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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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La gestion des classes en école maternelle est particulière, on n’attend pas les mêmes choses qu’en école élémentaire. L’objectif central est de conduire les élèves de leur posture enfantine à une posture d’élèves, certains parlent de « métiers d’élèves », c’est-à-dire un ensemble d’attendus, de rituels et d’obligation pour l’enfant qui séjourne quelques heures à l’école pour y travailler afin d’apprendre, y réussir des tâches pour se développer.

Les activités scolaires en école maternelle s’effectuent généralement autour des ateliers composés de 4 ou 5 élèves assis autour de tables rondes ou ovales. Ces ateliers ont pour but de favoriser une proximité avec l’enseignant-te : une proximité pour aider l’élève, une proximité pour le rassurer, une proximité pour faciliter des échanges et coopérations entre enfants. Toutefois, rien n’indique que les ateliers soient la formule idéale pour toutes les classes maternelles : l’enseignant ne peut s’occuper de tous les ateliers en même temps, les ATSEM n’ont pas vocation à se substituer au rôle pédagogique de l’enseignant, certains enfants peuvent terminer leurs réalisations avant d’autres, ou s’ennuyer ou ne pas comprendre la signification de ce qui leur est demandé. L’agitation des élèves à certains moments peut paraître comme un indicateur d’une situation non confortable pour les élèves. Rarement, interroge t-on la configuration en ateliers des apprentissages maternels. Rien n’indique qu’ils conviennent à toutes les activités, à toutes les situations, à tous les élèves dont la cognition et les capacités varient beaucoup à l’âge maternel d’un élève à l’autre. Il convient de poser un regard distant sur cette organisation, ré interroger cet usage habituel et peut être penser une alternance de dispositifs pédagogiques dans une classe maternelle avec des moments de travail en ateliers offrant des possibilités de coopération entre élèves ; des moments de retour en grand groupe qui permet de collectiviser les échanges et s’ouvrir au langage d’évocation ; des moments de recherche personnelle étayée par l’enseignant où l’élève apprend progressivement à s’engager dans une tâche seul, comme cela se vit en école élémentaire. L’objectif général est bien de permettre aux enfants de construire, à leur rythme, progressivement leurs personnalités, apprendre à se décentrer pour s’ouvrir aux autres, aux camarades de classe, entrer dans le langage avec les siens et les adultes.

Il est vrai que les ateliers permettent d'offrir aux enfants des jeux dont ils ont encore besoin, et des activités qui leur permettent de construire, à leur rythme, progressivement leurs personnalités. Dans un atelier, chaque enfant peut agir à son propre rythme et tenter de coopérer avec ses voisins. L’enseignant peut plus aisément repérer les lacunes des élèves, leurs erreurs et les aider dans un rapport duel, il peut plus facilement, avec le dispositif en atelier, aider les enfants dans une réponse personnalisée. L’adulte connaissant plus précisément les difficultés du jeune élève mais aussi ses possibilités, il lui proposera une progression mieux adaptée à ses besoins. Mais l’atelier doit aussi être un endroit de réels apprentissages aux visées correctement ciblées, modestes mais évaluables. Il convient que les élèves soient plus que quelques dizaines de minutes par semaines en réel apprentissage. Du coup, des dispositifs alternant travail en ateliers, évocation du travail en groupe collectif, étayages particuliers de l’enseignant-te. De manière générale, selon l’âge des enfants, la situation de l’école, il est utile d’observer certaines précautions :

 Effectuer une alternance entre les activités collectives et les activités individuelles, afin que les initiatives individuelles puissent se manifester plus facilement à certains moments, tandis qu’à d’autres la discussion s’instaure,

 Faire alterner les activités qui demandent de l’attention et celles basées sur les manipulations ou le mouvement qui facilitent et soutiennent l’effort mental,

 S’efforcer dans la journée de répondre le mieux possible à tous les besoins des enfants, suivant leur âge…

 Suivre le rythme biologique des enfants, le rythme de travail des enfants n’est pas régulier : alternance entre moments de calme et de repos (dus à la fatigue) et des périodes propices aux activités intenses et au mouvement.

 Les besoins des enfants sont pèle-mêle les suivants : besoins physiologiques (nourriture, sommeil) ; besoins de propreté ; besoins de sécurité, besoins de confort ; besoins affectifs (enthousiasme, écoute, jeux…) ; besoins de mouvement (activités motrices, rondes, comptines, jeux dansés, rythmes, expressions corporelles, récréation, jeux…) ; besoins de jeux et de plaisir (jeux d’imitation, jeux d’eau et de sable, jeux symboliques, déguisements, jeux dramatiques…) ; besoins de calme (jeux individuels, coin repos, coin bibliothèque) ; besoins de socialisation (jeux à règles, jeux de société, ateliers, activités collectives et par groupes) ; besoin d’autonomie ; besoins d’expression et de communication (conversations, échanges, langages, comptines, chants comptes, jeux auditifs codage/décodage) ; besoins de découverte (jardinage, eau, météo) ; besoins de manipulation (atelier mathématique, atelier lecture, atelier d’activités manuelles, jeux d’eau/sable/terre, coins de jeux, atelier graphisme) ; besoin de se connaître et de se situer dans l’espace et dans le temps (déguisements, puzzle, récits, contes, jeux, activités motrices, maths) ; besoin de création (peintures, dessins libres, jeux dramatiques et autres activités créatrices) ; besoin d’imagination (contes, comptines, poèmes, dessins libres, coins de jeux).

