Aide à l'analyse du travail, complément UE4-2
Ceci est une fiche d'aide à l'observation et à l'analyse du travail à effectuer pour la validation de l'UE 4-2 (travail de son boulanger, infirmier, médecin, enseignant, coach sportif, artisan, garagiste, animateur, caissier, employé de banque/assurance, vendeur d’automobiles, etc.…).
Description générale des éléments en rapport avec le travail :
- Personne concernée, lieu de travail, matière première, moyens pour le travail, machines, outils périphériques utilisés, implantation des machines, flux de matières et d'information, manutentions, locaux de travail...
- Opération de travail observé, description des activités de travail observées, fréquence des opérations, horaires, cadence de travail...
- Problèmes ressentis par l'opérateur ou travailleur : Autonomie, variation d'allure, temps d'arrêt, horaires...
- Relation dans le travail : isolement, encadrement, co-activité, monotonie, répétitivité, responsabilité, intérêt au travail, initiative, compétence pour le travail, statut de travail...
- Travail prescrit dans le cycle normal : tâche, opération séquentielle, incident, récupération, production demandée, exigence de qualité, consigne, norme...
- Santé au travail : stress, troubles musculaires, fatigue...
- Exigence pour l'activité : précision, minutie, complexité...
- Commande des outils à utiliser, informations, signaux, instructions, lieux des prises d'information, verbalisation, incident et leur traitement,
- Nature du travail, caractéristiques du poste de travail, conduite de la tâche, surveillance, montage, service, environnement général du poste de travail, moyens de travail, ambiance thermique, ambiance sonore, ambiance lumineuse, poussière, fumée, odeur ...
- Risques généraux : chute, manutention, électricité...
- Risques spécifiques : machine, brûlures, produits toxiques, accidents du travail, maladies professionnelles...
- Effets du travail sur les opérateurs : santé, compétences, sécurité, effets du travail sur l'entreprise...
- Production, quantité, qualité, fiabilité, travail réel.
L'analyste du travail d'un opérateur observe en général les déplacements, les postures (assise, debout, courbée...) la position des membres, les efforts statiques et dynamiques, les fréquences des efforts, la coactivité avec d'autres opérateurs, les communications, la mobilisation de l'opérateur, l'attention, la prise de décision, les contraintes de temps, les prises d'informations, les récupérations d'incident, les interventions diverses, la direction des regards, l'empressement, le stress ...
1- Les déplacements :
Les déplacements sont le plus souvent facilement observables et aussi quantifiables. Ils mettent en évidence des caractéristiques du travail réel en fonction de l'organisation de l'espace de travail. Ils permettent d'obtenir des renseignements sur les prises d'information, les opérations à effectuer, les communications échangées entre opérateurs tout en donnant des indications sur la fatigue physique de l'opérateur, les possibilités de limiter ou non les trajets. Ils donnent également des indications sur l'organisation collective du travail. Le recueil des déplacements doit permettre la mise en évidence de certaines caractéristiques du travail réel, et ainsi de mieux comprendre l'activité de travail. Questions à se poser :
- Où travaille l'opérateur ? Quels sont les points fixes, quels sont les endroits où se rend l'opérateur au cours de son activité de travail ? Faire la liste éventuellement à partir d'un plan, noter si ces déplacements sont fréquents ou occasionnels et pourquoi. Noter ce que fait l'opérateur dans certains de ces lieux. Dans quel ordre ses déplacements sont-ils effectués ? Notez-le. Ces ordres sont-ils stables ou variables ? Pourquoi ? Quels sont les chemins parcourus pour passer d'un lieu à l'autre ? Dans quel type de lieu ces chemins demandent-ils de passer ? S'agit-il de lieux encombrés ou bruyants ? Les noter sur un plan. Noter si les chemins sont stables ou variables et pourquoi ? Quelles sont les fréquences des déplacements ? Quelles sont les durées de présence sur les différents lieux ? Noter si les présences sont stables ou variables et éventuellement pourquoi ? Quels sont les moyens de déplacement utilisés ? Un plan de l'espace de travail est à réaliser, c'est indispensable afin de mettre en relation les observations recueillies et évaluer les distances parcourues. On peut recueillir les déplacements avec du papier et un crayon et les dessiner, ou bien utiliser un tableau à double entrée pour faciliter la prise de notes et prendre en compte l'enchaînement des lieux fréquentés. On peut aussi utiliser un enregistrement vidéo qui facilite l'observation, le codage et la quantification de la fréquence des déplacements. La durée des déplacements est adaptée à la situation de travail observée.
