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Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Un ensemble compétences indispensables au travail ne peuvent s'acquérir de manière efficace que dans l'exercice de l'activité de travail. 

L'apprentissage en situation de travail est inhérent à l'activité. Comme nous l'explique Pierre Rabardel, dans toute activité il y a une activité de production de biens ou de services et en même temps une activité constructive de la personne qui agit pour produire, un accroissement de sa compétence au fil d'une accumulation d'expérience du travail. 

Il s'articule dans l'apprentissage du métier trois niveaux d'analyses, trois dimensions particulières : l'individu, le collectif de travail et l'organisation ou entreprise. La formation en alternance accorde une place très importante à la formation par les situations de travail, mais depuis quelques années, les actions de formation en situation de travail même, sur le lieu même du travail, les AFEST (action de formation en situation de travail), prennent le pas.

Il apparaît des savoirs empiriques qui ne sont pas formalisés, mais qui fonctionnent et donnent une maîtrise étendue et diversifiée du travail. Cela résulte d'un apprentissage préalable, un apprentissage par le faire, par un contact prolongé avec les situations diverses de travail. Ce qui semble intéressant, c'est de voir la capacité de transmettre ce qu'on a soi-même reçu en faisant son travail, c'est observer ce qui sera transmis autour d'une table à des pairs de manière à créer des cycles de « dons » (Durand). C'est ainsi une nouvelle économie du travail qui se profile où chacun donne de son expérience à son collègue, à son partenaire, loin d'une ligne de production fordienne où l'intelligence résidait dans la tâche et non pas chez les opérateurs. Ces nouveaux principes correspondent à une recherche accrue d'efficacité et d'efficience dans le monde du travail. Il est vrai que la conception utilitariste de l'action humaine est de nos jours largement renforcée par une vision managériale de la gestion à la fois des entreprises et de la formation professionnelle.

Cet intérêt porté vers l'apprentissage du et au travail considère que le professionnel est toujours en voie de développement. L'activité humaine n'est jamais statique, elle anticipe un résultat escompté, elle exprime une intention, elle utilise des stratégies pour contourner des obstacles , elle fait preuve d'une véritable intelligence du travail de manière à s'adapter dans le feu de l'action. On ne peut comprendre ces formes de travail volontaires et créatrices sans une prise en compte du point de vue des acteurs et de leur environnement de travail. L'activité est une actualisation à chaque instant d'un certain potentiel et peut faire l'objet d'une transformation générale.  Selon la didactique professionnelle, l'activité est une réponse d'un opérateur à une prescription, il a défini une tâche à accomplir à partir d'un invariant du travail et d'une singularité qui lui fait vivre à sa manière les invariants du travail. L'efficacité professionnelle ne relève pas seulement d'une maîtrise de savoir scientifique et technique, mais aussi de savoir pragmatique. Il s'agit de savoir anticiper son activité, l'activité réalisée n'est pas un réel de l'activité dans la mesure où elle n'est qu'une partie de ce qui aurait pu être réalisé. On observe que dans tout métier, les collectifs s'activent pour façonner des ensembles de règles de fonctionnement, une forme d'héritage de savoir-faire ou de tours de main qui constituent, selon Clot, son genre collectif de travail. La formation professionnelle doit prendre appui sur la notion de genre et le style qui est la manière personnelle de s'approprier le genre. Il s'agit d'inscrire les apprentissages dans une fonction de disposition à agir autrement, collectivement, et de toute façon plus efficacement. Les acquisitions, les évolutions, les transformations radicales qui s'opèrent chez l'apprenant vont au-delà des savoirs académiques, des savoir-faire, ils concernent des savoirs décider, des savoirs organisationnels.

Les travaux d'inspiration piagétienne ou socioconstructiviste insistent sur la nécessité d'interactions entre pairs, qui sont destinées à faciliter l'apprentissage en situation de travail. On évoque ici  les workplace learning. « Chacun de ses environnements possède sa grammaire propre pour faire apprendre et peut-être vu comme un curriculum à part entière », écrit Étienne bourgeois. 

