Colloque international en éducation, Montréal 2021 : Retour d’expérience sur le cours à distance
En introduction
La pandémie de Covid 19 accentue l’utilisation des ressources numériques à l’université. L’enseignement en distanciel ou en mode hybride (alternance présentiel/distanciel) contraint les enseignants à repenser leur activité d’enseignement, les modes d’exposition du cours (synchrone, asynchrone, interactif ou magistral...), de planification d’une session de formation (scénarios, exercices, ressources...), d’interactivité avec les étudiants.
Nous proposons dans le cadre de cette communication d’effectuer un retour d’expérience sur notre acculturation progressive au numérique, notre nouvelle quotidienneté de l’enseignement à distance.
À partir d’une description de notre pratique, nous effectuons une première recension des avantages et des limites de la pédagogie numérique en distanciel (ou à distance) ; puis nous tentons d’interroger l’efficacité de cette procédure pour l’enseignant comme l’étudiant.
Quelle plus-value réside dans l’articulation entre pédagogie (à distance) et technologie numérique ? Dans quelles conditions cette plus-value opère - t-elle ? Sur quel renouvellement des gestes professionnels d’enseignement se fonde-t-elle ?
En quoi sont modifiés les gestes d’étude des étudiants vs gestes d’enseignement dans un « jeu d’apprentissage » ?
Philippe Clauzard, MCF Université de La Réunion, France, Avril 2021
Le support Keynote de l'intervention
Cadre théorique : le modèle du jeu d’apprentissage
Mes recherches se focalisent sur les questions d’apprentissage, de conceptualisation et de gestes d’enseignement et d’étude les plus favorables à cette dynamique. J’ai étudié cela au travers de l’enseignement de la grammaire et de la géométrie.
Mon approche est généralement orientée « métiers » et didactique avec le champ de la didactique professionnelle pour le côté analyse du travail enseignant et celui de la TACD (théorie de l’action conjointe en didactique) pour mieux cerner la co-activité entre élèves et professeur.
Naturellement, l’enseignement en distanciel a affecté plus ou moins ces modèles, voire chamboulé quelques représentations...
La théorie de l’action conjointe en didactique considère toute situation scolaire en termes de jeu didactique coopératif, ayant comme moyen d'action un jeu d'apprentissage visant un jeu épistémique d'acquisition du savoir (Sensevy, 2007, 2011). Nous savons que le rôle de l’école est de conduire les élèves à la formation de concepts, au travers de jeux d’apprentissage.
La notion de jeu est centrale. Elle comporte des dimensions à la fois cognitives, affectives, sociales, institutionnelles et stratégiques. C’est une notion « investie » et fort « pragmatique » pour appréhender les activités humaines en classe (Sensevy, 2006).
Le modèle du jeu souligne tout particulièrement des aspects affectifs, cognitifs et pragmatiques des actions de formations, l’enseignement et apprentissage. Le modèle du « jeu » souligne bien la coopération : le jeu est fondamentalement coopératif, en plus d’être mobilisateur de ressources. On peut ainsi décrire le jeu du professeur sur le jeu de l’élève par le truchement d’une topogénèse , qui informe de la place que chacun prend dans la transaction au sein d’une genèse conceptuelle visée par le cours. On peut mesurer le jeu des élèves sur le jeu du Professeur et inversement; on peut mesurer également la manière de rentrer dans le jeu et de se prendre au jeu tout comme la façon de jouer au jeu.
Autant de descripteurs d’une situation de formation dont on peut vérifier le fonctionnement en distanciel ??
Perspectives et conclusions
Cette étude n’est qu’un retour personnel d’expérience, analysé selon les descripteurs de la TACD pour le présentiel. Il faudrait travailler avec des nouveaux descripteurs propres à l’enseignement en distanciel, repenser une modélisation spécifique de l’enseignement numérique à l’université est la première conclusion qui s’impose à nous.
