écrits.

Une boîte à outils pédagogique

Dans le cadre de notre enquête, nous nous sommes intéressées à un groupe d’étudiants inscrits à des cours du soir d’espagnol dans une université écossaise. L’objectif visait à déterminer la façon dont ils appréhendaient la langue en cours d’acquisition en se basant sur leur langue source (l’anglais).

Sur quoi se concentraient-ils dans l’apprentissage de l’espagnol ? Quels aspects de la langue avaient-ils attiré leur attention ? Comment expliquaient-ils les notions apprises, pour eux-mêmes ou entre eux, et quels liens établissaient-ils avec leur langue maternelle ?

Nous avons introduit le journal pédagogique comme exercice de fin de session, au sein de trois classes de 38 élèves. Les étudiants devaient répondre à deux questions : qu’ont-ils appris durant la leçon ? Quelles différences et similarités ont-ils remarquées entre leur langue maternelle et l’espagnol ?

Les questions étaient toujours les mêmes. Les étudiants étaient libres de commenter, d’analyser, de réfléchir sur le contenu des leçons. Il leur revenait de choisir le sujet de discussion abordé dans leur journal, l’enseignant n’essayant pas de les orienter vers des éléments spécifiques de linguistique ou de culture.

À la fin de la période d’expérimentation fixée pour ce journal pédagogique, nous avons organisé un groupe de discussion pour cerner impact de l’outil. Nous cherchions surtout à savoir si, aux yeux des étudiants, le journal avait influencé leur performance et amélioré leur confiance en eux dans la pratique de cette nouvelle langue.

Paroles d’étudiants

Les journaux pédagogiques ont illustré leur capacité d’analyse linguistique des étudiants. Ceux-ci ont identifié les fautes de langue courantes que les anglophones (principalement) commettent en espagnol, décrit le fonctionnement de la langue étrangère, comme celui de leur langue maternelle, et transcrit les règles de grammaire qui s’appliquent dans les deux langues, ainsi que ce qui les différencie l’une de l’autre :

« En espagnol, “me gusta/n” signifie “ça me plaît” ou “Ils/elles me plaisent” ou, littéralement, “À moi ça plaît”, le “ça” représentant l’objet de la phrase. C’est un concept plutôt difficile à appréhender. »

Les étudiants ont semblé prendre plaisir à décrire ce qu’ils avaient compris et assimilé ; ils ont trouvé agréable d’apprendre par comparaison avec leur langue maternelle. À en croire leurs textes, ces connexions les ont aidés à mémoriser leurs leçons. Les journaux ont par ailleurs permis d’initier des débats en classe et de discuter de leurs méthodes d’apprentissage :

« Le journal […] m’a aidé à retenir les couleurs. Je trouvais plus facilement la réponse en espagnol quand je me répétais (en boucle) la question “C’est quoi, cette couleur ?” »

Nous avons toutefois eu la surprise de constater que les étudiants n’abordaient aucun sujet culturel dans leur journal. Les leçons contenaient à dessein des éléments de culture issus du monde hispanophone dans son ensemble, du Jour des Morts mexicain aux célébrations de Pâques, à Madrid.

Leurs réflexions se sont, semble-t-il, cantonnées au spectre linguistique en se concentrant sur les différences entre les langues, comme le concept du genre en espagnol et la façon de déterminer le genre d’un mot. Il apparaît que les journaux ont surtout servi d’outil de consolidation dans leur apprentissage de la langue.

Les journaux renforcent la capacité d’analyse linguistique des étudiants. cottonbro/Pexels, CC BY

Les réponses à la première question (relative à ce qu’ils avaient retenu de la leçon du jour) se recoupaient très peu entre les trois groupes, un élément plutôt inattendu puisque chaque leçon disposait d’objectifs pédagogiques spécifiques, énoncés en début de cours comme il se doit en matière de bonne pratique d’enseignement.

Ce résultat en lui-même nous a amenés à réfléchir sur l’évolution de l’enseignement personnalisé des langues à mesure que les étudiants progressent. Les élèves ont visiblement retenu toute une variété d’informations, qui ne sont tout bonnement pas prévisibles.

Ces découvertes, basées sur la façon dont les étudiants analysent la langue, pourraient aider à façonner l’enseignement et l’apprentissage de demain. Nous avons constaté en particulier que les journaux pédagogiques permettaient aux étudiants de cerner plus précisément leurs points d’intérêt et de mettre en lumière leur capacité de réflexion sur leurs propres connaissances afin d’affiner leur apprentissage.

À la fin de l’expérience, les étudiants ont souhaité maintenir cet exercice. Ils y ont trouvé un réel bénéfice dans la compréhension de la langue et de ses mécanismes, ainsi que dans l’assimilation du vocabulaire espagnol au fil de leur progression. Pour les enseignants impliqués, les journaux ont fourni un excellent initiateur de débats et offert un outil pratique pour l’enseignement des langues.


Traduit de l’anglais par Mathilde Montier pour Fast ForWordThe Conversation

Argyro Kanaki, Lecturer in Education, University of Dundee et Susana Carvajal, Lecturer in Language, School of Humanities, University of Dundee

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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