Pour former ou transformer en situation de travail, il convient d'apporter une attention particulièrement fine aux spécificités du métier, étudier dans tout l'ensemble de ses dimensions cette transmission sert l'apprentissage. Le lieu importe, car il souligne l'importance des mécanismes d'identification et de reconnaissance sociale dans l'apprentissage.

Le « work place learning » insiste fortement sur le rôle de la pensée réflexive sur l'action et dans l'action pour faire apprendre. Les objets d'apprentissage par eux-mêmes avec leur morphologie, leur habillage ou leur structure, leur fonctionnement transmettent quelque chose du travail. L'apprentissage au travail passe par une activité active de transformation de l'apprenant, selon Bourgeois. L'apprentissage du et au travail se situe entre le pôle reproduction et le pôle transformation. Les valeurs et les croyances culturelles déterminent, définissent et motivent l’apprenant dans son environnement. Stéphane Billet considère l'apprentissage en situation de travail comme une co-construction entre l'individu et la source d'apprentissage.

Les interactions d'apprentissage entre deux personnes permettent en bien des cas la confrontation entre des opinions différentes, des nouvelles informations ou des contradictions avec des informations déjà acquises. Ce que les spécialistes appellent le conflit sociocognitif. Dans le cas d'une controverse, les personnes peuvent trouver un accord satisfaisant pour les deux parties. Cela est favorable pour un apprentissage réussi, mais exige un environnement coopératif où les interactions entre les apprenants professionnels sont centrées sur la résolution de la tâche ou du problème. Dean Tjoswold valorise le rôle fondamental de la coopération et de la controverse pour produire des apprentissages organisationnels. Le non-jugement, la sécurité psychologique, la bienveillance sont essentiels pour des prises de risques favorables à l'apprentissage. Obtenir des savoirs sur le travail, par et dans le travail conduit à les transformer en savoir pour agir. Marc Durand explique que « les forgerons classent leurs outils non pas en fonction de critères logiques ou techniques, mais aussi selon les actions qu'ils projettent de réaliser avec eux ».

Les apprentissages au travail consistent, somme toute, à construire des modèles pour l'action. La théorie des apprentissages expérientiels amène à considérer l'apprentissage au travail comme le passage de l'expérience professionnelle au savoir formalisé, qu'il soit technique, qu'il soit une attitude, qu'il soit académique. Les professionnels expérimentés mêlent réflexion dans l'action et réflexion sur l'action. Les opérateurs construisent dans la pratique les concepts particuliers qui permettent d'orienter l'action et ils constituent les concepts pragmatiques. Le savoir au travail et dans les apprentissages est distribué entre les acteurs et leur environnement situé et incorporé. 

Le concept de zone proximale de développement et l'étayage sont des concepts fondamentaux pour l'apprentissage en situation. Le concept de zone proximale de développement est une boussole pour situer la part potentielle d'apprentissage entre ce qui est répétitif et ce qui est trop compliqué. L'étayage désigne l'ensemble des interactions d'assistance que l'expert produit pour permettre à un individu moins expérimenté d'apprendre et de conduire au mieux ses conduites au travail. Nombre de tâtonnements apparaissent dans un apprentissage sur le terrain même du travail. Cet apprentissage est piloté par le tuteur, étayé puis débriefé avec le tuteur et un tiers formateur, afin qu’il soit mis des mots sur les réussites comme les difficultés face aux activités engagées. L'accompagnement des novices ainsi que le guidage par les experts du travail forment des déterminants importants, des apprentissages au travail. Les formes d'interaction tutorale progressent en fonction des niveaux de compétences de l'apprenti et des modes d'organisation que choisissent le tuteur et l'apprenti. Il peut émerger au travail des opportunités de formation qui résulte d’initiatives du tuteur ou de l'apprenant ou même de l'organisation. Une communauté professionnelle peut être reconnue comme un lieu d'apprentissage social et situé où se co-construit un apprentissage d'activité professionnelle. Yrgo Engestrom propose l'approche par expansion pour apprendre ce que personne ne sait où bien créer de nouvelles activités. 