Les résultats de cette étude sont mes ressentis de formateurs et ceux d’étudiants, globalement très mitigés. Même si parfois, nous avons connu des moments de grâce, des moments d’intérêts et de partage, je pense à travail tout particulier sur la ligne de vie dans le cadre du projet personnel et de l’auto formation.
Les résultats ne sont pas convaincants, car je n’ai pas été formé à l’enseignement en distanciel, je ne possède pas la maîtrise de tous les outils mis à disposition par la plateforme MOODLE, j’ai juste suivi une initiation à ce système informatique, sans le faire pour autant tourner, une formation en présentiel serait alors nécessaire.
Cependant, il est possible d’observer une plus-value pédagogique avec l’utilisation du numérique : notamment la possibilité de recueillir très rapidement les représentations initiales d’un groupe d’apprenants sur le sujet traité en cours, avec des histogrammes, des pourcentages, etc., ce qui permet de réguler le discours enseignant; des possibilités numériques d’exercices à distance semblent aussi intéressantes à condition d’y être formées. Les gestes professionnels sont nécessairement renouvelés tout comme la planification et la scénarisation du cours. Le geste de régulation demande de nouveaux outils pour prendre la mesure ou température des apprentissages au moyen de QCM, de questionnaires ou de jeux numériques favorisant l’expression des étudiants. Cela permet de prélever des indices de compréhension et d’avancée des apprentissages, faute de naviguer entre les rangs ou les tables de travail dans la classe. Le geste d’étayage peut s’effectuer au moyen de la messagerie instantanée par chat, mais demeure lourd, car l’écrit est plus chronophage que l’oral... Un geste de tissage peut être effectué par les étudiants qui vont articuler les cours entre eux, rapatrier des contenus des séances précédentes pour donner du sens aux nouveaux de la séance actuelle, on peut vraisemblablement ainsi confier aux étudiants des missions pédagogiques, une modification des gestes d’étude des étudiants qui doivent éviter la lassitude, la démotivation ou la distraction. Autres gestes : le geste de conduite à la secondarisation/métacognition peut être favorisé par un journal numérique des apprentissages que chacun tient seul ou en petits groupes (avec Google Drive), des salles virtuelles seraient ouvertes pour favoriser la discussion et la conceptualisation entre étudiants...
Le distanciel permet somme toute des innovations pédagogiques à reprendre en présentiel ou dans des modalités hybrides d’enseignement. Il invite à repenser la pédagogie universitaire en termes d'autorisation à discuter (sans timidité, en toute liberté), de confrontations des opinions, d’analyse immédiate des représentations, d’instantanéité du compte-rendu des travaux... Il offre également de grandes possibilités d'étayage des apprentissages et l’opportunité de personnalisation grâce au fil de discussion ou des forums de discussions dédiés à ouvrir. Des pratiques liées à la classe inversée comme l’auto-documentation dirigée et les exposés, les journaux d’apprentissage peuvent être repris...
Toutefois, les universités doivent organiser des formations conséquentes en distanciel et en présentiel (en tout petit groupe tutoré) afin de prendre en main tous les outils proposés par des plateformes comme Moodle et Wooclap par exemple, en saisir la plus- value pédagogique et apprendre à les insérer dans des nouveaux scénarios de pédagogie numérique à co-construire.
Enfin pour conclure, je crois qu’il est préférable de choisir un mode hybride d’enseignement qui insère dans le parcours en distanciel quelques moments de présentiel, dans la mesure du possible, pour échanger, réguler et compléter le cours... et surtout éviter une relation pédagogique désincarnée.
Merci de votre attention.
Témoignage d’une collègue paru dans le Huffington Post en novembre 2020
Depuis la rentrée universitaire 2020- 2021, en raison de circonstances indépendantes de ma volonté, j’assume mon service d’enseignement exclusivement à distance. Paradoxalement, je peux aujourd’hui expérimenter une méthode que j’appelais hier de mes vœux sur le plan professionnel.