Il est important d'identifier les causes des déplacements et leurs effets. Il importe de faire verbaliser à l'opérateur l'objectif de ses déplacements et de ses piétinements. S'agit-il d'une prise d'information, d'une communication, ou d'action à conduire. Il importe aussi de signifier leur pénibilité éventuelle, les inconvénients ou des avantages. On peut analyser les déplacements en termes de distance des trajets, de fréquence, de durée, d'enchaînement des lieux fréquentés, d'obstacles. Ces données sur l'analyse des déplacements peuvent se présenter sous diverses formes : un tableau à double entrée afin de montrer l'enchaînement des lieux de déplacement, un tracé des déplacements pour noter les espaces fréquentés et le nombre de déplacements correspondant, un graphique par secteur ou un histogramme afin de mettre en évidence de façon statistique le temps d'activité consacré au déplacement, l'importance de la durée de chaque déplacement par rapport à l'ensemble des déplacements, l'importance des piétinements par rapport au trajet plus important, la fréquence des déplacements par tranche horaire. Un chronogramme peut mettre aussi en relation le temps et les lieux de déplacement. Il permet de visualiser la succession des déplacements, leur durée, leur répétition et l'objectif principal des déplacements ainsi que les objectifs secondaires.
Interprétation : l'analyse des déplacements apporte des informations sur le travail réalisé par l'opérateur, par exemple la nécessité d'effectuer des contrôles, de prendre des informations, ou bien d'échanger avec des collègues ou d'agir sur un système de production, les contraintes de la production ou de l'implantation des machines. Cela étant, il convient de vérifier auprès de l'opérateur par un entretien, quelles sont ses intentions lorsqu'il se déplace, quelles sont les activités réelles qu'il conduit lors de ses déplacements et leurs intérêts. L'analyse permet ainsi de vérifier les hypothèses éventuellement émises pour comprendre la situation de travail, les valider ou non. Elle permet une interprétation fine des modes de déplacement. De manière générale, les déplacements peuvent être source de problème, mais aussi révélateurs de stratégies mises en place par rapport à ces problèmes. Les questions à se poser sont : quelles sont les relations entre les déplacements et le problème à traiter, les effets positifs ou négatifs du travail ? Pourquoi ? Y a-t-il d'autres conditions pour que les effets positifs ou négatifs surviennent ? Ces conditions sont-elles en relation avec les déplacements ? Il faut également s'intéresser aux questions suivantes. L'opérateur se déplace pour faire quoi et comment ? Quelles sont les conditions et les contraintes qui amènent l'opérateur à se déplacer de cette façon dans ces conditions ?
2 - Les postures
La fonction posturale présente une grande importance, en effet c'est à elle que se rattachent toutes les formes d'adaptation sensori-motrice de l'activité de travail. La posture est la situation du corps ou de certaines parties du corps dans l'espace déterminant les aptitudes physiques de l'individu. L'activité posturale soutient l'action en assurant l'adaptation minutieuse des gestes à la tâche proposée ainsi que leur coordination en vue du résultat à obtenir. Elle soutient aussi les activités perceptives, par exemple pour l'activité visuelle en positionnant l’œil et la tête par rapport à la source. Deux aspects sont essentiels dans l'analyse des postures du travailleur : la nature des postures et les enchaînements posturaux.