Grâce à des simulateurs de pleine échelle, la situation de formation peut reproduire de manière fidèle une situation classique ainsi formée dans des environnements simulés qui semblent particulièrement satisfaisants pour notamment les professions à risque. Les simulateurs reproduisent tout en partie de l'environnement de travail à simuler. C'est le travail même qui ordonne la construction des environnements. Il est mis en place des séquences issues de la réalité, comportant des degrés de difficultés diverses. Le professionnel est alors amené à construire une compréhension globale de la tâche à effectuer, des gestes à effectuer : ce qui peut le conduire à une traduction sous forme de concept pragmatique, avec l'aide du formateur ou chercheur. 

Les dispositifs de formation par simulation recouvrent aussi quelques autres techniques comme les jeux de rôles ou les études de cas sur papier. 

La simulation est un processus particulier qui repose sur l'attitude de l'apprenant « à faire comme si ». Le débriefing est alors le moment crucial de la formation après le moment de simulation. Sans débriefing, la simulation se limiterait à une un simple exercice pratique avec des possibilités d'apprentissage bien plus que réduites, parce qu'on apprend davantage après avoir fait, après le feu de l'action, en regardant ce que l'on a effectué. C'est une technique éminemment dynamique.

Ce n'est pas la seule activité qui permet d'apprendre, mais tout ce qui est dit, tout ce qui est pensé, tout ce qui est discuté avec les autres, individuellement, ou en collectifs est valorisé, pendant le détour réflexif que constitue le débriefing sur ce qui a été effectué et vécu, ressenti.

Les apprentissages en alternance posent la difficulté récurrente du lien entre le contexte professionnel d'application et le centre de formation. Pour mieux intégrer les apprentissages en école et en situation de travail, il apparaît que les supports écrits comme le journal de bord ou le journal des apprentissages jouent un rôle fort important afin d'aider à la circulation des savoirs et des expériences entre le contexte scolaire et le contexte d'application professionnel. 

Selon Dewey, l'enquête est une procédure qui transforme l'expérience professionnelle en une expérimentation à réfléchir. Cette notion d'enquête semble un moyen de contourner la séparation entre théorie et pratique et peut-être permettre un lien dialectique entre le pôle de la formation et le pôle du terrain. Dans l'alternance, il s'agit de mettre en tension ce rapport entre une activité  organisée par des savoirs de référence et une activité vécue dans l'intérieur même de l'expérience de l'activité en situation. Progressivement, le discours va s'enrichir de conception techniques ou scientifiques qui deviendront des outils pour penser et donc pas de simple vérité assénée.

Parfois, la formation est trop considérée comme une recette magique, une solution à toutes les problématiques de l'entreprise. L'apprentissage en situation de travail est alors considéré comme une piste possible de renouvellement de l'ensemble des questions de formation, car elle s'appuie sur des dysfonctionnements existants, des besoins d'accroissement des compétences, un renouvellement des processus.

L'apprentissage est une force et une faiblesse à la fois. Il y a la faiblesse de quelque chose que l'on ne voit pas s'opérer directement et il y a la force du changement qui apparaît sur le poste du travail, d'où la nécessité de prendre du temps, de donner des moyens de suivre tout comme de rendre visible ce qui se fait ce qui s'apprend ce qui se conceptualise. Solweig Fernagu Oudet explique qu'il est difficile de « penser simultanément processus de production et processus d'apprentissage et d'imposer ainsi une obligation d'apprendre aux individus ». Elle explique qu'une approche par les capacités introduit à une réflexion sur les contraintes qui pèsent sur les individus et sur les opportunités dont il dispose pour agir. Il s'agirait de mettre à disposition des individus des possibilités d'extension de leur pouvoir d'agir au travers de l'organisation du travail , de contribuer directement au progrès des savoirs dans et par l'action. 

