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Carte de visite

Cours universitaires et travaux de recherche sur les questions d'apprentissage des jeunes et des adultes, science du développement humain, sciences du travail, altérités et inclusion, ressources documentaires, coaching et livres, créativités et voyages. Philippe Clauzard : MCF retraité (Université de La Réunion), auteur, analyste du travail et didacticien - Tous les contenus de ce blog sont sous licence Creative Commons.  

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Quelques mots sur la thèse

Cette recherche a pour objectif de comprendre la situation d'apprentissage grammatical en école élémentaire, en l'étudiant sous l'angle de l'activité des enseignants, au travers, tout particulièrement des épisodes repérés comme significatifs d'un glissement vers le conceptuel. Elle cherche à identifier les caractéristiques spécifiques de ces situations de mutation, les types de schèmes de glissements conceptuels comme les modèles opératifs et les stratégies singulières développés par les acteurs en fonction de la structure conceptuelle de la situation d'enseignement/apprentissage de la grammaire en école élémentaire. Nous avons repéré deux concepts organisateurs de cette structure conceptuelle : les glissements conceptuels (instanciation d'une secondarisation dans l'apprentissage grammatical) et l'ajustement d'un type de grammaire à un niveau de classe. La recherche a été conduite en collaboration avec dix-huit professeurs des écoles. Les données ont été recueillies à partir d'enregistrements vidéo des séances de classe et d'autoconfrontations des enseignants. Les résultats mettent en évidence le rôle central que jouent les épisodes de glissement conceptuel, dans une conceptualisation progressive au sein d'un cadre notionnel très abstrait et complexe pour les écoliers. Ils montrent que l'activité des enseignants en classe de grammaire se caractérise de la manière suivante : (a) l'apprentissage de la grammaire forme un champ conceptuel cohérent et hiérarchisé avec des continuités et ruptures au regard des différents concepts connectés les uns aux autres formant in fine le concept de phrase grammaticale (très complexe et abstrait pour les écoliers), avec des types de grammaire intuitive, implicite ou explicite qui convoquent un ajustement de la part des maîtres de grammaire, (b) cet apprentissage exige un temps de conceptualisation long qui va de 7 ans à 10 ans en école élémentaire et se poursuit pendant les années de collège, ce temps se subdivise en « paliers » de conceptualisation qui vont du « concept provisoire » au « concept institué » en liaison avec des types de glissement conceptuel correspondants, (c) les épisodes de glissement conceptuel sont les indicateurs dans les interactions de classe d'une secondarisation, d'un changement de registre de conceptualisation marquant le passage de l'épi - langage au méta – langage ; ils soulignent un moment d'apprentissage, un possible de conceptualisation, (d) le modèle opératif de l'enseignant (avec l'ensemble de ses conceptions et expériences personnelles) influe sa didactique grammaticale dans le choix d'un support phrastique (phrase problème évoluant vers une phrase modèle d'objet linguistique), d'un procédé didactique, des tâches scolaires ; il est à l'origine de stratégies individuelles caractérisables. (e) Par delà les différences, il apparaît un genre commun d'apprentissage grammatical et trois dimensions essentielles : la norme, le jeu et l'analyse. Sans les deux premières, il n'existe pas de formation à l'analyse. L'accès à l'analyse est probablement, plus facile sur la langue, parce que, la langue est ce qui se prête le plus facilement au jeu : on joue avec les mots. Et la dimension « jeu » permet l'accès à la dimension « analyse ». La grammaire, un jeu dans les petites classes, avant de devenir dans les grandes classes un enjeu épistémique... Une traduction en démarche de formation professionnelle des résultats de la recherche conduirait à former des enseignants qui apprennent à contrôler les épisodes de glissement, à la fois chez eux et dans l'effet produit sur les élèves. Grâce à des débriefings, il conviendrait de permettre aux jeunes enseignants d'analyser la manière dont ils ont procédé à des glissements (comme le soulignent Goigoux et Bautier, les enseignants sont très peu conscients de leurs pratiques de secondarisation). On pourrait leur permettre notamment d'identifier les épisodes de glissement qu'ils ont produits, de les caractériser, d'évaluer leur pertinence dans les effets produits chez les apprenants. Il serait aussi souhaitable de leur faire travailler les trois dimensions de l'objet « grammaire », que nous avons précédemment décrites : norme, jeu, analyse et peut-être leur faire prendre conscience de leurs convictions et motivations, leurs conceptions sur la grammaire à interroger. Ce serait conduire les enseignants à reconnaître le geste professionnel d'étayage qu'est le glissement conceptuel, qui prend en compte les objets d'enseignement dans toute leur épaisseur.

Thèse : La médiation grammaticale en école élémentaire. Éléments de compréhension de l'activité enseignante

la thèse...en supplément

L’apprentissage grammatical est révélateur d’un apprentissage qui accompagne l’activité dans une circulation entre le « faire » et le « comprendre ». Nous nous référons aux travaux de Rabardel (2005) et de Pastré (2011) qui soulignent que depuis Descartes, on pose d’abord la question du sujet « épistémique », capable de raisonner à partir de ses connaissances, avant celle du sujet « capable » qui mobilise dans son action des ressources. Aujourd’hui, avec l’ergonomie cognitive et la didactique professionnelle, la perspective est renversée. Le choix est fait de subordonner le sujet connaissant au sujet capable, s’appuyant sur le constat que l’apprentissage accompagne l’activité, l’activité constructive de l’individu accompagne l’activité de production. Le sujet « capable » dit « je peux, je ne peux pas » avant de dire « je sais, ou je ne sais pas ». Le sujet capable est un sujet dont le développement porte, non sur l’acquisition explicite de savoirs, mais sur l’apprentissage en situation. Cela nous fait penser aux apprentissages sur la langue qui se développent en situation de manipulation et de communication. L’apprentissage sur la langue est un long tissage des diverses dimensions de ce média si particulier qui permet l’entrée dans tous les apprentissages. La langue ne peut pas s’appréhender pour l’écolier comme un tout objectivable. Il y a un nécessaire itinéraire d’appréciation et appréhension de la langue selon les diverses entrées que proposent les analyses sémantiques, morphosyntaxiques (ou orthographiques) et syntaxiques, voire même textuelles. Par ailleurs, la maîtrise d’un concept grammatical exige un enchaînement d’assimilations préalables, une progressivité dans les analyses de la langue qui permettent d’effectuer un pas de côté en différant la sémantique de la phrase pour s’attacher progressivement aux aspects formels de plus en plus abstraits. Chaque pas, chaque analyse, chaque dimension d’appréciation de la langue s’articulent et s’étayent pour construire un concept purement grammatical (ou linguistique) sur le fonctionnement de la langue, pour ouvrir un espace où la langue est pensée. Où l’on fait parler la langue grâce à son pouvoir réfléchissant. Seul moyen de conduire l’élève à passer du statut de « sujet capable » (celui qui parle ou écrit en respectant implicitement les règles de la syntaxe) à celui de sujet « épistémique » (celui qui contrôle son activité langagière à l’oral ou à l’écrit en réception et en production en utilisant des savoirs syntaxiques explicites, ayant développé une posture d’observateur et de juge éclairé de la langue et de sa pratique). La prise de conscience des règles de fonctionnement de la langue permis par l’apprentissage grammatical conduit l’élève à devenir un sujet « syntaxique ». Les glissements accompagnent ce changement de statut que nous qualifions ici de transformation de « statut communiquant » à « statut syntaxique ». 

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