Les contraintes varient selon les conditions externes à l'opérateur comme la tâche à exécuter ou l'environnement. Elle se modifie dans le temps selon la variabilité et la diversité de la tâche. Elle varie aussi en fonction des conditions internes à l'opérateur : le sexe, la taille, le poids, l'âge, l'état de santé, l'entraînement physique ou le vieillissement...
Les postures expriment la relation de l'individu avec la situation de travail. Du point du psycho physiologique, elles sont en relation fonctionnelles avec le traitement des informations spatiales qui déclenche ou bien contrôle les activités motrices. Elles peuvent ainsi constituer un observable et un indicateur d'activité mentale. En tant qu'aspect fondamental de l’activité motrice, elles font partie de la charge de travail. Elles peuvent aussi avoir des effets néfastes pour le travailleur. L'analyse des exigences du travail du point de vue des effets posturaux peut s'effectuer dans un premier temps par une observation et une description des séquences gestuelles temporellement et spatialement localisées, des modalités sensorielles à mettre en jeu pour l'exécution du travail ou des forces exercées au cours du travail. Les questions à se poser à ce niveau sont : de quelles activités les postures observées sont-elles significatives ? Quels sont les effets pour l'opérateur des postures observées ? Quels sont les déterminants de ces postures ?
En règle générale, la posture constitue un aspect fondamental de l'activité de travail de telle sorte qu'il apparaît le plus souvent important de pousser l'analyse par des observations systématiques et des mesures. Il convient alors d'élaborer un code pour établir une grille d'observation. Le recueil et le traitement de photographies peuvent aider à l'établissement de ce code. Pour relever les postures, on utilise le plus souvent des schémas simplifiés du corps qui permettent de distinguer les positions du buste, de la tête, des jambes, des bras, des pieds, que l'on a retenues comme observables, en fonction des hypothèses construites précédemment sur l'activité de travail en question (Inclinaison du buste, vertical penché, en arrière, angle tête buste - dans le prolongement du buste, tête fléchie, tête inclinée, angle tronc fémur inférieur à 90 % égal à 90 % ou supérieur à 90 % ). Le choix de la fréquence des relevés est déterminé par le type de travail exécuté. Les choix varient selon que le travail observé comporte de nombreux changements de posture, le maintien de certaines postures, des modifications de posture avec la durée du travail. L'utilisation d'une grille d'observation systématique permet alors d'établir la succession des postures dans le temps et la durée de maintien de chaque posture. Des captations vidéo facilitent la prise en compte de chacune des postures et des variantes de chacune des postures. L'analyse des postures du travailleur prend sa véritable signification dans la relation avec d'autres variables. On devra nécessairement établir les relations de la posture avec les tâches exécutées, les caractéristiques de l'opérateur, l'espace dans lequel le travail réel se déroule et d'autres dimensions du travail réel. Les interactions entre les déterminants de l'activité et les postures adoptées par les opérateurs mettent en évidence le degré de compatibilité dimensionnelle du poste des opérateurs ainsi que les variations dans le temps des réponses posturales aux exigences du travail. Elles permettent de comprendre le coût du maintien ou des changements de posture.
3 - Les directions du regard
La direction du regard en tant qu'observateur de l'activité rend compte des lieux, des moments, des durées, des fréquences de certaines prises d'information par l'opérateur observé. Les directions du regard à recueillir sont donc uniquement celles qui sont significatives du travail réalisé par l'opérateur. Elles s'accompagnent généralement de changements d'orientation de certaines parties du corps (tête, corps, jambes) et peuvent être appréhendées à partir des observables que sont les gestes, les postures, les déplacements. À ces directions du regard, il faut lors du recueil de données associer certaines variables présentes dans la situation et qui sont pertinentes compte tenu des objectifs de l'analyse (individu, et espace, temps, objets, moyens). Le recueil de la direction du regard est certainement l'un des plus difficiles à réaliser. Toutefois, il est possible de le faciliter en utilisant un appareil vidéo et en maintenant la caméra à la main afin de suivre de près la personne qui travaille. Il s'agit de repérer grossièrement l'importance des regards dans le déroulement de l'activité de travail ainsi que les autres variables qui pourraient leur être associées. L'interprétation des directions du regard n'est pas toujours possible pour l'analyste du travail, d'autant plus qu'elles ne provoquent pas nécessairement de transformation d'objet matériel, mais elles sont surtout le signe d'une activité cognitive du travailleur. Il est donc nécessaire de réaliser des entretiens avec l'opérateur pour qu'il explicite la signification que lui-même donne à ses regards observables. On peut représenter les regards observés sous forme de schémas ou d'histogrammes montrant par exemple la durée des directions du regard pendant une séquence de travail d'un opérateur à un poste de contrôle.