Un individu possède la capacité de développer son pouvoir d'agir grâce aux ressources qui lui sont proposées par l'entreprise de travail . La compétence est un réservoir de ressources, c'est une puissance d'agir, la formation en revanche défend un pouvoir d'agir !

 

Inspiré et d'après le livre "Apprendre au travail", sous la direction de Étienne bourgeois et Marc Durand aux Presses universitaires de France, 2012.   

 

Inspiré et d'après le livre "Apprendre au travail", sous la direction de Étienne bourgeois et Marc Durand aux Presses universitaires de France, 2012.  

 

https://www.cairn.info/apprendre-au-travail--9782130588948.htm

 

Un article de Jean-Marie Barbier (CNAM Formation et apprentissages professionnels) interroge la notion d'apprentissage au travail. Pour le discuter, le réfléchir, le concevoir...

Rapprocher travail et formation : un regain d’intérêt.

Le projet ne date pas d’hier, ni dans l’histoire du travail, ni dans l’histoire de l’éducation ’Intégrer’ travail et formation a même donné lieu, à partir des années 90, au développement d’une nouvelle culture d’action (https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2010-1-page-163.htm) à la fois éducative et organisationnelle : le développement de compétences et la professionnalisation, entendus comme intention de transformation continue de compétences en rapport avec une intention de transformation continue d’activités.

Dès cette époque, plusieurs travaux de recherche lui ont été consacrés, prolongés par des travaux de synthèse, et par l’apparition d’un courant international d’étude sur le workplace learning :
- L’organisation_qualifiante
- https://www.persee.fr
- https://www.cairn.info/revue-savoirs-2008-2-page-9.htm.
- https://www.cairn.info/apprendre-au-travail--9782130588948.htm

On constate toutefois,depuis quelques années, un regain d’intérêt pour cette question ancienne, influencé par les orientations libérales de la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, en particulier par la pression sociale exercée à faire entreprise de soi, en situation.

C’est le cas par exemple de l’intérêt social accordé en France à des pratiques affichées comme nouvelles : les " Actions de Formations en Situation de Travail " (AFEST) dont la dénomination, si elle présente l’avantage de valoriser socialement et administrativement les apprentissages au travail, est discutable précisément en tant qu’ ’actions’ qui seraient toujours délibérées, et en tant que ‘formations’ ce qui supposerait une autonomisation relative des pratiques éducatives https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapportfinalafest.pdf.

Ce regain d’intérêt ne fait pas disparaitre le caractère souvent incantatoire du projet, phénomène classique dans le discours du management. Elle laisse subsister un certain nombre d’ambiguïtés. L’articulation formation/travail y est par exemple souvent résumée à deux caractéristiques essentielles : a) une mise en situation de travail b) l’introduction d’une séquence réflexive sur l’exercice de ce travail. Or faire de l’introduction d’une séquence réflexive un point de passage obligé des apprentissages au travail peut se révéler réducteur et d’accès socialement limitant.

Le présent texte est fondé sur l’hypothèse d’une diversité d’articulations entre formation et travail, et se donne pour objet de contribuer à préciser ces articulations et leurs fonctions.  LIRE CI-DESSOUS

L’apprentissage au travail

Marc Durand, professeur à l’université de Genève et au CNAM à Paris en « Formation des adultes » définit l’analyse de l’activité à travers l’ergonomie de langue française comme un mouvement d’analyse du travail qui s’est développé après la guerre dans le cadre de la reconstruction. Il s’agissait d’aller voir comment travaillent les travailleurs et comment ils ne font pas ce qu’on leur demande faire (travail prescrit/travail réel) - analyser le travail pour adapter le travail à l’homme, et non l’inverse. Taylor aux Etats-unis, a minimisé le facteur humain dans le travail et instauré des organisations et des formes de travail auxquelles l’homme devait s’adapter (travail à la chaîne). En analyse du travail, le facteur humain est une ressource et on pose le postulat de compétence chez les opérateurs. Ce sont les travailleurs qui connaissent le mieux leur travail et qui sont le plus capables d’en parler.