Une idée reçue
Avant tout, les heures passées à assurer le passage d’un cours du présentiel au distanciel (...) non, l’enseignement à distance ne demande pas moins de travail au professeur. Bien au contraire, et comme je le pressentais déjà, préparer en cours en distanciel exige une somme de travail conséquente. Un cours en ligne doit être intégralement repensé pour s’assurer d’être suffisamment dynamique et interactif afin de maintenir l’attention des étudiants. Alors que mes cours étaient prêts à être dispensés en présentiel, tout a dû être repris pour garantir des supports de cours plus attractifs et plus adaptés à l’amphithéâtre virtuel.(...) J’avais pourtant l’habitude d’utiliser des diaporamas PowerPoint et d’intégrer un maximum d’interactions avec les différentes cohortes d’étudiants (des licences 1 au master), mais avec l’enseignement à distance, plusieurs crans supplémentaires devaient être franchis. (...)
Ce que j’en retiens
Des effectifs stables d’étudiants : Contrairement aux cours en présentiel où les effectifs se réduisent dès les toutes premières semaines, comme c’est le cas chaque année et auprès de tous les collègues, avec l’enseignement à distance, un nombre sensiblement stable d’étudiants est présent depuis le début.
Un niveau élevé d’échanges : Si l’accent a été mis sur la forme, pendant les préparations de mes cours, en revanche, au moment des séances avec les étudiants, j’ai été très surprise de la qualité et du niveau des échanges. Rêve ultime de tous les professeurs: pendant les interactions avec les différentes promotions, le fond est mis à l’honneur. Les étudiants timides osent s’exprimer sur le fil de la conversation en formulant leurs questions ou leurs commentaires. Ceux qui préfèrent prendre le micro sont invités à le faire. Tout le monde peut participer, sur le mode qui lui convient le mieux. Chacun est libre de sa méthode de participation, les analyses sont échangées, étoffées, enrichies. Le savoir transmis progresse.
Une interaction enrichie et renforcée : Les supports pédagogiques offerts par l’outil informatique sont plus importants qu’en présentiel: les bandes vidéo ou audio, les fréquents sondages pour s’assurer du suivi des étudiants, leurs retours réguliers sur les questions posées, l’utilisation plus poussée des ressources d’internet... Il ressort de tout cela une interactivité supérieure aux cours en amphithéâtre accompagnée d’un niveau d’échanges bien plus élevé avec les étudiants. Tout cela, au prix d’un gros effort de préparation du cours de la part de l’enseignant. Je ne dis pas que les rencontres en présentiel devraient être totalement exclues, les étudiants ont besoin de contacts, mais le plus gros du travail pourra être fait à distance.
L’outil virtuel au-delà de mes espérances
(...) l’outil virtuel est allé au-delà de mes espérances. Bien maîtrisé, il m’a ouvert sur des perspectives encore plus larges que celles auxquelles je m’attendais. Une méthode d’enseignement où la forme et le fond s’allient intimement au service d’un étudiant mis en avant, tout autant à l’écoute d’un savoir magistral qui lui est transmis qu’impliqué véritablement dans les réflexions qui peuvent en émaner. En somme, je dirai que cette expérience menée malgré moi est néanmoins prometteuse pour l’avenir de l’enseignement supérieur par la voie dématérialisée. (...) Avec un peu de pratique et une maîtrise des outils informatiques d’interaction, ce qui hier était agité par beaucoup comme l’affreux épouvantail de l’enseignement à distance deviendra un support réclamé tant par les professeurs que les étudiants. Tels sont l’enjeu et le défi que l’enseignement supérieur doit aujourd’hui relever: une
formation en distanciel, solide et de qualité (...) avec des supports d’avenir. L’Université est appelée à fortement évoluer. Nul doute qu’elle saura y parvenir.
Extrait de la page suivante : https://www.huffingtonpost.fr/entry/jenseigne-a-luniversite-et-les-cours-a-distance-peuvent-apporter-une-reelle-plus-value-blog_fr_5fa02de1c5b6b6b60e9251e3 3/4
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