Pour les tous petits, il convient d’offrir des activités variées afin qu’ils ne se lassent pas trop vite (coin cuisine, coin chambre, coin garage, jeux d’eau, atelier de déchirage et d’enfilage de grosses perles, atelier de peinture (au doigt, éponges, gros pinceaux … ) et de dessin libre, gros jeux à traîner…

Afin que les élèves demeurent en activité et ne finissent pas par s’agiter par ennui, il conviendrait de rythmer la matinée avec par exemple, 15 minutes d’ateliers, 7 minutes de regroupement collectif pour partager ce qu’on a fait, la tâche qu’on a faite, comment on a réalisé la tâche, qu’est-ce qu’on a pu apprendre et qu’est-ce qu’on pourrait faire ensuite. (cela permet de travailler le langage d’évocation). Puis retour en atelier pendant 15 minutes et 7 minutes de regroupement collectif. Et ainsi de suite.

 Les ateliers permettent d’offrir aux enfants des jeux dont ils ont encore besoin, et des activités qui leur permettent de construire, à leur rythme, progressivement leurs personnalités. Ils respectent le rythme propre de chaque enfant et favorisent la coopération. Le repérage des difficultés des élèves, de leurs lacunes, de leurs erreurs dans un rapport duel et de proximité avec le maître de grammaire. L’aide aux enfants peut davantage être personnalisée, mieux adaptée à ses besoins.

 Précisons maintenant les points forts et les points faibles du dispositif pédagogique en atelier :

 Les points forts des ateliers sont la proximité entre élèves et avec l’enseignant qui vient les aider et s’asseye auprès d’eux dans une relation duelle. Ce sont aussi des petits regroupements où il est plus facile de solliciter la parole des élèves, d’effectuer du langage de situation à 3 ou 4 : que fais-tu ? que ce passe t-il ? qu’en pensez-vous ? qu’observe t-on ? on peut se dire quoi…

 Les points faibles sont de proposer trop d’ateliers diversifiés, une grande variété sur une semaine avec des enfants qui n’y participe pas ou fort peu : 10 minutes seulement ; la dérive est que les apprentissages réels manquent : chose à bien veiller (cf. ce que souligne le rapport Bentolila sur l’école maternelle). Avec les ateliers, il y a un risque d’éparpillement des activités, les travaux réalisés dans chaque atelier risquent d’enfermer les enfants dans une activité individuelle ou de groupe ne découlant d’aucun projet commun, sans liens avec les autres réalisations. Si l’intérêt premier de l’atelier est de permettre aux enfants de progresser à leur propre rythme, il convient de créer des liens entre les ateliers tout en privilégiant l’épanouissement personnel de l’enfant.

 En conclusion pour re - imaginer la classe maternelle :

 On pourrait penser une autre classe en atelier plutôt différencié que diversifié. Ainsi, une même tâche serait proposée pour 4 ateliers, par jour. Mais on prévoirait une différenciation des difficultés des tâches à anticiper et modérer selon les possibilités connues des élèves. On demanderait plus à certains groupes d’enfant, moins ou autrement à d’autres, et cela selon les activités.

 L’idée étant au final d’arriver en fin d’année à demander autant ou pareil à tous les élèves. Ce serait une même tâche proposée avec des variantes d’acquisition différentes, une variante différente pour chacun des ateliers ou regroupements des enfants en atelier. Ce dispositif demande d’évaluer au préalable les élèves pour ajuster le dispositif. Il est vrai qu’en maternelle, plus particulièrement, on peut rencontrer de grands écarts de développement et possibilités cognitives chez les jeunes élèves qui se résorbent avec le temps et des activités qui s’inscrivent dans leur juste zone de proche développement.

 Le principe est de développer un apprentissage différencié par groupes de besoin variables selon les tâches, les époques de l’année scolaire, les élèves et les compétences visées... La pédagogie différenciée permet donc de mettre en place des groupes de besoin. Ces groupes, contrairement aux groupes de niveaux, sont malléables et ponctuels. En d’autres termes, les groupes de besoin sont constitués en fonction des besoins des élèves à un moment donné sur un problème donné. Ils ne constituent en aucun cas des groupes de niveau à péréniser dans l’année.

 Il convient pour l’enseignant de savoir élaborer un « escalier » des difficultés, un itinéraire des difficultés vis-à-vis d’un objet de savoirs, vis-à-vis d’une compétence à faire acquérir. Ce qui exige un savoir faire pas toujours maîtrisé et peu enseigné, semble t-il. Cela étant, se dégage ici un axe majeur de réflexion pour une professionnalité accrue et une piste nouvelle de formation des enseignants.

Ph. C.

 

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