L’activité réelle est définie par ce que fait un individu ou un collectif dans une pratique. Le travail est une totalité dynamique, située, cultivée, signifiante, adaptative, donnant lieu à expérience, autonome. Il y a donc la nécessité d’une analyse systémisée.

L’analyse de l’activité est partagée entre le courant néo piagétien pour lequel les savoirs sont nichés dans l’action et le courant néo vygotskien où l’activité individuelle (le style) exprime des préalables culturels collectifs (le genre).

Les méthodes de l’analyse de l’activité sont utiles en formation : aller voir sur le terrain (la reconstruction de l’activité nous en éloigne), exploiter la capacité des acteurs de parler de leur propre travail.

Il précise des pistes pour la formation :

- enseigner les concepts de l’analyse du travail en institut de formation

- identifier les invariants de l’activité des professionnels expérimentés en didactique du travail

- ergonomie formative : démarche itérative considérant la formation comme un travail, et l’activité du formateur comme objet d’analyse

- accompagnement des trajectoires professionnelles (exemple de Néopass)

- déclenchement du développement professionnel et personnel : nature des transformations, réflexivité

Il souligne des innovations qu’apporte l’analyse de l’activité :

- des renouvellements conceptuels (ou des redécouvertes ?) : on apprend aussi par « mimesis » ou mimétisme. L’expérience partagée entre deux professionnels, c’est du travail sans en être vraiment... c’est de l’ordre du jeu, du « musement » (musement n’est pas amusement), cet entre-deux des artefacts type Néopass, ce n’est pas le vrai travail, mais ça permet de s’y projeter

- du travail sur le travail, une ressaisie de sa propre activité.

Travail, métier ,profession, il ne faut pas confondre, se tromper d’objet. Il faut accroitre sa vigilance critique et en contrepartie son inventivité vis à vis du mouvement de professionnalisation. Il y a une nécessité absolue de se situer dans une perspective de professionnalisation mais il faut aussi s’en méfier et garder l’idéal de conception de l’éducation. (source : le café pédagogique)

Post-Scriptum
Voir le dernier ouvrage collectif qu’il a co-dirigé : « Apprendre au travail » aux PUF dans la (remarquable) collection Apprendre

Patrick Mayen, professeur à l’université de Bourgogne en didactique professionnelle, responsable de recherches à AGROSup Dijon : Apprendre en situation de travail : à quelles conditions ? Savoir réparer les pannes complexes, une affaire de spécialistes ?

Les conditions actuelles du travail désapprennent le travail (cf Lantheaume). Les conditions du travail peuvent empêcher le développement des compétences au travail.

Patrick Mayen donne l’exemple du réceptionnaire d’atelier de garage automobile, amené à communiquer avec les clients qui ne connaissent rien à la mécanique. Il fait des liens entre les mots de l’atelier et les mots du client, dqns un forttement/appropriation entre les champs conceptuels. Les savoirs des professionnels se transforment en savoirs à communiquer. Ce qui permet d’aborder la question du savoir pour les enseignants : pour faire du développement, il faut savoir circuler entre les espaces de savoir. Les savoirs à enseigner sont les objets de l’action.

Créer des situations potentielles de développement : il faut identifier ce qui a un faible potentiel de développement dans les situations de travail pour construire des situations de formation potentiellement fortes. Les contextes de travail changent souvent lentement, imperceptiblement et les transformations dans le travail sont « silencieuses », parfois peu identifiées ni verbalisées.