4 - Les communications
Les communications peuvent s'exprimer sous une forme verbale, ou sous une forme non verbale. Elles participent à l'activité de travail de l'opérateur. Elle s'inscrit dans un cadre collectif pour établir un échange avec une ou plusieurs personnes au cours du travail. Certaines communications sont spontanées et bien souvent indispensables à la réalisation de la tâche du travail. Les communications contribuent à aider à la prise de décision, à planifier l'action, à accomplir l'action, à modifier l'action, à assurer la coordination interindividuelle, à gérer les dysfonctionnements, à résoudre les incidents. Selon les situations de travail observées, les communications peuvent se présenter en continu au sein de l'activité des opérateurs ou de façon très ponctuelle. Elles peuvent être échangées à un même niveau hiérarchique ou entre individus de niveau hiérarchique différent. Il est généralement utilisé le terme de communication fonctionnelle pour rendre compte de celles qui sont directement liées au travail et de communication sociale pour rendre compte des autres. L'analyse des communications contribue à rendre compte de la manière dont les communications s’insèrent dans le travail réel de l'opérateur du point de vue de leur contenu, de leur moment d'apparition, de leur durée, de la fréquence et des relations qu'elles entretiennent entre elles avec les tâches et plus généralement avec les situations. Ces communications permettent à l'observateur de bien mieux identifier et comprendre la répartition des tâches entre chacun, le fonctionnement de l'équipe de travail et ses relations avec les services voisins ou la hiérarchie, le fonctionnement cognitif mis en œuvre par l'opérateur pour réaliser sa tâche, les éventuels manques d'information, les contraintes ou difficultés auxquelles l'opérateur est confronté qu'il doit gérer. Il s'agit pour l'analyste du travail de comprendre le pourquoi faire de l'expression de ses communications et d'identifier certains déterminants de la situation de travail. On peut ainsi chercher à répondre aux questions suivantes : qui communique ? Avec qui ? Selon quelles modalités ? Selon quel canal ? Quand ? Où ? Dans quelles circonstances ? Avec quel objectif ? Quel est le contenu des échanges ? Comment communique-t-on ? Pour recueillir les communications, on peut effectuer un recueil par papier-crayon, par enregistrement en vidéo, ou bien plus simplement au moyen d'un enregistrement audio. La durée du recueil dépend de ce qui significatif pour l'opérateur et pour l'analyse du travail. L'analyse des communications exige une retranscription préalable de l'intégralité ou d'une partie des échanges, un découpage, une codification et catégorisation des données recueillies. On peut découper les communications en unité élémentaire comme le tour de parole, la phrase, la portée sémantique ou thématique de l'échange. La catégorisation et la codification des échanges et de leur forme sont une question complexe. Cela nécessite une réflexion préalable relative à ce qu’il est utile d'analyser. On peut distinguer des analyses en termes de durée, de succession, de fréquence, de contenu. L'interprétation qui suit immédiatement la phase d'analyse se fait à partir des résultats obtenus au cours de l'analyse et vise à introduire du sens dans ce qui a été observé. Cette interprétation consiste à établir des relations entre les résultats observés et des aspects contextuels plus larges de la situation de travail de l'opérateur ayant conduit à la réalisation de cette activité. Il est visé le à quoi ça sert ou le pourquoi faire de chaque activité de communication. En définitive, l'analyse des communications permet l'élaboration d'hypothèses ou la vérification de la validité de certaines d'hypothèses émises afin de comprendre la situation de travail. Par exemple, la durée des communications est révélatrice des difficultés ou des facilités que l'opérateur présente pour résoudre tel ou tel problème avec un client. Les analyses fréquentielles peuvent révéler des communications trop fréquentes entre différentes personnes, révéler un collectif de travail inefficace ou une organisation inadaptée. Les analyses de contenu peuvent révéler les centres d'intérêt ou les préoccupations majeures des opérateurs à leur travail à travers les objets ou les mots employés, les exigences de précision du travail, le degré de spécialisation dans le travail ou l'expérience acquise à travers le vocabulaire utilisé.
