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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Les gestes professionnels dans la classe. Ethique et pratiques pour les temps qui viennent, de Dominique Bucheton

Le métier d’enseignant est dans la tourmente. Quel sens lui donner aujourd’hui dans une société qui affronte un choc violent de valeurs, de conflits sociaux, de transformations technologiques très rapides ? Quelles en sont les diverses responsabilités éducatives, citoyennes, écologiques, scientifiques ? Quelle éthique fonde les gestes professionnels des enseignants dans le quotidien de leur action ?" C'est tout une savoir sur l'Ecole que Dominique Bucheton, professeure à l'université de Montpellier, réunit dans un livre (Editions ESF Sciences humaines). L'ouvrage est à la fois une méthode d'analyse des gestes professionnels, une pensée sur l'Ecole et l'importance de l'éthique dans le métier enseignant. Un livre très riche qui répond aux questions que se posent les enseignants face au "nouveau métier enseignant" que le ministre veut imposer. Elle revient sur plusieurs points dans cet entretien. (Extrait du Café Pédagogique).

ll y  au moins quatre livres dans votre dernier ouvrage. C'est un manifeste politique ? Une réflexion sur le métier enseignant ? Un manuel de formation ? Ou tout cela ensemble ?

 

C'est un cri d'alerte, un engagement politique, un désir d'ouvrir des perspectives aussi. Ce livre s'inscrit dans un moment de rupture politique, économique, écologique. On est dans une crise majeure, à la fin d'un système. Et de mon point de vue l'Ecole a un rôle fondateur à jouer dans l'avenir commun de l'humanité, pour sortir de cette crise. Le livre veut alerter sur cette dimension. Mais pour cela , le livre veut aussi donner des outils pour penser les difficultés des enseignants et du métier. Tout cela est indissociable. La question des pratiques enseignantes, des décisions prises en classe s'inscrivent dans une éthique et une conception de l'élève, de la société et de la justice sociale. C'est la complexité du livre.

 

Vous dites que le métier enseignant est en crise et même que l'identité de l'école française est en danger. Quels sont les éléments de cette crise ?

 

La crise de l'Ecole n'est pas que française. C'est une crise européenne , une crise du système politique libéral qui inscrit les enseignants dans une crise générale. Elle se caractérise par la  non reconnaissance de leur travail, de bas salaires, l'autoritarisme, le découragement, le burn out etc. Les écarts sociaux et scolaires augmentent. Mais il y a une autre crise : ces 20 dernières années il n'y a pas eu de réflexion sur la refondation du métier avec l'enjeu d'un autre rapport au savoir, d'une autre conception de la relation pédagogique et didactique. Plusieurs crises s'ajoutent et là on voit que la coupe est pleine.

 

Vous proposez dans ce livre une méthode d'analyse du métier enseignant : le modèle multi agenda (MMA). Quels sont ses éléments nouveaux ?

 

C'est une méthode déjà proposée depuis une quinzaine d'années. Il repose sur une analyse fine de ce qui se passe en classe. Il explique une partie de la relation pédagogique et didactique en observant l'architecture compliquée de la relation pédagogique. Ce modèle met en évidence qu'il y a dans les gestes professionnels une responsabilité dans la réussite ou l'échec des élèves. On observe que certaines postures des enseignants provoquent plus d'engagement des élèves ou plus de créativité. Il montre aussi des logiques en arrière plan des gestes des enseignants. Ce qui est nouveau dans le livre c'est de monter que ces logiques rencontrent des logique des élèves, avec leur culture, leur engagement, leur réalité sociale, leur représentation de l'école.

 

Dans l'école on est souvent dans le malentendu. On a besoin d'outils pour comprendre où sont les résistances du coté des enseignants ou des élèves. Il apparait que derrière chaque décision il y a des valeurs, des conceptions des élèves par exemple une minoration de leur développement intellectuel. Derrière chaque geste il y a une conception idéologique de l'école, de la société et du sens profond qu'on donne à son métier et qu'on espère de la société. Coté élèves, l'enseignant est devant un grand cerveau collectif et il doit comprendre ce qui s'y passe.

 

Tout cela fait du métier un métier passionnant mais difficile qui demande un travail collectif et  non des injonctions tombées d'en haut.

 

Ce que vous montrez c'est ce que les enseignants expérimentés découvrent avec des années de pratique. Ca peut vraiment s'apprendre en formation initiale ?

 

C'est compliqué d'apprendre le métier sur le métier. On peut apprendre bien. Mais on peut aussi adopter des doxa professionnelles pas bonnes. On a des révolutions professionnelles à faire y compris sur la doxa professionnelle. Il faut en fait une formation en alternance pour pouvoir interroger les conceptions que l'on entend avec le regard du terrain et regarder le terrain avec des modèles scientifiques. Il faut que les formateurs aient cette double culture.

 

Or la plus grosse question de l'école aujourd'hui c'est celle de la formation des enseignants. C'est le chantier le plus important qui doit être ouvert comme on a su le faire dans certains pays, la Grande Bretagne par exemple ou l'Irlande. Aujourd'hui la formation est trop courte. Et en plus on remplace les enseignants par des vacataires. On va dans le mur.