Comment peut-on raisonner l’usage des situations de travail dans une perspective de formation, d’apprentissage professionnel, voire de développement ?

On a besoin de 3 appuis pour penser :

- théorie analytique des composants des situations (de quoi sont composées les situations de travail – buts, système techniques, prescrit…)

- théorie de l’action : la pensée est une chose rare et elle ne vient pas toute seule…

Elle doit donc être étayée et soutenue. Dans la vie, le réel résistant guide la situation (si on veut scier une planche de bois et que le matériau résiste, il va falloir transformer son action, ajuster un autre geste). Cela fait référence aux « conceptions en actes » (Gérard Vergnaud) que développent les jeunes enfants avant de pouvoir mettre des mots et donc des pensées sur ce qu’ils font.

- théorie de l’apprentissage ( (entrainement, variation, essai-erreur)

On n’agit pas DANS la situation, mais AVEC et PAR la situation. C’est l’environnement dans lequel on entre en connexion, dans des relations avec d’autres situations (ou pas) qui vont faire émerger (ou non) des catégories de situations qui vont permettre le développement (Bakhtine)

Les rencontres avec d’autres vont susciter du développement : parler du travail m’amène à sortir du moment de l’action pour l’exprimer, la réélaborer, la justifier pour les autres. Ce processus aide à la prise de conscience, à l’analyse, pour une autre situation.

Les situations interactionnelles, par le changement de position qu’elles procurent, sont des moteurs du développement. Selon qu’on peut, dans son travail, changer de position, les représentations sont affectées, le développement ne sera pas le même. Permet-on à ceux qui travaillent de changer de point de vue sur leur travail ?

C’est sans doute, par exemple, un des seuls avantages des dispositifs d’aide personnalisée que de permettre aux enseignants de découvrir des pans entiers de l’activité des élèves, et notamment de modifier les attributs dont ils les affublent (attentifs/distraits ; engagés/résistants…). Mais les élèves, eux aussi, renouvellent leur perception de l’enseignant dans ces nouvelles situations…

Encore faut-il que les « encouragements à agir » de l’environnement permettent aux sujets de se mobiliser. Il y a des environnements de travail où des choses sont possibles, « suffisamment bons » comme chez Winnicott, où les sujets vont s’engager, parfois sur des petits riens, parfois dans des grandes choses. (Source : le café pédagogique).

Les profs apprennent des profs

Une étude américaine montre que les enseignants les plus performants ont un effet positif sur leurs collègues. "C’est vrai que les enseignants apprennent de leurs pairs et les effets ne sont pas petits". Kirabo Jackson et Elias Bruegmann, professeurs à l’université d’Ithaca (New York) ont étudié la valeur ajoutée des enseignants en se basant sur les résultats des élèves. (Café pédagogique)

- L’effet Stakhanov. Ils ont pu montrer que l’arrivée d’un professeur compétent entraîne une amélioration des résultats des enseignants de son équipe éducative. Tout se passe comme dans les équipes de travail où un bon travailleur donne le rythme aux autres. C Kirabo Jackson et Elias Bruegmann se sont demandés alors si ces résultats résultaient d’une aide apportée aux enseignants moins performants, de leur motivation ou d’un apprentissage. Pour eux c’est cette dernière hypothèse qui est la bonne. Les enseignants expérimentés transmettent des savoir faire à leurs collègues.

Du coup les auteurs pensent qu’il faut organiser les établissements de façon à encourager la constitution d’équipes autour de ces "bons profs". Mais il faudrait aussi envoyer des "bons profs" dans les établissements populaires, là où n’enseignent que de profs débutants. La mise en évidence de cette fonction de "diffusion" des bons enseignants les rend plus précieux encore. (Café pédagogique)

Focus sur les actions de formation en situation de travail (AFEST)

 

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