5 - Les verbalisations
Les verbalisations sont des discours de l'opérateur et plus largement des autres personnes présentes dans l'entreprise, dans la situation de travail. Ce sont des discours pour compléter le recueil et le traitement des autres observables des situations de travail. Ces verbalisations peuvent être spontanées ou bien provoquées par l'analyste du travail. Elles dépendent en général de la relation de confiance qui s'est établie entre l'analyste du travail et l'opérateur, et de la progression de la compréhension de la situation de travail. Globalement, les verbalisations aident l'analyste du travail à approcher le travail de l'opérateur du point de vue de ceux qui en parlent, et surtout du point de vue de celui qui réalise concrètement son travail. Elles complètent une observation ouverte et systématique du travail. Parce que l'observation directe présente ses limites, l'activité ne se réduit pas à ce qui est observable comme les gestes, les postures, les déplacements et les directions de regard, elle contient également toute une activité cognitive de prise d'information, de planification, de raisonnement, de diagnostic, d'anticipation, de prise de décision, qui n'est pas directement accessible par l'observation. Cette opacité cognitive du travail doit être questionnée et déduite grâce aux entretiens avec l'opérateur pour bien comprendre le travail réel, les contraintes qui pèsent sur lui, les stratégies mises en œuvre et l'intelligence du travail que possède nécessairement l'opérateur. De plus, l'analyste du travail doit pouvoir restituer ses observations dans un contexte temporel bien plus large que celui de la seule observation directe. Les verbalisations recueillies dès les premiers contacts auprès de l'opérateur ou de son entourage, qu’on peut appeler le briefing, permettent d'obtenir des informations générales du point de vue de celui qui parle de la situation et surtout du point de vue de l'opérateur qui vit la situation, sur les caractéristiques de la population, de l'entreprise, sur le travail prescrit formellement ou informellement. Il offre les premières descriptions du travail réel, les effets du travail et quelques relations entre déterminant, activité, effet du travail. Cela permet d'identifier des contraintes et de formuler les premières hypothèses sur les relations de causalité en jeu entre les divers composants de la situation. Il est aussi permis de définir des modalités d'observation systématique et d'établir une première grille de recueil d'observation. Les verbalisations recueillies auprès de l'opérateur durant ou plutôt après les observations, qu'on appelle aussi le temps de débriefing, permettent de mieux comprendre l'activité réalisée et ses déterminations. Elles enrichissent les premières analyses effectuées sur les déplacements, ou les directions du regard. Elles permettent de saisir le sens et l'intention de l'opérateur. Elles offrent l'opportunité d'identifier des nouveaux éléments qui mériteraient d'être plus approfondis, de mieux comprendre les effets constatés ou probables du travail, de valider les observations réalisées. Le questionnement s'effectue avec des questions fermées pour mieux orienter le questionnement vers un choix de réponses délimitées, cadrées et donc souvent très restreintes, ou des questions ouvertes permettant d'interroger l'opérateur de façon plus souple et ainsi susciter davantage de réponses et d'informations. Les relances consistent à partir de ce que dit l'opérateur à l'aider à développer sa réflexion en s'appuyant sur des éléments évoqués ou ce que l'analyste du travail a pu recueillir par ailleurs. Les relances et les questions ouvertes sont en général à privilégier durant les premiers contacts avec l'opérateur. Les questions plus fermées s'avèrent souvent utiles lors de l'analyse de l'activité après coup, pendant le débriefing. Les questions propres à susciter les verbalisations doivent inciter l'opérateur à expliciter son travail même : le but de ses actions (le comment), les objets sur lesquels portent ses actions (le quoi), les moyens qu'il utilise (le avec quoi), les moments de réalisation (le quand), les lieux de réalisation (le où).