 

Vous insistez sur l'importance de l'éthique. Est ce seulement l'éthique du fonctionnaire ?

 

Je fais la différence entre éthique et déontologie. On est pas dans une éthique pratico-pratique mais dans une éthique de l'humain. C'ets à dire la capacité à distinguer le bien du mal, à prendre ses responsabilités, à avoir un projet pour l'humain. Pour les enseignants la question c'est de développer le pouvoir et la liberté de penser des élèves. Cela pour leur développement personnel et celui de la société. Il faut leur laisser de l'autonomie, développer leur capacité à interroger les savoirs. Cette ethique de la confiance se traduit par des espaces ouverts dans la classe :des espaces de discussion, de travail collectif, de penser avec et contre les autres.

 

Il faut postuler la capabilité des élèves, refuser l'injustice sociale, questionner les principes de soumission à l'autorité qui ont tant pesés sur l'Ecole.

 

Mais il y a aussi une éthique professionnelle : être responsable du métier, le défendre et le faire évoluer. Une éthique citoyenne : les enseignants portent l'évolution de la société en éduquant les enfants. Il doivent forger des citoyens critiques , solidaires, engagés. C'est une responsabilité énorme. Et c'est pour cela que les enseignants doivent être reconnus.

 

N'y a-t-il pas une contradiction entre cette éthique et la réalité du rôle de l'Ecole qui est de participer au tri social ?

 

On est en effet dans un système où on catalogue les enfants dès 2 ans et où on les met dans des cases sous prétexte de les aider. On ne fait que cela aujourd'hui : évaluer, trier, étiqueter. Les évaluations sont devenues des moments douloureux. On voit l'angoisse en ce moment dans les lycées. Or je suis persuadée qu'on sous estime les capacités des élèves.  On a besoin d'un autre projet, d'une autre école, une école qui fait avancer tout le monde. On a les moyens de le faire.

 

Vous insistez dans le livre sur la liberté pédagogique. Or celle ci est régulièrement attaquée et rognée. Pourquoi cette défense ?

 

Je la mets au centre du métier : le métier d'enseignant est dans l'ajustement, c'st à dire la capacité à observer les élèves, les comprendre et prendre les décisions nécessaires pour faire avancer tout le monde. Cela suppose la liberté pédagogique. Maintenant la liberté pédagogique est une liberté collective qui se construit dans le collectif professionnel. La liberté pédagogique est aussi un espace de réalisation personnelle de l'enseignant qui poursuit un projet , une idée. C'est aussi cette quête qui fait avancer les élèves.

 

Ce livre est un pari sur l'intelligence ?

 

Je crois à l'intelligence collective. On est obligé de faire ce pari sinon il n'y a pas d'avenir. Les enseignants sont dans l'attente d'une transformation et sont capables de s'engouffrer dans une fenêtre qui s'ouvrirait. C'est ce qui fonde mon optimisme. Je veux dans ce livre insister sur le fait que le métier enseignant n'est pas un métier d'exécutant technique. C'est un métier intellectuel et pragmatique et toujours un engagement.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Dominique Bucheton, Les gestes professionnels dans la classe. Éthique et pratiques pour les temps qui viennent. Editions ESF Sciences humaines. ISBN 978-2-7101-4000-9

 

Les gestes qui parlent - analyse de la pratique enseignante (et de formation), de Jean Duvillard

La formation des enseignants et des formateurs d'adulte ne peut plus ignorer les gestes professionnels. A la suite des travaux de Bucheton, Alin et Jorro, Jean Duvillard apporte son éclairage particulier qui souligne qu'enseigner est aussi un art du détail, un souci du détail qui va avec un souci de sa posture, de sa gestuelle, de sa voix et du choix des mots. L'ouvrage de Jean Duvillard veut redonner toute sa place à la dimension gestuelle du métier. En bien des cas, il suffit d'une inflexion de la voix, d'un geste, d'une posture trouvés juste au bon moment pour gérer un conflit ou asseoir son autorité.

"Il est intéressant de faire le lien entre le mot enseigner et son étymologie : "marqué d'un signe", note Jean Duvillard en ouverture du livre. Formateur en Espe il se fixe comme objectif dans ce livre de mettre en lumière "les signes qui vont faire impression sur l'élève dans le sens où ces derniers vont l'imprégner. Ils sont ces marqueurs qui participent activement à la relation éducative, tous ces petits gestes qui donnent vie au discours".  Pour J Duvillard, "enseigner est un art du détail". Et ces micro gestes professionnels , porteurs d'une signification ont un effet sur les élèves. Aussi, faut-il enseigner ces gestes et  leur donner une vraie force à partir du moment où ils deviennent déterminés et travaillés en formation de formateurs. Pour lui", ce sont des fondamentaux à travailler en formation initiale si l'on veut faire acquérir une certaine dextérité dans la maitrise des gestes du métier d'enseig