Ces verbalisations peuvent être effectuées pendant l'activité, mais elles exigent de la part de l'opérateur une double tâche qui doit à la fois travailler et expliciter son travail, ce qui est exigeant et pas facile. De plus, la présence de l'analyste du travail sur le lieu de travail peut modifier certaines des conditions de réalisation de l'activité de travail. Il est souvent préférable d'effectuer également des verbalisations après le travail, ce qu'on appelle le débriefing, ou à la suite d'un enregistrement vidéo au moyen d'un entretien d'autoconfrontation. L'opérateur observe le film de son activité de travail qu'il peut librement commenter ou co-analyser avec l'analyste du travail. Il peut s'agir de courts extraits significatifs de l'activité de travail, sélectionnés par l'analyste du travail. Notons bien que l'opérateur peut vouloir trop rationaliser ce qu'il fait, vouloir trop se justifier ou vouloir trop donner à ses actions un sens différent de celui qu'elles ont réellement dans le cours de l'action, il peut vouloir aussi masquer certains modes opératoires qu'il met en œuvre parce qu'il les juge contraires à une prescription. À d'autres moments, l'opérateur ne dispose pas toujours des mots nécessaires pour expliciter le déroulement de son activité, de plus certaines de ses actions se sont automatisées et sont peu conscientisables donc peu traduisibles en mots. Pour autant, par un questionnement adapté de la part de l'analyste de travail, on peut aider l'opérateur à restituer l'activité dans le contexte de son déroulement, en appuyant le questionnement sur l'effet réellement recueilli, sur les images vidéo. Des biais et des limites peuvent ainsi être dépassés. C'est la grande force de l'enregistrement vidéo du travail réel que de pouvoir dépasser la limitation des verbalisations.
On peut aussi devancer certaines questions. Par exemple : Qu'est-ce qu'il vous a manqué dans la situation présente ? Quels ont été les empêchements d'agir comme vous le souhaitiez ? À quel moment avez-vous ressenti le plaisir d'effectuer cette tâche ? Quel déplaisir ? Qu'auriez-vous aimé faire et que vous n'avez pas effectué ? Que vous est-il dit d'effectuer et que vous ne souhaitez pas faire ? Qu'est-ce que vous faites et ne souhaitez l'effectuer ? Si c'était à refaire, comment feriez-vous ? Etc.
La relation de confiance est essentielle pour pouvoir approcher le travail d'un salarié, il ne s'agit pas de juger son travail, mais de le comprendre ensemble, dans le moindre détail de son fonctionnement ou presque, d'amener à prendre conscience de ce qui est fait automatiquement, de ses compétences insoupçonnées, de ces stratégies inventives. C'est donner à voir de son travail, ce qui est en soi est valorisant et formateur.
Pour conclure, l'analyste du travail peut aussi rédiger une chronique de travail qui est un relevé systématique daté qui restitue l'enchaînement temporel des faits et gestes de l'opérateur en activité de travail réel ainsi que les événements du travail. Il peut illustrer ces chroniques de dessins, de plans, de photographies, d’extraits de verbalisations pris à la volée, ou montrer une réalisation vidéo de certains moments significatifs du travail de l'opérateur.
D'après l'ouvrage : ergonomie, concepts et méthodes, P. Rabardel, éditions Octarès, 1998.