Ces gestes professionnels, Jean Duvillard en compte 5 : la voix, le regard, l'usage du mot, la posture gestuée, le positionnement tactique ou stratégique dans son placement et ses déplacements. Ainsi on observe pour chaque geste ce qui fait de l'enseignant un "passeur de signes" et de l'élève un décodeur. C'est très concrètement, photos à l'appui, que Jean Duvillard aborde chaque geste. Ainsi pour la voix, il aborde le timbre, la portée, le débit , l'accentuation pour arriver à la "conscience musicale du discours", celle qui permet d'être conscient du maniement de cet instrument pour obtenir un résultat éducatif. Il existe des endroits meilleurs que d'autres pour obtenir telle ou telle réponse des élèves. Duvillard en explique les paramètres comme la distance à l'élève ou le champ de vision.  

Renvoyant à Peirce et à sa théorie du geste, l'idée importante est celle de l'intention mise dans le geste. Les gestes du métier sont plus en rapport avec des mises en scène, des habitudes. Le geste professionnel a une portée symbolique. C'est parce que je suis conscient de la portée symbolique du geste que je peux avoir un effet.

C'est un approche renouvelée de la dimension métier en formation de formateurs, très pragmatisées.

Jean Duvillard, Ces gestes qui parlent, Esf Editeur, ISBN 978-2-7101-3112-0

Extrait d'interview du Café Pédagogique : On regarde souvent la voix uniquement sous l'angle médical. Pour vous la voix est un outil pédagogique ?

J'en suis persuadé. Et je l'ai enseigné plus de 20 ans en Espe ou Iufm. Deux exemples; Dans le smots : dans la phrase "ce n'est pas mal ce que tu as fait", l'élève entend instinctivement le mot "mal". Mais l'intonation joue aussi un rôle. On peut prouver que la musique d'une phrase a un effet sur les élèves.

Vous parlez de positionnement tactique et stratégique. Pourquoi ? 

Le lieu d'où l'on parle n'est pas neutre. Dans chaque salle de classe il y a un lieu pour la parole instituée. Mon corps, ma posture, ma façon de me déplacer disent des choses que les élèves captent. On peut dire que les 20 premiers pas, les 20 premiers mots, les 20 premiers centimètres du visage sont déterminants pour l'enseignant et bien compris par les élèves. C'est quelque chose que les chasseurs de têtes avent aussi très bien. Donc il faut le travailler.

Avec cette théorie ne risque t-on pas de réduire la pédagogie à des astuces ?

Non car déjà cela demande du travail. C'est en fait un vrai travail d'apprivoisement de soi. Dans le livre je ne donne pas de recette. J'invite à penser la cohérence entre son regard, sa voix, son positionnement et ses intentions pédagogiques.

Peut-on enseigner ces micro gestes dans un livre ?

On peut décrire dans le livre des situations. On peut expliquer ce qu'est un micro geste professionnel. Mais on peut aussi compléter le livre avec le Mooc lancé par l'université Lyon 1 ou la chaine Youtube. Ils complètent l'ouvrage. Et je suis sûr que ces outils peuvent permettre d'améliorer la gestion d'une classe difficile.

Propos recueillis par François Jarraud, le Café Pédagogique.

Extrait d'interview du Café Pédagogique : On regarde souvent la voix uniquement sous l'angle médical. Pour vous la voix est un outil pédagogique ?

J'en suis persuadé. Et je l'ai enseigné plus de 20 ans en Espe ou Iufm. Deux exemples; Dans le smots : dans la phrase "ce n'est pas mal ce que tu as fait", l'élève entend instinctivement le mot "mal". Mais l'intonation joue aussi un rôle. On peut prouver que la musique d'une phrase a un effet sur les élèves.

Vous parlez de positionnement tactique et stratégique. Pourquoi ? 

Le lieu d'où l'on parle n'est pas neutre. Dans chaque salle de classe il y a un lieu pour la parole instituée. Mon corps, ma posture, ma façon de me déplacer disent des choses que les élèves captent. On peut dire que les 20 premiers pas, les 20 premiers mots, les 20 premiers centimètres du visage sont déterminants pour l'enseignant et bien compris par les élèves. C'est quelque chose que les chasseurs de têtes avent aussi très bien. Donc il faut le travailler.

Avec cette théorie ne risque t-on pas de réduire la pédagogie à des astuces ?

Non car déjà cela demande du travail. C'est en fait un vrai travail d'apprivoisement de soi. Dans le livre je ne donne pas de recette. J'invite à penser la cohérence entre son regard, sa voix, son positionnement et ses intentions pédagogiques.

Peut-on enseigner ces micro gestes dans un livre ?

On peut décrire dans le livre des situations. On peut expliquer ce qu'est un micro geste professionnel. Mais on peut aussi compléter le livre avec le Mooc lancé par l'université Lyon 1 ou la chaine Youtube. Ils complètent l'ouvrage. Et je suis sûr que ces outils peuvent permettre d'améliorer la gestion d'une classe difficile.

Propos recueillis par François Jarraud, le Café Pédagogique.

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